Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SOCR) publiée le 27/02/2020

M. Patrice Joly attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la nouvelle réorganisation des services académiques publiée au Journal officiel le 20 novembre 2019. Désormais, les recteurs d'académie seront responsables des crédits budgétaires (budgets opérationnels - BOP 140, 141, et 230, correspondant respectivement aux programmes « enseignement scolaire du premier degré », « enseignement scolaire du second degré », et « vie de l'élève ») et les recteurs de région ne seront responsables que des crédits consacrés principalement aux fonctions administratives (le BOP 214 relatif au soutien de la politique de l'éducation nationale). Il est à craindre que les rectorats en place se voient vidés progressivement de leur rôle décisionnel dans la mise en œuvre des politiques publiques d'éducation en créant une véritable hiérarchie entre les différents administrations territoriales de l'éducation nationale au bénéfice exclusif des très grandes métropoles. Il lui demande comment il envisage d'éviter cet écueil qui risque de concerner plus particulièrement les territoires ruraux.

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Transmise au Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargé de la jeunesse et de l'engagement publiée le 16/12/2020

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2020

Mme le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 1150, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Patrice Joly. Ma question porte sur la nouvelle réorganisation des services académiques mise en œuvre depuis le 1er janvier 2020.

Désormais sous l'autorité de leurs ministres, les recteurs de région académique voient leurs fonctions renforcées. Ils sont ainsi les « garants, au niveau régional, de la cohérence des politiques publiques » et fixent les orientations stratégiques de ces politiques à l'échelon régional. Ils tiennent désormais dans leurs mains l'ensemble de l'enveloppe budgétaire stratégique régionale, réduisant les recteurs d'académie au simple rôle d'exécutant.

En effet, privés du stratégique budget opérationnel du programme 214, « Soutien de la politique de l'éducation nationale », regroupant principalement les crédits consacrés aux fonctions administratives, les recteurs d'académie se retrouvent désormais à gérer des crédits budgétaires courants. Leurs missions sont vidées de leur sens, de leur objet. Les recteurs sont privés de toute autonomie.

Il est à craindre qu'une nouvelle hiérarchie ne se dessine entre les territoires, au détriment des territoires ruraux, en raison de l'éloignement de ces zones des centres de décision.

En effet, le pouvoir décisionnaire est désormais concentré dans les métropoles des grandes régions académiques et exclusivement entre les mains du « super recteur » de la région académique.

Cette réorganisation s'inspire de la philosophie de la « massification » et de la « concentration », voire d'une forme de recentralisation. Or rien aujourd'hui ne permet de considérer qu'il s'agisse de la meilleure manière de répondre aux besoins du pays, notamment en matière d'organisation de l'éducation nationale et de réussite de tous nos élèves.

Bien au contraire, la crise sanitaire a révélé combien cette densification était facteur de fragilité. Elle interpelle en outre sur l'efficacité de l'intervention publique.

Pourriez-vous m'indiquer, madame la secrétaire d'État, comment éviter, dans ce nouveau schéma, que les territoires ruraux ne soient lésés et écartés par des centres décisionnaires éloignés des réalités du terrain ?

Je vous rappelle que, par rapport à la moyenne nationale, les enfants des territoires ruraux ont des difficultés à suivre des parcours scolaires dans la moyenne constatée dans notre pays, notamment à poursuivre des études supérieures. Un accompagnement fin est nécessaire pour lutter contre cette inégalité.

Aussi, pourriez-vous me dire si des moyens nouveaux seront donnés aux recteurs d'académie afin de leur permettre de disposer d'un minimum d'autonomie pour esquisser des stratégies localisées ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement. Monsieur le sénateur Joly, vous nous alertez sur le risque que ferait peser sur nos territoires ruraux et sur nos enfants la réorganisation des services académiques. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports prend en compte les particularités, les forces et les faiblesses de chaque territoire.

La nouvelle organisation des services académiques des ministères chargés de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche a notamment fait l'objet de trois décrets parus à la fin de l'année 2019.

Celui du 20 novembre 2019, que vous citez, prévoit l'attribution de compétences exclusives aux recteurs de région académique.

Il s'agit, pour ce qui concerne les politiques publiques d'éducation, de la définition du schéma prévisionnel des formations des établissements publics d'enseignement du second degré, du champ de la formation professionnelle et de l'apprentissage, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, de l'information, de l'orientation et de la lutte contre le décrochage scolaire et de l'éducation au numérique.

Ces compétences sont complétées par des attributions nouvelles relatives à des fonctions support : je pense à la gestion des fonds européens, mais également à la participation aux contrats de plan État-région (CPER), à la politique des achats, à la politique immobilière de l'État, aux relations européennes, internationales et à la coopération.

Il convient toutefois de souligner que les nouvelles compétences des recteurs de région académique s'exercent sous réserve des attributions des préfets de région et sans préjudice de celles qui sont dévolues aux recteurs d'académie.

La réforme mise en œuvre permet en effet de répondre à une double préoccupation : assurer l'unité de la parole vis-à-vis des acteurs régionaux, qu'il s'agisse des autres services de l'État ou des collectivités régionales, et préserver la qualité de la gestion de proximité.

Attribuant au recteur de région des compétences propres, au-delà du rôle de coordination exercé à travers la fixation d'orientations générales, la réforme a ainsi maintenu à l'échelon académique les domaines de compétences suivants : gestion des ressources humaines, gestion et organisation des établissements scolaires, gestion des établissements privés d'enseignement et vie scolaire – bourses, calendrier scolaire, associations péri-éducatives.

Plus concrètement, monsieur le sénateur, le regard posé sur nos territoires ruraux et l'accompagnement de nos élèves est essentiel. Des travaux sont encore menés aujourd'hui au sein du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour accompagner plus étroitement les élèves afin qu'ils puissent se projeter, avoir de l'espoir et briser ce plafond de verre, ce qui n'est pas si simple. C'est en particulier la mission de mon secrétariat d'État.

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