Question de M. de LEGGE Dominique (Ille-et-Vilaine - Les Républicains) publiée le 15/02/2019

Question posée en séance publique le 14/02/2019

M. Dominique de Legge. Cette semaine, des violences à l'encontre des juifs et la promotion de la barbarie nazie ont marqué l'actualité, provoquant la condamnation et l'indignation de tous. Ces actes succèdent à des profanations d'édifices catholiques – sept ont été recensées la première semaine de février.

Tout se passe comme si, à la crise sociale, à la crise territoriale, s'ajoutait une crise encore plus grave. Plus grave, parce que c'est celle du cœur, qui touche à l'essence même de notre humanité, à l'intimité de chacun de nous, à notre histoire personnelle et collective. La République, parce qu'elle est laïque, se doit de garantir à tous la liberté de croire ou de ne pas croire.

L'heure est grave, monsieur le Premier ministre. Que resterait-il d'une société où tout ce qui relève de la pensée et de la spiritualité ne serait pas garanti ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour que chaque citoyen puisse aspirer à une spiritualité apaisée et que la France reste le pays de la liberté, des Lumières et ne devienne pas celui de la barbarie et de l'obscurantisme ? Ne pensez-vous pas que le moment est venu de nommer les fauteurs de troubles ? (Applaudissements.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 15/02/2019

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2019

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la multiplication des actes antisémites, sur la multiplication des actes de profanation de lieux de culte catholiques ou juifs, sur le climat nauséabond qui se développe dans notre pays. Vous me posez cette question avec beaucoup de gravité, marquant votre indignation et soulignant que vous ne pouvez pas vous contenter de cette indignation. Vous me dites souhaiter qu'en réponse à ces actes des politiques publiques et des réactions effectives puissent intervenir. Je voudrais vous assurer que nous sommes, de ce point de vue, parfaitement sur la même ligne.

Oui, nous constatons depuis quelques semaines – malheureusement, ces actes ne datent pas d'il y a quelques semaines ; ils ne se sont jamais complètement arrêtés dans notre pays – une multiplication des actes antisémites, inacceptables, répugnants, qui prennent des formes extrêmement variées : des menaces contre les personnes, des tags, des atteintes contre les symboles. Vous avez vu, comme moi, et je sais que nous aurons l'occasion au cours de cette séance de questions d'évoquer ce sujet, l'atteinte faite à la mémoire d'Ilan Halimi à Sainte-Geneviève-des-Bois.

Face à cette multiplication d'actes antisémites ou anticatholiques visant des églises et des cimetières, vous faites bien de rappeler que la République respecte le sacré. En France, dans notre République, nous avons le droit de croire ou de ne pas croire et, lorsque nous croyons, nous devons être respectés parce que nous croyons.

Toujours en France et toujours sous la République, on a respecté les églises, les cimetières, les lieux de culte. Il est impératif de rappeler qu'il doit toujours en être ainsi. Cela ne suffit pas de le dire, j'en ai parfaitement conscience, mais vous savez comme moi que le jour où nous ne le dirions plus, alors, tout serait perdu ! Nous devons donc rappeler la norme, qui est que, en France, on respecte les lieux sacrés, symboles de la République, les lieux de culte, les lieux où reposent les morts. C'est un impératif qui s'impose à tous et qu'il convient systématiquement de rappeler.

Cela ne suffit pas, vous avez raison ; il faut aller plus loin. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement – ces sujets s'inscrivent, au fond, dans un continuum d'actions – souhaite agir dans plusieurs domaines.

En matière de formation d'abord, car nous devons faire en sorte que ces actes antisémites ou anticultuels, si j'ose dire, scandaleux soient mieux décelés et retranscrits par les forces de l'ordre afin qu'ils puissent faire l'objet d'instructions plus complètes par les services de la justice et de sanctions, à mon sens, plus sévères prononcées par la magistrature. Ces efforts de formation, nous les avons engagés auprès des forces de police et de gendarmerie, comme auprès des magistrats : ils sont indispensables.

En matière d'éducation ensuite, car c'est un combat, ancien, permanent, qu'il faut livrer contre l'ignorance et l'obscurantisme – l'obscurantisme est un terme encore faible, parce qu'il est presque bienveillant… Nous devons livrer ce combat à l'école, partout, et nous savons qu'il est difficile.

Je me souviens, monsieur le président, que l'expression « hussards noirs » désignait autant la couleur dont étaient revêtus les instituteurs que la logique de combat qui les inspirait : le combat contre l'obscurantisme. Il faut que nous retrouvions, d'une certaine façon, cette logique et que nous livrions absolument partout et en tous lieux ce combat contre l'obscurantisme, contre la haine, contre les préjugés, contre la bêtise la plus crasse, contre la méchanceté la plus vive.

Éducation, formation, dénonciation et sanctions – des sanctions sévères, car les faits sont inacceptables – sont donc indispensables.

Il nous faut aussi transformer notre droit. Nous aurons l'occasion, au cours de l'année 2019, de soumettre à l'Assemblée nationale et au Sénat des dispositions législatives qui permettront de le faire évoluer. Je pense notamment à la possibilité d'engager la responsabilité de ceux qui gèrent les réseaux sociaux. Aujourd'hui, ils s'abritent derrière le fait qu'ils sont des hébergeurs et non des éditeurs, ce qui les dédouanerait de toute responsabilité à l'égard de ce qui se dit sur leurs réseaux. Ce discours est inacceptable ! Il nous faut donc changer le droit. Pour faire évoluer le droit communautaire, nous avons engagé une discussion avec nos partenaires européens. Déterminés à modifier le droit national sans attendre, nous saisirons le Parlement au cours de l'année 2019.

Enfin, nous devons nommer tous les auteurs de ces actes, qui trouvent leurs racines dans un vieil antisémitisme français – cet antisémitisme n'a jamais été, je le dis, car ce serait trop simple, l'apanage d'une famille politique ; il s'est déployé dans de très nombreuses familles politiques, a imprégné de très nombreux aspects de la société française, parfois très vivement, parfois très discrètement – ou qui sont liés à un antisémitisme résurgent qui se nourrit du conflit israélo-palestinien ou d'une radicalisation ou d'un radicalisme islamiste.

Tous ces éléments, toutes ces constituantes de l'antisémitisme qui se développent dans notre pays doivent être combattus et nommés, avec une indéfectible détermination. Je voudrais assurer le Sénat, que je sais attaché à cette cause, de l'indéfectible détermination de l'ensemble des membres du Gouvernement sur ce sujet. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

M. Dominique de Legge. Merci, monsieur le Premier ministre, de cette réponse, mais je crois, et vous l'avez souligné, qu'il faut avoir le courage de nommer les auteurs.

Les auteurs, on les connaît, c'est l'extrême gauche antisioniste, c'est l'islam radical qui veut imposer la charia (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.), c'est le nazisme et c'est l'extrême droite, qui regrette cette période de la France.

Alors, permettez-moi de vous inviter très respectueusement à méditer cette belle phrase d'Albert Camus : « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)

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