Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 05/07/2018

M. Roger Karoutchi attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur la vente du livre « Le licite et l'illicite en Islam », rédigé par un penseur des frères musulmans.

Ce livre antisémite, homophobe et misogyne est aujourd'hui en vente libre sur internet, alors même que les propos qui y sont tenus sortent manifestement du cadre de la légalité. De plus, la vente de ce livre, sans aucune analyse critique, présente un risque majeur. Il suffit de lire quelques extraits pour s'en rendre compte.

Concernant les homosexuels, il est ainsi écrit : « Par quel moyen les tuer ? Est-ce avec un sabre ou le feu, ou en les jetant du haut d'un mur ? Cette sévérité qui semblerait inhumaine n'est qu'un moyen pour épurer la société islamique de ces êtres nocifs qui ne conduisent qu'à la perte de l'humanité ».

Au sujet des relations entre musulmans et juifs, le gourou énonce : « Il n'y a pas de dialogue entre nous et les juifs, hormis par le sabre et le fusil ».

Enfin sur les femmes, le regard de ce prédicateur n'est guère plus rassurant : « Quand le mari voit chez sa femme des signes de fierté ou d'insubordination, il lui appartient d'essayer d'arranger la situation avec tous les moyens possibles en commençant par la bonne parole [...]. Si cela s'avère inutile, il essaie de la corriger avec la main tout en évitant de frapper durement et en épargnant son visage ».

Il lui demande donc s'il prévoit d'apporter une réponse adéquate et ferme à cette situation intolérable, afin que les lois de la République soient respectées et que le danger que représente ce livre puisse être écarté.


- page 3298

Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 09/05/2019

Les ouvrages d'inspiration religieuse, comme l'ensemble des publications, doivent respecter les dispositions de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse et notamment son alinéa 1er aux termes duquel « seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, (…) auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes : 1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ; » ainsi que son alinéa 7 qui punit d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 45 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement « ceux qui (…), auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » et son alinéa 8 qui punit des mêmes peines « ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal ». Dans ces ouvrages, même s'il est possible de s'exprimer par référence à des passages violents figurant dans un livre sacré, les propos doivent être mesurés et respecter les prescriptions posées par la loi française. À ce titre, le ministère de l'intérieur veille systématiquement à signaler à l'autorité judiciaire tous les faits, portés à sa connaissance, qui lui semblent constitutifs d'une infraction pénale et notamment les appels manifestes à la violence ou à la haine y compris lorsqu'ils sont publiés dans des ouvrages ou sur internet. S'agissant du livre « le licite et l'illicite en Islam », bien que cet ouvrage contienne des propos susceptibles de caractériser les délits de presse précités, la dernière édition de cet ouvrage par l'éditeur Al-Qalam semble dater de 2005. Dès lors, s'agissant des délits de provocation des alinéas 7 et 8 de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, en vertu de l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le délai de prescription de l'action publique étant d'un an, l'action publique est prescrite. Selon la jurisprudence, tout délit résultant d'une publication de presse est réputé commis le jour où la publication est faite. C'est à ce moment que l'écrit est porté à la connaissance du public et mis à sa disposition, puisque c'est par cette publication que se consomment les infractions pouvant résulter d'un tel écrit. Cependant, lorsqu'un livre fait l'objet de plusieurs éditions successives, la prescription ne remonte pas au jour de la première édition, mais au jour de chacune des éditions nouvelles. La solution est identique lorsqu'il s'agit d'une publication nouvelle ou d'une réimpression. En matière de presse, le fait de publication étant l'élément par lequel les infractions sont consommées, toute reproduction dans un écrit rendu public d'un texte déjà publié est elle-même constitutive d'infraction, et le point de départ de la prescription, lorsqu'il s'agit d'une publication nouvelle, est fixé au jour de cette publication. Par ailleurs, compte tenu de l'ancienneté de la date de parution de l'ouvrage « le licite et l'illicite en Islam », le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à faire usage des pouvoirs de police administrative spéciale qu'il tire de l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications d'ouvrage destinées à la jeunesse lui permettant de prononcer des mesures d'interdiction de vente aux mineurs, d'exposition aux mineurs ou de publicité des publications susceptibles de représenter un danger pour la jeunesse en ce qu'ils incitent à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes. Par conséquent, un signalement à l'autorité judiciaire ne sera possible qu'à compter de la prochaine édition ou reproduction pour diffusion publique de l'ouvrage en question.

- page 2520

Page mise à jour le