Question de M. BAS Philippe (Manche - Les Républicains) publiée le 28/06/2018

M. Philippe Bas appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les règles applicables aux services publics industriels et commerciaux (SPIC) gérés en régie par les collectivités territoriales et leurs groupements.

Dans une réponse du 12 avril 2018 (Journal officiel des questions du Sénat, p. 1 791) à la question écrite n° 3363 portant sur la possibilité de constituer une régie unique chargée de l'exercice des compétences « eau » et « assainissement », le ministère de l'intérieur écrit que « pour chaque SPIC faisant l'objet d'une exploitation directe, il convient de créer une régie distincte ». Seules deux exceptions seraient admises. D'une part, les services d'assainissement collectif et non collectif dont le mode de gestion est identique pourraient être réunis au sein d'une même régie, à condition que la comptabilisation des opérations au sein d'un budget unique soit accompagnée d'un détail analytique permettant de dissocier le coût de chacun des services. D'autre part, les services d'eau et d'assainissement dont le mode de gestion est identique et qui sont soumis aux mêmes règles d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pourraient être réunis en une seule régie dans les communes de moins de 3 000 habitants et dans les établissements publics de coopération intercommunale dont aucune commune n'a plus de 3 000 habitants, puisque l'article L. 2224 6 du code général des collectivités territoriales permet, dans ce cas, qu'ils fassent l'objet d'un budget unique.

Cette interprétation de la législation en vigueur paraît à la fois nouvelle, contestable en droit et contraire à une pratique admise depuis plusieurs décennies.

Il y a lieu, en effet, de distinguer la question de l'organisation des services de la question comptable.

Certes, l'article L. 1412-1 du même code oblige les collectivités territoriales et leurs groupements à constituer une régie pour l'exploitation directe d'un SPIC. En vertu de l'article L. 2221-4 dudit code, il doit s'agir d'une régie dotée de l'autonomie financière, voire de la personnalité morale (établissement public local). En outre, le principe d'équilibre financier des SPIC impose que chacun de ces services publics fasse l'objet d'un budget distinct (selon le cas, un budget annexe ou le budget propre d'un établissement public local). Les excédents de trésorerie dégagés par l'un ne sauraient servir à renflouer l'autre.

Toutefois, ces dispositions n'interdisent pas la création d'une régie unique chargée de l'exploitation de plusieurs SPIC, dès lors que les recettes et dépenses liées à chacun de ces SPIC sont retracées dans des budgets distincts. Afin d'éviter la multiplication de structures lourdes et de mutualiser certaines fonctions « support » (informatique, secrétariat, achats, bureau d'études, etc.), il paraît utile de laisser ouverte la possibilité de créer une telle régie « multiservices », structure faîtière dotée de son propre budget correspondant aux services mutualisés. Pour chacun des SPIC gérés par cette régie, une quote-part représentative des coûts liés aux fonctions mutualisées peut être déterminée, retracée dans le volet « dépenses » du budget de ce SPIC et répercutée sur les tarifs facturés aux usagers.

De fait, de très nombreuses régies « multiservices » ont été créées avant et depuis le décret-loi du 28 décembre 1926 relatif aux régies municipales, sans que les services de l'État y aient fait obstacle jusqu'à une date très récente. À Besançon par exemple, le service unique de l'eau et de l'assainissement fonctionne à la satisfaction générale depuis le dix-neuvième siècle. Pourquoi défaire aujourd'hui une organisation qui a fait ses preuves ?

Il demande au Gouvernement de préciser son interprétation du cadre légal et ses intentions en la matière.

- page 3205


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 23/08/2018

Les dispositions de la loi relative à la mise en œuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, adoptée par le Parlement le 1er août 2018, permettent désormais de concilier la possibilité de mutualiser les fonctions supports relatives aux services publics de l'eau, de l'assainissement et de la gestion des eaux pluviales urbaines au sein d'une même régie avec la nécessité d'individualiser le coût des services publics industriels et commerciaux au sein de budgets annexes distincts. En effet, le respect de cette condition permet de garantir que les résultats des services publics industriels et commerciaux de l'eau et de l'assainissement soient conservés au bénéfice de leurs usagers respectifs, conformément au principe selon lequel le coût d'un service doit être répercuté sur ses seuls usagers, ces derniers devant pouvoir bénéficier des résultats excédentaires ou supporter un éventuel déficit de l'activité. Par conséquent, les dispositions de la loi précitée prévoient expressément le maintien de deux budgets distincts, au sein d'une régie assurant la gestion commune des services publics de l'eau, de l'assainissement et de la gestion des eaux pluviales urbaines, afin d'individualiser, pour les deux premiers services, leur coût réel, permettant ainsi de le facturer aux usagers proportionnellement au service rendu. La loi précise également que l'exploitation des services publics de l'assainissement des eaux usées au sens de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et de la gestion des eaux pluviales urbaines, au sens de l'article L. 2226-1 du CGCT, peut être assurée dans le cadre d'une régie unique. S'agissant des opérations relatives aux services publics d'eau potable et d'assainissement des eaux usées, elles doivent être retracées au sein d'un budget distinct du budget principal, conforme à la nomenclature M49. Les opérations relatives au service public à caractère administratif de gestion des eaux pluviales urbaines devront quant à elles être suivies budgétairement dans un budget distinct appliquant la nomenclature M14. D'autre part, la faculté d'instituer des régies uniques est réservée aux seuls cas où les services publics de l'eau, de l'assainissement et de la gestion des eaux pluviales sont tous les trois exercés à l'échelle intercommunale. Cette condition permet d'éviter les difficultés juridiques susceptibles de survenir dans le cas où l'un de ces deux services publics continuerait à être exercé à l'échelle communale, notamment du fait de l'application du mécanisme de minorité de blocage prévu à l'article 1er de la présente proposition de loi. En effet, dans la mesure où il s'agit de deux compétences distinctes, le transfert de l'une ou l'autre d'entre elle à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre complexifierait les modalités de transfert des biens, droits et obligations à dans le cadre d'une régie unique, notamment lorsque des travaux sont réalisés sur deux types de réseaux et qu'une seule des deux compétences est transférée à l'intercommunalité tandis que l'autre reste gérée à l'échelon communal. Enfin, conformément aux dispositions de la loi précitée, les régies communes aux services publics de l'eau, de l'assainissement et de la gestion des eaux pluviales devront être obligatoirement dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière, conformément aux dispositions de l'article L. 2221-10 du CGCT. En effet, les régies dotées de la seule autonomie financière sont retracées sous la forme de budgets spéciaux annexés au budget principal de la commune ou de l'EPCI à fiscalité propre, et un seul budget annexe peut être attaché à chaque régie dotée de la seule autonomie financière. Or, il importe que des budgets distincts soient maintenus pour chacun de ces trois services publics au sein de la régie commune, ce que seule une régie dotée de la personnalité morale permet.

- page 4391

Page mise à jour le