Question de Mme EUSTACHE-BRINIO Jacqueline (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 04/06/2020

Mme Jacqueline Eustache-Brinio attire l'attention de M. le Premier ministre sur les menaces pesant sur la liberté d'expression et sur la liberté de la presse en France. En effet, si l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme », les événements intervenus ces dernières semaines suscitent l'émoi légitime des défenseurs de nos libertés. Ainsi, depuis l'adoption définitive, le 13 mai 2020, de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, qui ouvre la voie à la censure privée, par les réseaux sociaux, des contenus qu'ils jugeraient illicites et dont le Conseil constitutionnel a été saisi, le 18 mai 2020, par le groupe Les Républicains au Sénat, les réseaux sociaux ont donné à voir, sans plus attendre, toute l'étendue de leur intolérance. Ainsi, la semaine passée, de nombreux lecteurs de l'hebdomadaire « Valeurs actuelles » se sont vu bannir temporairement de Facebook pour avoir partagé un article lié à « Génération Identitaire », le réseau social s'arrogeant le droit d'interdire tout contenu concernant cette organisation. Constatant là un cas grave d'atteinte manifeste au pluralisme politique et aux libertés fondamentales reconnues et protégées par la Constitution, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour faire respecter par tous les valeurs et les principes qui fondent la République française, à commencer par la liberté d'expression.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/08/2020

Dans sa décision rendue le 18 juin 2020 sur la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, le Conseil constitutionnel a confirmé qu'il est loisible au législateur « d'instituer des dispositions destinées à faire cesser des abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers ». Il a jugé également que constituent de graves abus de cette liberté la diffusion d'images pornographiques représentant des mineurs, d'une part, et la provocation à des actes de terrorisme ou l'apologie de tels actes, d'autre part. Toutefois, il a censuré deux séries de dispositions de l'article 1er de la loi déférée instituant à la charge de différentes catégories d'opérateurs de services de communication en ligne de nouvelles obligations de retrait de certains contenus diffusés en ligne, les jugeant non adaptées, nécessaires ou proportionnelles au but poursuivi. Le 24 juin 2020, le président de la République a donc promulgué la loi purgée de ses dispositions jugées inconstitutionnelles. Il convient par ailleurs de préciser que le blocage temporaire évoqué de comptes est intervenu dans le cadre de la politique de modération menée par Facebook. Celle-ci est précisée dans les « standards de la communauté » du réseau social et doit s'inscrire dans le cadre des dispositions du code de conduite visant à combattre les discours de haine illégaux en ligne établi par la Commission européenne en mai 2016. Ce code permet de concilier le respect de la liberté d'expression avec l'objectif de lutte contre la prolifération de discours à caractère haineux. Le droit français, et en particulier l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 ou encore la loi pour la confiance dans l'économie numérique garantissent le respect par tous des valeurs et des principes qui fondent la République française en conciliant la protection de la liberté d'expression avec son nécessaire encadrement sur les réseaux sociaux qui constituent désormais des espaces publics d'expression. Le cas échéant, il est possible de demander au réseau social de réexaminer la décision conduisant à la suspension d'un compte lorsque celle-ci semble abusive. En cas d'un nouveau rejet, des recours existent auprès des juridictions.

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