Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 18/06/2020

Question posée en séance publique le 17/06/2020

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, la société française va mal, à cause de la pandémie et de la crise économique, naturellement, mais aussi parce qu'elle est profondément fracturée. Elle se demande si, aujourd'hui, le pacte républicain, l'ordre républicain et le destin collectif de la nation France ont encore un sens. Face aux coups de boutoir non seulement de la délinquance, de plus en plus violente, mais aussi de la contestation de ce qu'est la France, de l'autorité de l'État par les Black Blocs, les racialistes, les indigénistes, les ultracommunautaristes, y a-t-il encore un destin commun pour ce pays ?

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous exposer en quelques mots devant la représentation nationale votre conception de l'autorité de l'État et de l'ordre républicain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)


Réponse du Premier ministre publiée le 18/06/2020

Réponse apportée en séance publique le 17/06/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur Karoutchi, la société française va mal, vous l'avez dit. À bien des égards, je suis d'accord avec vous. Pour autant, gardons-nous de dire ou de penser que tout irait mal en France, car ce n'est pas le cas. Nous avons des atouts extraordinaires ; ne tombons pas dans ce travers français du pessimisme et de l'autodénigrement.

Néanmoins, soyons lucides, comme vous l'êtes : en dépit de ces atouts, nous connaissons de sérieuses difficultés économiques, sociales et peut-être même aussi sinon morales – le sens de ce mot a depuis longtemps évolu頖, du moins politiques.

Qu'est-ce qu'une nation, ce plébiscite quotidien, cette volonté quotidienne de s'inscrire dans une longue histoire, dont la complexité nous dépasse très largement, et de vivre ensemble, de construire quelque chose ensemble ?

Faire nation, ce n'est pas simplement considérer le passé pour ce qu'il est, c'est construire à partir de ce passé, c'est imaginer où nous voulons aboutir en tant que peuple. Or, de ce point de vue, nous avons manifestement une difficulté à nous projeter.

Certains remettent explicitement en cause les fondements du pacte républicain. D'autres, de façon plus insidieuse et probablement plus dangereuse, le font sans le dire, en revenant sur les idées de liberté et d'égalité en droit, sur le principe de l'État de droit, de l'autorité de l'État, sur les notions de respect dû à chaque citoyen ou de civisme.

Une des vertus cardinales de la République romaine, c'était précisément le civisme, c'est-à-dire non pas l'exemplarité de tel ou tel, mais la conviction que chacun, quelles que soient ses responsabilités, qu'il soit élu ou non, est dépositaire d'une parcelle du bien commun. Or le civisme nous apparaît comme progressivement dissous. Le respect de l'État se voit tous les jours remis en cause. Ce n'est pas parce que l'État serait irréprochable ou meilleur que les autres – cela se saurait ! – qu'il faut le respecter ; c'est parce qu'il est l'émanation de notre Nation et parce qu'il est là pour faire respecter un certain nombre de règles essentielles à l'intérêt commun.

L'autorité de l'État, c'est la capacité à faire respecter la loi. C'est la loi qui doit prévaloir dans un État de droit ; c'est la loi qui doit prévaloir dans la République. Or la force la met parfois en cause. Des bandes, des groupes, voire des individus, veulent la faire céder, la briser. Vous le savez bien, monsieur le sénateur, ce combat n'est pas récent, il est éternel, mais c'est un combat qui, aujourd'hui, dans notre pays, s'impose avec peut-être encore plus d'acuité que dans les années précédentes. C'est un fait. Face à cela, il faut non pas faire taire les débats politiques, car ils sont indispensables, mais essayer, au-delà de ces débats, d'atteindre à un esprit de concorde sur l'essentiel, à savoir les valeurs de la République. Il faut soutenir ceux qui mènent le combat de la République.

Le ministre de l'intérieur a ainsi mille fois raison de soutenir les forces de l'ordre. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.) Elles sont au cœur de ce combat pour la République, mais elles ne sont pas seules : n'oublions pas que la République est née aussi grâce aux professeurs, aux administrateurs, à ceux qui construisaient, qui organisaient. Nous leur devons à tous le respect. Nous avons le droit de les critiquer, mais parfois nous allons un peu au-delà en les dénigrant, sans toujours leur donner les moyens d'exercer leur mission.

La question que vous posez est très large, monsieur le sénateur ; vous et moi pourrions disserter des heures sur ce sujet, mais, à mes yeux, la République, ce sont des principes simples : l'État de droit, le respect de l'État, l'autorité de l'État et, au-delà et peut-être plus encore, le civisme. Être un citoyen, ce n'est pas simplement avoir des droits ; c'est avoir des droits et des devoirs.

Je me suis toujours étonné de voir certains, à l'époque où le service militaire était obligatoire, donner des leçons longues comme le bras sur la République tout en ayant la faiblesse de vouloir échapper à la conscription. Ces tentations individualistes sont le contraire du civisme. Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, la République, c'est la liberté, l'égalité, la fraternité, la laïcité.

L'État est aussi le garant de l'unité de la Nation, et lorsque la société est de plus en plus violente et de plus en plus fracturée, il faut s'appuyer pleinement sur ceux qui défendent la République.

On ne peut pas, au nom de la liberté, accepter n'importe quel type de contestation, de critique ou de violence. Le rôle de la police et de la gendarmerie est essentiel pour soutenir la République, pour garantir l'autorité de l'État et l'avenir de l'ensemble des Français, nos forces armées jouant le même rôle quand elles interviennent à l'extérieur de nos frontières.

La seule chose que l'ensemble des Français vous demandent, monsieur le Premier ministre, c'est de faire respecter les forces de l'ordre. Les critiques violentes ne peuvent pas être acceptées. La police comme la gendarmerie sont, par définition, des corps au service de la République. Il peut y avoir des fautes individuelles, qui doivent être sanctionnées, mais le respect de ceux qui défendent la République doit toujours prévaloir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, UC et RDSE.)

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