Question de Mme BRULIN Céline (Seine-Maritime - CRCE) publiée le 07/11/2019

Mme Céline Brulin attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les difficultés rencontrées par certaines communes dans l'application du règlement départemental de défense incendie et secours. Plus précisément, elle souhaite l'interpeller sur l'application très stricte, en Seine-Maritime, des distances maximales autorisées entre les habitations et les bornes incendies, telles que définies dans le référentiel national mentionné dans l'arrêté du 15 décembre 2015, et qui empêche bien souvent les maires de délivrer de nouveaux permis de construire.

Elle lui demande donc s'il ne serait pas possible qu'elle agisse de conserve avec les autorités départementales responsables de ces questions pour qu'une certaine souplesse, au cas par cas, dans l'évaluation de ces distances de sécurité, soit appliquée, tout en continuant de garantir la sécurité des habitants, à l'image de ce qui est fait dans d'autres départements.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

Mme Céline Brulin. Conformément à l'arrêté du 15 décembre 2015 fixant le référentiel national de défense extérieure contre l'incendie, un règlement départemental a été approuvé par la préfecture de Seine-Maritime en octobre 2017.

Ce règlement engage la responsabilité des maires au travers de nouvelles obligations particulièrement strictes relatives aux réserves incendie. En effet, désormais, les habitations doivent se situer à moins de 200 mètres d'une borne incendie, ou de 400 mètres dans le cas d'habitations isolées.

Dans bien des communes, ces distances sont souvent impossibles à respecter. Un maire du département dont je suis élue m'a par exemple informée que la mise en conformité avec ces normes représenterait dix fois son budget annuel d'investissement, y compris en optant pour des bâches extérieures, pourtant moins coûteuses.

Le référentiel national ne tient pas compte des spécificités locales, ce qui complexifie encore la situation. Il interdit par exemple le recours aux dispositifs mobiles des sapeurs-pompiers, qui serait pourtant particulièrement adapté pour les habitations isolées.

Encore une fois, les élus locaux ont l'impression que les décisions prises sont déconnectées de la réalité des territoires ; c'est pourquoi ils avaient unanimement rejeté, en 2017, une première proposition de règlement départemental. L'application stricte des distances retenues rend la situation intenable en Seine-Maritime. Pour beaucoup de maires, cela implique de cesser d'accorder des permis de construire et même, souvent, de se retrouver hors la loi.

Monsieur le secrétaire d'État, l'État ne peut pas renvoyer la responsabilité aux autorités départementales et aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Comptez-vous apporter une réponse à cette question, qui constitue l'une des principales préoccupations des maires du département de Seine-Maritime ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, l'efficacité des opérations de lutte contre les incendies dépend notamment de l'adéquation entre les besoins en eau et les ressources disponibles.

La défense extérieure contre l'incendie (DECI), placée sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale chargé d'un pouvoir de police administrative spéciale, a pour objet d'assurer, en fonction des besoins résultant des risques à couvrir, l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours, par l'intermédiaire de points d'eau identifiés à cette fin. Il s'agit d'un appui indispensable pour permettre aux sapeurs-pompiers d'intervenir rapidement, efficacement et dans des conditions optimales de sécurité.

La réforme de la DECI, conduite en 2015, a instauré une approche novatrice : la DECI ne répond plus à une norme nationale, mais relève d'un règlement départemental élaboré par le préfet. Elle répond à un double objectif : un renforcement de la concertation avec les collectivités territoriales et une plus grande souplesse dans la définition et l'application des mesures, adaptées à la réalité et à la diversité des risques incendie propres à chaque territoire.

La distance maximale séparant les points d'eau et les risques à couvrir est déterminée au regard des enjeux en matière de protection et des techniques opérationnelles des sapeurs-pompiers. La fixation de ces distances est déterminée par l'analyse du risque d'incendie et elle conditionne les délais de mise en œuvre des dispositifs d'extinction.

J'ai parfaitement conscience que cette réglementation, nécessaire pour garantir une lutte efficace et rapide contre les incendies, peut parfois être contraignante dans certaines communes, notamment rurales. Ce règlement peut évoluer par le biais de nouveaux échanges avec les partenaires et selon les procédures applicables.

J'ajoute que la DECI ne doit pas altérer la qualité sanitaire de l'eau distribuée ni conduire à des dépenses excessives, au regard, notamment, du dimensionnement des canalisations. Si le réseau d'eau potable ne permet pas d'obtenir le débit nécessaire à la DECI, d'autres ressources sont utilisables : points d'eau naturels, réseaux d'irrigation agricole, citernes fixes, cuves ou encore réservoirs réalimentés par l'eau de pluie.

La DECI repose sur un équilibre entre les impératifs de la sécurité des populations, sa constante amélioration et un coût financier supportable, notamment pour les communes rurales, le tout étant apprécié à l'échelon local.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Je retiens de vos propos, monsieur le secrétaire d'État, que ce règlement peut encore évoluer.

Vous avez parlé de souplesse ; c'est précisément ce dont nous manquons en Seine-Maritime, où l'application du référentiel est extrêmement stricte et rigoureuse. Je vous remercie donc de bien vouloir intervenir pour qu'une souplesse soit concrètement apportée. On constate aujourd'hui des situations totalement aberrantes, ubuesques, qui, c'est le moins que l'on puisse dire, ne renforcent pas le crédit de la parole de l'État ni les liens de confiance entre celui-ci et les élus locaux.

Je conclurai en exprimant un sentiment de « deux poids, deux mesures ». En effet, sans entrer dans les détails, l'incendie de Lubrizol a tout de même fait apparaître des manquements à la réserve incendie sur certains sites industriels. On ne peut pas être plus exigeant à l'égard de communes disposant de peu de moyens qu'on ne l'est à l'égard d'industriels dont les possibilités sont autrement plus importantes.

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