Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - Les Républicains) publiée le 21/03/2018

Question posée en séance publique le 20/03/2018

M. André Reichardt. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

La ville kurde d'Afrin, au nord de la Syrie, est tombée dimanche aux mains des forces turques et de leurs alliés.

Afrin était encerclée depuis mardi, 250 habitants ont fui et, une fois de plus, c'est à une véritable catastrophe humanitaire que nous avons assisté.

Le résultat, in fine, de cette opération militaire turque est double : d'une part, la zone a fait l'objet du nettoyage ethnique que l'on craignait ; d'autre part, le combat mené par les Kurdes contre Daech s'en trouvera, bien entendu, ralenti.

Pis, le président Erdogan a annoncé hier qu'il ne comptait pas en rester là. Son objectif assumé et affiché est de reconquérir la région frontalière pour y remplacer les populations kurdes.

La France, jusqu'à présent, soutenait les Kurdes syriens dans leur combat contre Daech. Le président Hollande, en son temps, avait décidé d'intervenir à Kobané, entraînant avec lui les Américains et les forces de la coalition.

La France était alors sans ambiguïté aux côtés des Kurdes, combattants bien seuls, au départ, contre le terrorisme islamique ; on l'a oublié.

La discrétion du président Macron, tout au long de cette peu banale opération militaire turque, correspond-elle à un renversement de stratégie ? (M. Martial Bourquin opine.)

Les Kurdes seraient-ils soudain devenus aux yeux de la France des terroristes, alors qu'ils étaient hier nos alliés ? Et quel message la France envoie-t-elle au monde en se révélant incapable de venir en aide à ses alliés, alors même que ceux-ci ont besoin de nous ?

Pour l'avenir, et c'est ma dernière question, que compte faire la France si l'armée turque, au lieu de se retirer des territoires occupés, comme nous l'a encore annoncé l'ambassadeur de Turquie en commission des affaires européennes la semaine dernière, étend ses opérations à d'autres régions kurdes ? (Vifs applaudissements.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur André Reichardt, la chute d'Afrin dimanche, après deux mois d'offensive turque, marque une nouvelle escalade dans la tragédie que connaît la Syrie.

Vous l'avez dit, c'est un nouveau coup porté à une situation humanitaire déjà catastrophique : des dizaines de milliers de personnes sont déplacées ; celles qui restent se trouvent dans une situation critique, privées d'eau, d'électricité et de secours.

C'est aussi un coup porté – vous l'avez dit, monsieur le sénateur – à la campagne contre Daech, à laquelle les forces démocratiques syriennes ont apporté une contribution décisive. La France en a pleinement conscience, la France ne l'oublie pas.

Mme Éliane Assassi. Cela ne suffit pas, il faut agir !

M. Simon Sutour. Des larmes de crocodile !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. Leurs capacités doivent être préservées. Daech n'est toujours pas vaincu en Syrie.

C'est enfin un coup porté à la trêve humanitaire décidée par la résolution 2401 du Conseil de sécurité des Nations unies qui exige une cessation des hostilités sur l'ensemble du territoire syrien.

La position de la France est constante. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Les préoccupations de la Turquie concernant la sécurité de sa frontière ne doivent pas la conduire à une implantation militaire dans la profondeur du territoire syrien.

Nous ne ménageons pas nos efforts pour une désescalade des tensions dans le nord de la Syrie.

Mme Éliane Assassi. La preuve !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. Dans l'immédiat, la Turquie doit aussi assumer ses responsabilités, faire cesser les pillages et les violences,…

Mme Éliane Assassi. Et alors ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre. … empêcher l'implantation des groupes radicaux et assurer le libre retour dans des conditions de sécurité de la population civile déplacée.

Mme Éliane Assassi. Blabla…

Mme Nathalie Loiseau, ministre. Il faut aussi qu'une gouvernance représentative de l'ensemble des composantes de la société locale et de leurs aspirations soit mise en place.

Je le répète, seule une solution politique inclusive, c'est-à-dire incluant aussi les Kurdes (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.),…

M. Simon Sutour. Quelle honte !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. … est à même d'assurer la stabilité de la Syrie et la sécurité de ses voisins, dont la Turquie.

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