Question de Mme GIUDICELLI Colette (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 07/07/2016

Mme Colette Giudicelli attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les difficultés que rencontrent les vétérinaires ayant exercé des mandats vétérinaires au cours des années 1955 à 1990, du fait du défaut d'affiliation, par l'État, aux organismes de retraite. En effet, durant ces années, nombre de vétérinaires ont participé à l'éradication des grandes épizooties ayant dévasté le cheptel national, en devenant des collaborateurs occasionnels du service public, salariés de l'État, via les directions départementales des services vétérinaires sous la conduite du ministère de l'agriculture. Au titre de ces mandats sanitaires, ils devaient être affiliés aux organismes sociaux – sécurité sociale et IRCANTEC -, mais cette démarche n'a pas été effectuée, les privant ainsi de leurs droits à la retraite découlant de cette collaboration. Après plusieurs années de procédure, le conseil d'État a reconnu, par deux arrêts rendus le 14 novembre 2011, la responsabilité de l'État. Cependant, à ce jour, les vétérinaires éprouvent les plus grandes difficultés à faire valoir leurs droits à cette retraite normalement due. Ainsi, l'administration ne traite pas dans un délai raisonnable les dossiers d'indemnisation qui ne posent aucune difficulté : près de 549 dossiers, pour lesquels il suffit d'établir le protocole d'accord entre l'administration et le vétérinaire sur le modèle type, n'ont toujours pas été adressés par les services du ministère. Deuxième difficulté, alors que le ministère de l'agriculture, par une lettre du 6 août 2012, s'était engagé à recourir à l'assiette forfaitaire prévue par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale pour pallier l'existence de pièces comptables manquantes (les périodes concernées étant très anciennes), le ministère est revenu sur sa décision, alors qu'il est lui-même en possession du montant des versements effectués au profit des vétérinaires au titre des mandats sanitaires. Troisième difficulté, le ministère refuse toute indemnisation aux veuves des vétérinaires décédés, notamment au titre de la pension de réversion. Quatrième difficulté, l'administration oppose la prescription quadriennale résultant de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics aux vétérinaires ayant formé leur demande d'indemnisation plus de quatre années après la liquidation de leur pension. Or, la carence de l'État n'est apparue qu'à partir du moment où elle a été reconnue en jurisprudence, il y a seulement quelques années : comment un vétérinaire aurait pu se voir opposer un délai de prescription alors qu'il n'avait pas conscience et assurance qu'un préjudice lui avait été causé ? Jusqu'à présent, les vétérinaires, constitués en association de défense, ont toujours privilégié un règlement amiable, s'abstenant de toute action en référé devant les juridictions administratives, mais, devant les positions de l'administration, qui peuvent s'analyser comme étant, par bien des aspects, déloyales, leur patience est à bout. Aussi, elle lui demande son sentiment sur ce dossier.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 01/09/2016

La procédure de traitement amiable des demandes d'indemnisation des vétérinaires sanitaires pour préjudice subi du fait de leur défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale au titre de leur activité exercée avant 1990 est opérationnelle depuis le dernier trimestre 2012. Elle est ouverte tant aux vétérinaires sanitaires déjà en retraite qu'à ceux encore en activité. Les vétérinaires ayant esté en justice peuvent y avoir recours pour la partie du préjudice pour laquelle la justice ne s'est pas prononcée. À ce jour, 1 273 dossiers recevables sont parvenus au ministère. 1 067 ont été complètement instruits. Cette instruction est effectuée au cas par cas, l'activité sanitaire des vétérinaires étant très variable d'un vétérinaire à l'autre et ceci quel que soit le département d'exercice. Cette instruction est toutefois réalisée sur la base de règles harmonisées concernant par exemple les types de justificatifs documentaires admis comme preuves de détention d'un mandat sanitaire ou des rémunérations perçues au titre de l'exercice de ce mandat. Ayant pour but de reconstituer les rémunérations perçues annuellement par chaque vétérinaire sur la période d'exercice de son mandat sanitaire, l'instruction se clôture par l'envoi d'un document récapitulant ces informations et dénommé « proposition d'assiette ». 898 vétérinaires ont accepté la proposition d'assiette qui leur avait été faite, ce qui a permis de saisir les caisses de retraite du régime général [CARSAT (caisse d'assurance retraite et de santé au travail)] et de retraite complémentaire [IRCANTEC (institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l'État et des collectivités publiques)] afin d'obtenir les informations nécessaires à l'élaboration de protocoles d'accord envoyés en priorité aux vétérinaires retraités, car pour eux, le préjudice est immédiat, alors qu'il est futur pour les vétérinaires encore en activité. Après signature du protocole, le ministère chargé de l'agriculture indemnise directement le vétérinaire afin de compenser la minoration de pension subie depuis son départ à la retraite. Il verse également aux caisses de retraite les arriérés de cotisations permettant ensuite à ces dernières de recalculer la pension pour l'avenir. Le préjudice passé et futur est donc ainsi éteint. Cette procédure a permis l'envoi de deux séries de protocoles en 2014 et 2015. Au total, 270 protocoles d'accord ont été soumis à des vétérinaires retraités, sur un total d'environ 600 actuellement (ce chiffre évoluant constamment du fait de départs en retraite relativement nombreux chaque année). 265 protocoles ont été signés. Tous les vétérinaires concernés ont reçu l'indemnité destinée à compenser le préjudice passé. La totalité des arriérés de cotisations a été versée aux caisses de retraite des régimes général et complémentaire afin qu'elles procèdent à la régularisation de la situation de chaque vétérinaire, ce qui peut nécessiter du temps, compte tenu du plan de charge des différentes structures. Peu de difficultés sérieuses ont été portées à la connaissance du ministère chargé de l'agriculture, et celles qui sont survenues ont pu être réglées. En 2016, la procédure suit son cours selon les modalités décrites ci-dessus. L'État a donc pris toutes les mesures nécessaires pour une réparation de l'intégralité du préjudice. Si le traitement des demandes d'indemnisation peut apparaître long, il convient de souligner que la procédure amiable concerne un pré-contentieux de masse, qu'elle est lourde car composée de plusieurs étapes et qu'elle requiert l'implication non seulement du ministère chargé de l'agriculture mais aussi d'un ensemble de partenaires extérieurs, à savoir le réseau des caisses de retraite du régime général et du régime complémentaire. S'agissant des conjoints des vétérinaires décédés, une quarantaine de dossiers sont recevables. Les modalités techniques du règlement de ces dossiers sont en cours de finalisation. Leur mise au point prend du temps, car, contrairement au traitement des dossiers des vétérinaires de leur vivant, il n'est pas possible de bénéficier de l'appui technique des caisses de retraite pour régler les dossiers de ces conjoints. En effet, lorsqu'un vétérinaire est décédé, le dossier que la CARSAT détient sur ce vétérinaire est clos. Le potentiel total de vétérinaires susceptibles de demander à être indemnisés n'étant pas précisément connu, il est difficile de définir le terme de la procédure de transaction. Si le flux de dossiers nouveaux a nettement ralenti depuis le début de 2016, il n'est pas encore arrêté. Le nombre élevé (898) de propositions d'assiette acceptées par les vétérinaires démontre la pertinence des règles d'instruction des dossiers qui sont appliquées. Il reste bien sûr des dossiers posant des difficultés en raison d'un manque ou d'une insuffisance de justificatifs documentaires. Le recours à l'assiette forfaitaire prévue par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, qui est demandé par certains professionnels, n'est toutefois pas adapté aux vétérinaires sanitaires, car ceux-ci étaient avant tout des praticiens libéraux ayant exercé une activité d'agent public de manière partielle et fractionnée, en complément de leur activité principale libérale. Les demandes d'indemnisation déposées plus de quatre années après le départ à la retraite des vétérinaires sont considérées comme prescrites au titre de la déchéance quadriennale des dettes de l'État. Ce point fait l'objet d'un contentieux, dans le cadre duquel le Conseil d'État a admis un pourvoi en cassation en 2015. Si le Conseil d'État avait une appréciation différente du point de départ de la prescription, toutes les demandes d'indemnisation considérées comme prescrites seraient alors réexaminées au regard de la décision du Conseil d'État.

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