Question de M. BIZET Jean (Manche - Les Républicains) publiée le 28/02/2019

M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les effets sociaux et économiques désastreux du passage au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour la filière équine.

Au moment où la Commission européenne envisage de modifier la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (dite directive TVA) en ce qui concerne les taux réduits et alors que ce projet préconise la coexistence de deux taux réduits d'au moins 5 % et d'un autre taux réduit entre 0 et 5 % et propose de rendre la main aux États membres quant au choix des secteurs pouvant bénéficier de taux réduits, il semble naturel que nous nous interrogions sur l'application de cette proposition de directive à la filière équine. En effet, celle-ci est lourdement pénalisée depuis la condamnation de la France en 2012 qui a provoqué un retour au taux normal pour l'ensemble de la filière sans discernement.

Or le passage au taux normal de TVA pour les centres équestres met en péril une logique de fonctionnement vertueux qui distingue la France de ses voisins européens chez lesquels les cavaliers possèdent leur propre monture et utilisent les installations des centres équestres à taux réduit de TVA. À l'inverse, le modèle français de « cheval partagé » rend accessible la pratique de l'équitation sans la contrainte de posséder un cheval. Cependant, depuis 2014, la mise à disposition du cheval est taxée à 20 % : il est indispensable de revenir au taux réduit de TVA pour les centres équestres, sans quoi ils ne survivront pas. De même, l'élevage des équidés est désormais menacé en France. Il devrait pouvoir à nouveau bénéficier d'un taux réduit de TVA, du moins lorsque les chevaux ne sont pas utilisés en course ou en compétition.

Il lui demande donc, dans l'esprit du projet de directive et sans attendre son adoption, s'il juge possible de réinterpréter comme son voisin irlandais la directive TVA de manière à établir clairement que l'élevage, l'entraînement et l'utilisation en loisir des chevaux sont des activités agricoles et sociales, devant bénéficier à ce titre d'un taux réduit de TVA, ou à défaut, d'envisager une autre politique fiscale ou budgétaire pour éviter l'effondrement complet de la filière équine en France.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 15/05/2019

Réponse apportée en séance publique le 14/05/2019

M. Jean Bizet. Ma question a trait aux effets sociaux et économiques, à mon sens désastreux, du passage au taux normal de TVA pour la filière équine.

Au moment où la Commission européenne envisage de modifier la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les taux réduits, alors même que ce projet préconise la coexistence de deux taux réduits d'au moins 5 % et d'un autre taux réduit entre 0 % et 5 % et propose de rendre la main aux États membres quant au choix des secteurs pouvant bénéficier de taux réduits, il semble naturel que nous nous interrogions sur l'application de cette proposition de directive à la filière équine. En effet, cette filière est lourdement pénalisée depuis la condamnation subie par la France en 2012 : cette mesure a provoqué un retour au taux normal pour l'ensemble de la filière, et ce sans discernement.

Le passage au taux normal de TVA pour les centres équestres met en péril une logique de fonctionnement vertueux, qui distingue la France de ses voisins européens. Dans ces pays, les cavaliers possèdent leur propre monture et utilisent les installations des centres équestres à taux réduit de TVA. À l'inverse, le modèle français, fondé, pourrait-on dire, sur le cheval partagé, rend accessible la pratique de l'équitation sans la contrainte de posséder un cheval. Cependant, depuis 2014, la mise à disposition du cheval est taxée à 20 % : il est indispensable de revenir au taux réduit de TVA pour les centres équestres, sans quoi ils ne survivront pas.

De même, l'élevage des équidés est désormais menacé en France. Il devrait pouvoir à nouveau bénéficier d'un taux réduit de TVA, du moins lorsque les chevaux ne sont pas utilisés pour des courses ou des compétitions.

Madame la secrétaire d'État, dans l'esprit du projet de directive et sans attendre son adoption, je vous demande donc, si vous le jugez possible, de réinterpréter, comme notre voisin irlandais, la directive TVA. Il convient d'établir clairement que l'élevage, l'entraînement et l'utilisation en loisir des chevaux sont des activités agricoles et sociales devant bénéficier à ce titre d'un taux réduit de TVA. À défaut, le Gouvernement envisage-t-il une autre politique fiscale ou budgétaire pour éviter l'effondrement complet de la filière équine en France ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Jean Bizet, ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ne pouvant être présente, m'a chargée de vous répondre.

Vous l'avez rappelé, c'est à l'issue de la condamnation de la France par un arrêt du 5 mars 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne, qui a d'ailleurs condamné d'autres États membres, à savoir l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et l'Irlande, que l'application du taux intermédiaire de 10 % de la TVA a été restreinte aux seules opérations relatives aux équidés destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ou la production agricole.

S'il n'a pas été possible de maintenir au-delà du 1er janvier 2014 l'application globale de ce taux réduit aux centres équestres, en particulier à l'activité d'enseignement, malgré les démarches entreprises par la France et les représentants de la filière, le taux de TVA a été abaissé à 5,5 % pour certaines prestations effectuées par les centres équestres.

Sur ce sujet, conformément aux dispositions de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, le Gouvernement a remis au Parlement, en juillet dernier, un rapport relatif à l'impact de la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée sur les activités équines, intervenue en 2013.

Il n'en demeure pas moins que le Gouvernement partage tout à fait vos préoccupations. Il ne peut absolument pas se satisfaire de ce champ limité, seul permis actuellement par le droit communautaire. Ainsi, dans le cadre de nos discussions sur la proposition que la Commission européenne a présentée en janvier 2018 en matière de taux de TVA, la France défendra bien sûr la possibilité d'appliquer plus largement un taux réduit dans la filière équine. Cette question fera partie des négociations à Bruxelles.

En revanche, dans l'attente de l'adoption de cette directive, et en l'état actuel du droit, on ne peut pas envisager un retour au taux réduit pour les prestations d'enseignement et d'entraînement. Une telle décision déclencherait un nouveau contentieux, que la France serait assurée de perdre et qui l'exposerait à un fort risque d'amende.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.

M. Jean Bizet. Madame la secrétaire d'État, je prends acte de votre réponse. J'aurais préféré que l'on anticipe ce taux réduit dès maintenant, mais je comprends que vous ne vouliez pas prendre un tel risque.

Cela étant, si j'ai bien enregistré votre message, nous avons bon espoir quant au positionnement de la France dans ce domaine.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. Tout à fait !

M. Jean Bizet. Si une grande confiance n'exclut pas une petite méfiance, je vous avoue que je suis assez satisfait d'imaginer que la France tiendra bon sur ce sujet. Nous sommes face à un enjeu d'harmonisation avec certains de nos voisins, notamment l'Irlande,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean Bizet. … grand pays producteur de chevaux. Enfin, il s'agit là d'une activité qui, socialement, est extrêmement importante.

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