Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 28/02/2019

M. Roger Karoutchi interroge M. le Premier ministre sur la politique des lanceurs spatiaux, suite au rapport public annuel 2019 de la Cour des comptes.

Dans ce dernier, elle formule six recommandations à l'égard des pouvoirs publics, et notamment celle de, « si de nouveaux fonds publics devaient être engagés en soutien à la filière des lanceurs, donner la priorité à l'innovation technologique plutôt qu'au soutien à l'exploitation ».

Elle déplore en effet que Arianespace ait perdu en 2017 « le leadership mondial sur le marché commercial au profil de la société américaine SpaceX ». Cela s'explique par trois facteurs : une rupture technologique du réutilisable ; le soutien financier public massif des États-Unis ; et l'intégration industrielle.

Il lui demande donc si le Gouvernement a l'intention de prendre en considération ces recommandations, et notamment la nécessité d'avoir une vraie politique industrielle et d'innovation dans le domaine de l'exploration spatiale.

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Transmise au Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation


Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation publiée le 22/08/2019

Le Gouvernement a pris connaissance du rapport public annuel 2019 de la Cour des comptes et, plus spécifiquement, des six recommandations liées à la politique spatiale qui est mise en œuvre aujourd'hui ou qui sera arbitrée au prochain Conseil ministériel ESA fin novembre 2019. La troisième recommandation précise que « Les futurs financements publics éventuels devraient privilégier l'innovation pour faire évoluer Ariane 6, plutôt que le soutien à l'exploitation ». Durant ces dernières années, une accélération de l'innovation dans le domaine spatial a bousculé toute la filière et en particulier les lanceurs, pour lesquels la concurrence est devenue très agressive. La France a encouragé la décision fin 2014 du programme Ariane 6, plus compétitif qu'Ariane 5. En plus de la réussite de ce programme qui permettra à la France de consolider son accès autonome à l'espace et de renforcer son savoir-faire technologique, l'enjeu est désormais de renforcer progressivement la compétitivité d'Ariane 6 en proposant de nouveaux choix à la fois techniques et d'organisation industrielle. A ce titre, ArianeWorks est une des initiatives engagées dès aujourd'hui conjointement par ArianeGroup et le CNES avec le soutien de l'État pour accélérer la préparation du futur avant une décision, dès 2022, sur l'évolution d'Ariane 6. Face à la concurrence américaine, la réutilisation est une des solutions d'optimisation possible si la cadence des lancements est au rendez-vous. Pour maîtriser ce savoir-faire système et les technologies associées, il a été décidé de soutenir le développement de deux projets : Prometheus, nouveau moteur européen dix fois moins cher que le Vulcain et potentiellement réutilisable qui sera testé en 2020 ; Callisto, démonstrateur de premier étage réutilisable développé par la France, l'Allemagne et le Japon, qui volera au Centre spatial guyanais en 2020. Ces deux éléments permettront ensuite de développer Thémis, étage réutilisable multi-missions à échelle un, qui devrait permettre une diminution des coûts de lancement de 50 % par rapport à la génération Ariane 6 / Vega-C. En parallèle, nos partenaires européens seront sensibilisés à faire le choix de solutions européennes pour leurs lancements institutionnels. Pour certains de nos partenaires européens, ce choix n'est pas toujours immédiat pour des opérateurs publics qui ne sont pas directement financés sur les budgets des agences spatiales. Il est nécesssaire d'avoir une vraie politique industrielle et d'innovation dans le domaine de l'exploration spatiale en général. L'équipe France dans le domaine spatial a été réunie dès 2013 par la création du comité de concertation État-industrie sur l'espace, le COSPACE ; une réunion plénière du COSPACE en présence des ministres des Armées, de l'Économie et des Finances, et de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation devrait se tenir dans les prochains mois pour faire un point sur les évolutions du secteur et lancer les chantiers qui répondront aux futurs défis du secteur spatial. Hormis le cas des lanceurs, sur lequel le Gouvernement concentre actuellement ses efforts, les compétences des laboratoires et de l'industrie, en Europe et particulièrement en France, sont reconnues. La France, par ses laboratoires scientifiques, son industrie de pointe et son agence spatiale, a pu partager et valoriser ses compétences dans le cadre de missions européennes ou internationales de premier plan, qui mettent en avant l'exploration de Mars (MSL Curiosity, Exomars, Mars Insight, Mars 2020, MMX) et des autres planètes (BepiColombo vers Mercure, JUICE vers Jupiter et ses satellites). Les résultats obtenus sont remarquables et du plus haut niveau international en sciences comme en technologie. L'ensemble des activités spatiales, que ce soit pour la conception des lanceurs, des missions scientifiques, des missions opérationnelles ou de défense, repose sur un continuum commun de compétences qui va des laboratoires aux grands maîtres d'œuvres industriels, en passant par les agences et par un réseau de PME. Cet écosystème français et européen est dynamique et capable de performances remarquables, et sera apte à préparer également des lanceurs du futur capable de maintenir la place de l'Europe au premier niveau mondial.

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