Question de Mme GUILLOTIN Véronique (Meurthe-et-Moselle - RDSE) publiée le 27/02/2020

Mme Véronique Guillotin appelle l'attention de M. le Premier ministre sur la nécessité de désigner un référent national en charge des problématiques spécifiques aux territoires frontaliers. La France métropolitaine possède des frontières avec huit pays, de très nombreux Français sont donc concernés par les enjeux transfrontaliers dont, notamment, la mobilité et le développement économique dans le cas de frontières communes avec des pays particulièrement attractifs comme le Luxembourg. Elle lui demande donc d'envisager la création d'un poste de délégué interministériel aux questions frontalières.

- page 936

Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 27/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2020

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, auteure de la question n° 1156, transmise à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Mme Véronique Guillotin. La France métropolitaine a des frontières avec huit pays. De très nombreux Français sont donc concernés les problématiques de la transfrontalité, au premier rang desquels les 360 000 travailleurs frontaliers, notamment en matière d'aménagement du territoire, de mobilité, bien évidemment, mais également de santé et aussi de développement économique, en particulier dans le cas de frontières communes avec des pays particulièrement attractifs, comme le Luxembourg.

La région Grand Est en est un parfait exemple, avec la proximité de la Suisse, de l'Allemagne, de la Belgique et du Luxembourg. Des espaces de discussion, d'échanges, d'innovation, de réalisations y ont vu le jour, tels que les fameux groupements européens de coopération territoriale (GECT), l'établissement public d'aménagement Alzette-Belval, unique en son genre, les eurodistricts, ou encore des plateformes numériques comme Frontaliers Grand-Est ou le Centre européen de la consommation.

L'État et les élus locaux ont créé et font vivre ces structures afin de mener, à l'échelle des territoires, des projets communs et durables au service de la facilitation de la vie quotidienne des frontaliers.

Ces dispositifs sont agiles et mériteraient d'être davantage encouragés par l'État.

Les idées et les bonnes volontés ne manquent pas, monsieur le secrétaire d'État, mais des difficultés persistent. Lorsque nous échangeons avec nos voisins sur les questions transfrontalières, nous échangeons principalement avec des gouvernements sur des politiques de codéveloppement dont les sujets relèvent pour beaucoup de l'État. Le sujet de la santé est particulièrement intéressant en la matière.

C'est pourquoi nous manquons cruellement d'un interlocuteur national, d'une personne en capacité de négocier d'égal à égal avec les États voisins, de faire travailler ensemble les diverses administrations, de piloter les relations entre le Quai d'Orsay, les divers ministères, les actions de l'État sur les territoires et les collectivités.

Les élus et les acteurs locaux qui font vivre depuis des décennies ce dialogue transfrontalier sont en attente d'un engagement fort de l'État, car, malgré une vraie volonté de coconstruction, ces relations peuvent être particulièrement déséquilibrées quand, de notre côté de la frontière, un territoire fragile à la gouvernance morcelée doit négocier avec un État voisin économiquement surpuissant.

Pour toutes ces raisons, j'aimerais savoir si le Gouvernement envisage la création d'un poste de délégué interministériel aux questions transfrontalières.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères conduit depuis plusieurs années une stratégie par frontière qui vise, vous l'avez rappelé, à encourager la coopération transfrontalière sous l'égide d'un ambassadeur pour les commissions intergouvernementales, la coopération et les questions transfrontalières.

Cette coopération transfrontalière est une dimension de plus en plus importante de la construction européenne ; elle est aussi une condition de bon fonctionnement du Marché unique.

Ainsi, la stratégie par frontière, en ce qui concerne l'Allemagne, est définie aujourd'hui par le traité d'Aix-la-Chapelle, dont la coopération frontalière est l'un des plus importants chapitres.

Nous examinons actuellement la possibilité de conclure un traité similaire avec nos amis italiens, mais nous avons d'autres projets concernant nos autres voisins, avec lesquels nous nous proposons de définir d'un commun accord, et en fonction des spécificités de chaque cas, les orientations et les organes d'une coopération frontalière renforcée et mutuellement avantageuse, en phase avec les directives et les recommandations de l'Union européenne.

Ces orientations diplomatiques doivent naturellement pouvoir s'appuyer sur une bonne coopération des efforts nationaux. C'est ce que nous faisons en étroite relation avec le préfet chargé des questions transfrontalières à l'Agence nationale de la cohésion des territoires, qui est, par nature, interministérielle.

La récente crise sanitaire en effet montré que la dimension frontalière de notre vie socioéconomique devait être pleinement intégrée dans certains des processus de décision nationale, car les interdépendances économiques et sociales qui existent désormais entre la France et ses voisins ne peuvent pas et ne doivent pas, en raison de leur ampleur, être ignorées. Nous l'avons par exemple constaté avec la question de la libre circulation des personnels français de santé employés chez nos voisins suisses et luxembourgeois.

Les conseillers diplomatiques auprès des préfets de région ont ainsi joué un rôle important, afin de coordonner au mieux les décisions mises en œuvre dans les pays frontaliers, décisions qui n'ont pas été sans incidence pour nos concitoyens concernés.

La crise liée au Covid-19 a clairement démontré que nul ne vit et ne peut vivre en vase clos ; nous devons donc réfléchir à la mise en place d'un suivi interministériel encore davantage coordonné et structuré sur ces questions essentielles pour l'avenir de l'Europe.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.

Mme Véronique Guillotin. Je vous remercie de cette réponse. Je ne sais pas si vous m'avez répondu précisément sur le délégué interministériel, mais une solide coordination d'État est vraiment importante pour les territoires fragiles – et je pense en particulier à ceux qui sont frontaliers du Luxembourg. Il faut vraiment que la France se positionne dans un dialogue d'État à État sur des sujets éminemment importants comme le développement économique et la santé.

- page 4395

Page mise à jour le