Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 08/06/2018

Question posée en séance publique le 07/06/2018

Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.

Les États-Unis d'Amérique sont plutôt impitoyables avec nos entreprises, qui ont dû acquitter 20 milliards d'euros d'amendes entre 2014 et 2016, BNP Paribas ayant explosé tous les scores en payant 8 milliards d'euros à ce titre en 2014, une somme sans précédent.

Pour faire simple, utiliser le dollar dans les transactions ou même avoir une adresse e-mail dont le serveur est situé aux États-Unis suffit pour être poursuivi. La France n'est pas le seul pays européen dans cette situation, bien entendu, les Allemands étant logés à la même enseigne.

Aujourd'hui, le chantage pèse sur nos entreprises actives en Iran. PSA, Total et d'autres s'apprêtent à quitter le pays, alors que les Japonais et les Chinois y restent. Demain, les lubies d'un président tout à fait imprévisible viseront peut-être un autre pays.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour protéger nos entreprises ? Bruno Le Maire a déclaré il y a quelques mois qu'il allait tenter de mettre en place des règles de réciprocité. Il serait grand temps aujourd'hui de protéger nos entreprises de ce fléau ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministre de l'économie et des finances publiée le 08/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 07/06/2018

M. le président. Je félicite les quelques ministres présents aujourd'hui : ils en valent quatre chacun ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)

La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, dans cette affaire iranienne, notre objectif est de préserver l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien et, surtout, les gains historiques obtenus grâce à cet accord en matière de non-prolifération nucléaire.

Cela étant, nous sommes conscients des incidences économiques importantes que peut avoir le retour des sanctions américaines pour les intérêts des entreprises françaises et européennes, les décisions restant in fine prises par les opérateurs économiques et les entreprises.

Pour les accompagner, notre stratégie s'appuiera sur une double approche. À court terme, il s'agit de demander aux autorités américaines des exemptions protectrices des intérêts légitimes de nos entreprises. Bruno Le Maire et Jean-Yves Le Drian ont écrit hier à ce sujet à MM. Mnuchin et Pompeo, conjointement avec nos alliés allemands et britanniques et avec Mme Mogherini. La lettre a été rendue publique sur le site internet de Bercy.

M. Simon Sutour. Ah, bravo ! Ils tremblent !

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. Je ne vous le cache pas, la négociation avec les autorités américaines sera vraisemblablement difficile, et nous n'avons pas de garantie sur les résultats. Il faut donc travailler sur le moyen terme à une solution plus structurelle à cette situation asymétrique.

Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et Bruno Le Maire sont convenus de travailler sur des dispositifs permettant de renforcer l'indépendance économique de l'Europe. Nous avons ainsi engagé des travaux, en France et avec nos partenaires européens, pour développer des outils permettant de mieux protéger nos entreprises contre l'extraterritorialité des sanctions américaines. C'est l'objet de la révision du règlement européen de 1996 dit « de blocage », qui vise à offrir un dispositif plus protecteur pour nos entreprises et plus dissuasif à l'égard des autorités étrangères. La Commission européenne a proposé hier des amendements nécessaires. Nous soutenons cette approche.

Un deuxième axe d'action consiste à mettre en place des instruments ad hoc de financement. En effet, vous l'avez souligné, il y a un problème de circuits de financement et une impossibilité de passer par des acteurs utilisant le dollar ou localisés aux États-Unis. Il s'agit donc de créer des circuits et des capacités de financement autonomes pour les projets européens dans les pays touchés par les embargos.

Le troisième axe d'action serait de donner à l'Union européenne la capacité de dialoguer d'égal à égal avec les États-Unis, et donc de réfléchir à un équivalent européen de l'Office of Foreign Assets Control américain.

M. Simon Sutour. Il y a encore du travail !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Vos propos ne sont pas du tout rassurants, madame la secrétaire d'État. Protéger nos entreprises, c'est une question de souveraineté ! On ne va tout de même pas demander aux États-Unis l'autorisation de commercer avec tel ou tel pays !

Ma question dépassait largement le cas de l'Iran, qui reste anecdotique. Si, demain matin, le président Trump décide de boycotter un autre pays, il faudra que nos entreprises implantées dans ce dernier plient bagage. Votre réponse me semble un peu légère.

La commission des affaires européennes du Sénat s'est saisie de ce dossier et a confié à notre collègue Philippe Bonnecarrère le soin d'établir un rapport sur le sujet. Il est plus qu'urgent de trouver des solutions. Votre réponse n'en est pas une, madame la secrétaire d'État ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

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