Question de M. GATTOLIN André (Hauts-de-Seine - Écologiste) publiée le 30/09/2016

Question posée en séance publique le 29/09/2016

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)


M. André Gattolin. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics.

Monsieur le secrétaire d'État, voulez-vous gagner des millions ? (Rires.) Si tel est le cas, c'est une question à 2 200 millions d'euros !

Vendredi dernier, la cour d'appel de Versailles a condamné M. Kerviel, ancien trader de la Société générale, à des dommages et intérêts de 1 million d'euros, soit un montant considérablement réduit par rapport aux 4,9 milliards d'euros du premier jugement rendu le 5 octobre 2010.

Si la banque déclare se féliciter de cette décision, sa responsabilité a été explicitement reconnue. C'est cette reconnaissance du partage de la faute entre la banque et son trader qui explique la considérable réduction des dommages et intérêts réclamés au second.

Cet arrêt met un terme à un conflit qui n'a que trop duré, mais il ouvre un autre dossier non moins important : celui de l'avantage fiscal d'un montant de 2,2 milliards d'euros consenti à la Société générale par l'État. Ainsi, le crédit d'impôt accordé à la banque en 2008 s'avère désormais dénué de fondement.

Ma question est la suivante : à la suite de cette décision, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, vos services entendent-ils engager une procédure afin de recouvrer cet avoir ? Si oui, entendent-ils porter l'affaire devant les tribunaux ou préféreront-ils, pour des raisons de diligence que nous connaissons, trouver une transaction avec la banque ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics publiée le 30/09/2016

Réponse apportée en séance publique le 29/09/2016

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. L'affaire est grave, vous l'avez dit, monsieur le sénateur.

Le rôle d'un gouvernement, particulièrement des ministres chargés des questions fiscales, est de faire appliquer la loi, toute la loi, rien que la loi, quel que soit le contribuable, qu'il soit puissant ou misérable. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Quel est l'état du droit ?

La Société générale a enregistré une perte en 2008, qui est quantifiée et reconnue par l'ensemble des juridictions ayant eu à traiter cette affaire. Elle a donc inscrit dans ses comptes, au même titre qu'une charge, la perte subie, ce qui est jusque-là tout à fait normal.

M. Jean-François Husson. Jusque-là !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L'administration a appliqué le droit. Aucun jugement, avant le dernier arrêt auquel vous venez de faire référence, n'avait mis en cause la responsabilité de la Société générale.

Aujourd'hui, le dernier arrêt reconnaît sur le plan civil – sur le plan pénal, la responsabilité pleine et entière de M. Kerviel a été reconnue, y compris devant la Cour de cassation – que la Société générale ne peut être considérée comme exempte de toute responsabilité.

En la matière, quel est le droit et quels sont les délais ?

Notre administration, au vu de la jurisprudence, notamment celle de 2016, et des attendus de l'arrêt rendu a considéré qu'il était nécessaire de réexaminer la situation.

Mme Corinne Bouchoux. Ah !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous le dis très clairement, concernant cette affaire, comme d'autres, il n'y aura pas de transaction. Un redressement pourrait être prononcé ; il sera probablement contesté.

M. le président. Il faut conclure !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En tout état de cause, dans les délais les plus rapides, Michel Sapin et moi-même avons demandé à l'administration fiscale d'appliquer le droit. Il n'y a pas de prescription en la matière ; certains, je le sais, s'en sont inquiétés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.

M. André Gattolin. Au nom du groupe écologiste et d'un grand nombre de parlementaires ici, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse précise et engagée (M. Pierre-Yves Collombat s'esclaffe.) Je salue également votre détermination. Il y va du respect non seulement de la parole de l'État, mais aussi du droit européen.

À l'époque, le crédit d'impôt n'avait pas été notifié auprès de la Commission européenne, qui pourrait le considérer comme une aide d'État déguisée. (M. le secrétaire d'État fait un signe de dénégation.) Nous pourrions alors encourir des poursuites européennes – on pourrait en parler d'un point de vue juridique.

En tout cas, je prends acte de votre réponse, qui fait œuvre de salubrité publique à un moment où les Français se posent des questions sur le fonctionnement et le rôle que jouent réellement les banques dans l'économie française. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Marc Daunis applaudit également.)

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