Question de Mme BENBASSA Esther (Paris - CRCE-R) publiée le 09/04/2020

Mme Esther Benbassa attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des personnes migrantes retenues dans les centres de rétention administrative (CRA) du territoire français.
Par une ordonnance n° 439720 du 27 mars 2020, le Conseil d'État a rejeté la demande des organisations professionnelles et associations exerçant dans les CRA, de fermeture par l'administration des centres pour le temps de l'épidémie de Covid-19.
Une telle décision est incompréhensible et met en grave danger la vie de nombreux retenus ainsi que celle du personnel des CRA.
Certains centres sont certes vides, suite aux décisions des instances d'appel, mais ce n'est pas le cas de tous : au 18 mars 2020, 900 étrangers étaient encore retenus en France. Le 28 mars 2020, au CRA de Oissel, près de Rouen, ils étaient 15.
La situation sanitaire des CRA, où le ménage n'est plus fait régulièrement, où le respect des gestes barrières à deux par chambre peut se révéler compliqué, où les retenus – comme l'ensemble des Français – n'ont pas accès à des masques, à des tests ou a du gel hydroalcoolique, font des centres de rétention administrative des lieux extrêmement propices à la propagation des virus.
Comme ont pu le rappeler la contrôleure générale des lieux de privation de liberté et le Défenseur des droits, dans une tribune en date du 23 mars 2020, au regard de la loi, « une personne étrangère, n'ayant commis aucune infraction, ne peut être retenue qu'en vue d'une expulsion ». Or, depuis quelques jours, les expulsions ne sont plus envisageables. Face à la crise sanitaire mondiale provoquée par le Covid-19, les retours dans les pays d'origine représentent trop de risques de propagation du virus. La plupart des lignes aériennes ont d'ailleurs été suspendues. Le maintien ouvert des CRA est donc une situation d'enfermement abusive.
La rétention des étrangers n'est pas seulement une prise de risque sanitaire, c'est aussi une privation illégale de liberté.

Ainsi, elle lui demande, comme l'a fait le Portugal la semaine dernière, et comme l'a demandé la Cour européenne des droits de l'homme, le temps de la pandémie, de permettre la fermeture des centres de rétention administrative, de régulariser provisoirement toutes les personnes migrantes sur notre territoire et enfin, le cas échéant, de mettre en place les conditions du relogement des retenus se trouvant actuellement en CRA.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 01/04/2021

Depuis le début de la crise sanitaire, toutes les mesures nécessaires en ce qui concerne la rétention et les conditions des retenus placés en centre de rétention administrative (CRA) ont été prises, afin de les préserver d'une diffusion de la Covid-19. Des instructions relatives à l'application des gestes barrières ont été traduites en six langues et affichées dans tous les centres. La capacité d'accueil des centres a été fortement réduite afin de garantir à chaque personne retenue la possibilité de bénéficier d'un hébergement permettant d'assurer le respect des règles de distanciation, avec, chaque fois que possible, l'attribution d'une chambre individuelle. Le personnel des centres de rétention veille à ce que les mesures de distanciation sociale soient respectées dans les chambres lors de l'attribution des lits. Toutefois, les retenus étant libres dans les zones de vie, il est courant que certains ne s'installent pas dans la chambre qui leur a été attribuée, mais dans une de leur choix, afin de se regrouper par affinités. En outre, une visite médicale est obligatoire pour tout nouvel étranger admis en CRA. La prise en charge sanitaire des retenus atteints de la Covid-19 et de l'ensemble des personnes présentes dans les CRA où un retenu est testé positif est assurée : mise en quarantaine, traitement des cas contact, suspension des intégrations et des éloignements durant la quarantaine. Par ailleurs, chaque chef de centre a formalisé une procédure de décontamination des locaux et des surfaces et les prestataires ont renforcé leur procédure de nettoyage. Des instructions très fermes ont été adressées aux chefs de centre dès le mois de mars 2020, afin que les gestes barrières soient strictement respectés par les policiers, les intervenants en CRA et les prestataires. Dans les locaux de garde à vue comme dans l'ensemble des services de police, les instructions des autorités sanitaires sont scrupuleusement respectées, notamment concernant l'application des gestes barrières et le port d'équipements de protection. Plusieurs documents techniques, juridiques et opérationnels sont régulièrement mis en ligne sur le site intranet de la direction générale de la police nationale pour sensibiliser les agents aux mesures de sécurité sanitaire à respecter. Le protocole sanitaire du 17 mars 2020 révisé le 6 juillet 2020 précise que chaque centre doit mettre à disposition des personnes retenues des masques autant que nécessaire ainsi que du gel hydroalcoolique. Par conséquent, dans la mesure où le protocole sanitaire révisé est dûment respecté par les CRA et que les éloignements se poursuivent, il n'est pas envisagé une fermeture des centres de rétention administrative ni une baisse drastique de leur activité. Saisi en référé, le Conseil d'État a d'ailleurs rejeté le 27 mars 2020, une requête tendant à obtenir la fermeture des CRA, considérant que les conditions de rétention telles qu'organisées par l'administration étaient compatibles avec les prescriptions sanitaires.

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