Question de M. BAS Philippe (Manche - Les Républicains) publiée le 15/10/2020

Question posée en séance publique le 14/10/2020

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Bas. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur la Nouvelle-Calédonie.

Le 4 octobre dernier, les Calédoniens ont de nouveau rejeté l'indépendance à l'occasion du second référendum ; il va y en avoir un troisième.

Le premier effet de ces référendums est de cristalliser les clivages entre les communautés et les provinces de Nouvelle-Calédonie, alors que, pendant ce temps, aucune perspective n'est ouverte.

Il me semble que le Gouvernement confond trop facilement impartialité et indifférence à l'avenir de ce territoire. Il ne s'engage pas. Il ne joue pas son rôle d'arbitre, ne contribue pas, avec les parties calédoniennes, à définir des perspectives allant au-delà de ces référendums à répétition. Avec les accords de Nouméa, nous avons connu une période de plus de vingt ans durant laquelle on pouvait construire. Que peut-on construire aujourd'hui, alors que chacun retient son souffle ?

La question que je veux vous poser, monsieur le Premier ministre, est la suivante : le Gouvernement va-t-il enfin s'engager à jouer pleinement son rôle pour fédérer les énergies calédoniennes, afin de définir un avenir qui dépasse l'échéance d'un éventuel prochain référendum inscrit dans la loi organique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Premier ministre publiée le 15/10/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/10/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le questeur Philippe Bas – je vous salue dans vos nouvelles fonctions –, je pourrais me contenter de vous indiquer que la réponse à votre question est clairement positive.

Je ne suis pas responsable des vingt dernières années, mais vous me permettrez de douter que les gouvernements précédents aient jamais renoncé à cette ambition, comme vous le sous-entendez. En tout état de cause, j'atteste devant vous que mon prédécesseur, Édouard Philippe, qui s'est pleinement engagé sur ce sujet, l'avait faite sienne. Croyez-le bien, je vais continuer dans cette voie.

Simplement, pour lever toute ambiguïté – parfois méchamment entretenue –, les accords de Matignon, puis de Nouméa, étaient parfaitement clairs : ils prévoyaient l'organisation de scrutins référendaires. On peut le regretter. Vous indiquez que ces scrutins, comme toute élection, peuvent diviser. Dont acte ! Ils représentent toutefois aussi l'expression de la voix démocratique ; on peut considérer qu'elle divise, mais il ne paraît pas souhaitable pour autant d'y renoncer.

Je rappelle que ces accords prévoyaient que, pour l'organisation de ces scrutins, l'État – ce sont mes prédécesseurs qui ont signé cette clause – s'engageait à une stricte neutralité, tant dans la campagne électorale que dans l'organisation du scrutin. C'était notre première mission dans ce deuxième référendum, et nous y avons veillé scrupuleusement.

D'ailleurs, de l'avis de tous, des électeurs, premiers intéressés, mais aussi des observateurs – partis politiques, pays voisins, ONU… – ou de la commission de contrôle ad hoc constituée, ce scrutin s'est déroulé dans des conditions démocratiques incontestables, avec un taux de participation de 86 % – cela fait rêver ! –, malgré la covid, qui a également touché ce territoire. Il faut nous en féliciter !

Pour la deuxième fois, les électeurs ont répondu non à l'indépendance, certes avec un score un peu plus serré que la fois précédente – très précisément, 53,26 % contre 46,74 % pour le oui –, mais le choix de rester dans la communauté nationale est clair et désormais réitéré.

Je le dis devant le Sénat : le Gouvernement accueille ce choix de nos compatriotes calédoniens, à plus de 16 000 kilomètres, comme une marque de confiance dans la République et comme un motif de fierté pour ce qu'elle représente.

Ce score est néanmoins serré, c'est tout à fait exact, et nous l'envisageons donc également avec beaucoup d'humilité. Le scrutin passé, et avec lui les obligations que celui-ci, au terme des accords, faisait peser sur l'État, nous allons bien entendu reprendre l'initiative.

Cela passe, comme toujours, par le respect de tous et de chacun, ainsi que par le dialogue. Dès cette semaine, à ma demande et en accord avec le Président de la République, le ministre chargé des outre-mer, Sébastien Lecornu, est parti pour le Caillou, où il va rester un certain temps, pour reprendre le fil du dialogue et examiner les voies du développement de la Nouvelle-Calédonie.

Ce n'est, vous le savez, qu'à partir d'avril prochain que le Congrès pourra réclamer officiellement l'organisation d'un troisième référendum. Au retour du ministre, je reprendrai moi-même l'initiative, puisque, comme cette assemblée n'est pas sans le savoir, depuis l'époque où Michel Rocard était Premier ministre, c'est l'hôtel Matignon qui a pour mission d'organiser les discussions sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Nous le ferons sans tabou (M. Mathieu Darnaud s'exclame.), en exposant bien les conséquences réelles de l'indépendance comme du maintien dans la République, ainsi les conditions concrètes de cette dernière issue, qui est, bien entendu, celle que nous souhaitons. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.

M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre, je ne suis pas convaincu que vous soyez actuellement porteur d'une vision d'avenir pour la Nouvelle-Calédonie qui dépasserait l'échéance d'un éventuel troisième référendum… (Sourires.)

M. Mathieu Darnaud. Ça, c'est sûr !

M. Philippe Bas. Ce butoir que nous avons face à nous n'est en effet pas la fin de l'Histoire, et il faut d'ores et déjà que l'État soit capable, comme le demande avec insistance notre collègue Pierre Frogier, que vous gagneriez à écouter davantage et qui est l'un des signataires des accords de Nouméa, de dessiner un avenir et d'ouvrir des perspectives.

M. Jean Castex, Premier ministre. On va le faire !

M. Philippe Bas. Vous ne pouvez pas rester simple spectateur à l'abri de la neutralité dont vous devez faire preuve dans le processus électoral. Vous êtes responsable, vous ne pouvez pas rester indifférent. Réunissez à Paris les Calédoniens et donnez-leur des perspectives ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

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