Question de M. BARGETON Julien (Paris - LaREM) publiée le 05/03/2020

Question posée en séance publique le 04/03/2020

M. Julien Bargeton. Ma question s'adresse également à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

L'Europe est aujourd'hui confrontée de plein fouet à une réaction en chaîne qui a commencé à Idlib, en Syrie, en passant par Ankara et Moscou, pour arriver à Lesbos. Depuis plusieurs jours, près de 13 000 réfugiés venus de Turquie traversent la Méditerranée en direction de la Grèce.

Cette crise est un nouveau test pour l'Union européenne. « Nous n'avons plus l'audace d'exister », nous alerte Bernard Guetta, notre collègue au Parlement européen, dans une récente tribune. Et de continuer : « L'inaction aussi a un prix… »

Cette crise défie à la fois l'espace et le temps. L'espace, car le Levant est devenu une épreuve de vérité pour l'Europe. Le temps, car la crise des réfugiés de 2015 n'a jamais été résolue. La solidarité entre États européens a été mise à mal, le mécanisme de répartition des migrants est resté lettre morte et, aujourd'hui, la stratégie européenne de gestion migratoire avec la Turquie se solde par un échec.

Il est toujours choquant de transformer des femmes, des enfants et des hommes en instruments de politique internationale. Nous le savons depuis Kant, l'être humain doit être toujours une fin en soi, jamais un moyen.

Il y va de la responsabilité du président Erdogan, militairement bloqué au nord de la Syrie, où est stationnée l'armée turque depuis l'offensive qu'il avait lui-même lancée il y a quelques mois, et que nous avions tous condamnée. Aujourd'hui, il n'hésite pas à demander cyniquement du soutien à ses alliés européens et à l'OTAN, une demande de soutien qui s'est muée en un chantage inadmissible et inacceptable.

Le Président de la République a exprimé sa pleine solidarité avec la Grèce et la Bulgarie ; il a clairement indiqué que la France participerait aux efforts européens afin de protéger nos frontières, notamment auprès de l'agence Frontex.

Ce matin, un conseil des ministres de l'intérieur de l'Union européenne s'est tenu pour faire le point sur la situation.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer de l'état d'esprit européen face à cette crise inédite et rappeler la position de notre diplomatie ?

Albert Camus le disait : « Je me révolte, donc nous sommes. » Il est temps que l'Europe se lève et se révolte face à cette crise migratoire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Bernard Lalande applaudit également.)


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 05/03/2020

Réponse apportée en séance publique le 04/03/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je l'ai dit il y a un instant et je le répète avec force : dans cette affaire, la France est totalement solidaire de la Grèce. Elle l'est, d'abord, pour des raisons humanitaires, et, ensuite, pour des raisons politiques. Ce qui se passe en Grèce nous concerne tous, puisque nous appartenons ensemble à l'espace Schengen.

Je voudrais relever – vous l'avez not頖 que la pression migratoire qui s'exerce aujourd'hui aux portes de la Grèce et, dans une moindre mesure, de la Bulgarie et de Chypre, c'est-à-dire aux portes de l'Europe, est organisée par le régime du président Erdogan et constitue un élément de chantage à l'égard de l'Union européenne.

Je vous le dis, l'Union européenne ne cédera pas à ce chantage !

Nous avons conclu un accord en mars 2016 avec la Turquie : celle-ci reçoit des financements importants en échange d'une gestion – difficile, je l'admets – des réfugiés issus de la crise syrienne antérieure. Quelque 6 milliards d'euros ont été engagés, dont la moitié a déjà été versée. Nous attendons de la Turquie qu'elle soit fidèle à ses engagements ; l'Union européenne a respecté les siens et elle continuera de le faire.

Par ailleurs, une réunion des ministres de l'intérieur de l'Union européenne a lieu cet après-midi. Moi-même, je me rendrai demain à Zagreb pour rencontrer mes collègues européens et débattre ensemble des moyens d'aider concrètement la Grèce dans cette situation particulièrement difficile.

Je pense que nous serons unanimes pour valoriser l'opération Frontex, mettre les moyens nécessaires à la disposition de la Grèce et aider ce pays à faire face à cette crise humanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

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