Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 22/10/2020

Mme Laurence Cohen attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur l'absence de contreparties demandées aux grandes entreprises du CAC 40 en échange des aides publiques conséquentes versées lors de la crise sanitaire.

Près de 300 milliards d'euros de prêts garantis par l'État, un plan d'urgence à 110 milliards d'euros censé sauver l'économie et les emplois. Mais en regardant dans le détail, on s'aperçoit que ce sont plus les grands groupes qui ont profité de cet argent au détriment des salariés.

Pire, dans un rapport rendu public le 12 octobre 2020 par l'observatoire des multinationales, les sommes distribuées sont indécentes : au total, les actionnaires de ces grandes entreprises ont perçu 34 milliards d'euros, alors même que l'économie était arrêtée et que des millions de salariés étaient en chômage partiel.

Huit grands groupes ont même augmenté leur dividende par rapport à l'année précédente, notamment Sanofi, Danone et Total. Teleperformance a versé 141 millions d'euros de dividendes tout en recourant au chômage partiel. Au moins 24 sociétés ont profité des fonds publics du chômage partiel pour verser un généreux dividende. Par exemple, Carrefour a reversé 185,6 millions de dividendes, soit l'équivalent de 9284 euros par caissières dont certaines n'ont même pas eu droit à la prime de 1000 euros.

Le ministère du travail évoque 50 000 contrôles et 225 millions d'euros de fraude avérée, soit moins de 1 % du dispositif mais ce chiffre est dénoncé par des associations et semblerait bien plus important.

Enfin, malgré ces aides publiques, les entreprises du CAC 40 ont annoncé plus de 60 000 suppressions d'emplois, dont un quart en France : 15 000 emplois à Renault dont 4 600 en France, 7 500 emplois à Air France, 1 700 emplois à Sanofi dont 1 000 en France, 15 000 emplois à Airbus dont 5 000 en France…

Aussi, elle lui demande, d'une part, s'il compte rendre public un répertoire précis et exhaustif de toutes les aides publiques directes et indirectes perçues par les entreprises du CAC 40 dans un souci de transparence, et d'autre part ce qu'il entend mette en place comme conditionnalité pour lutter contre les abus mentionnés ci-dessus.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 18/02/2021

En 2020, de nombreuses sociétés ont annulé ou réduit leur dividende et leur programme de rachat d'actions en réaction à la crise sanitaire et économique, et ce, qu'elles bénéficient ou non des dispositifs exceptionnels décidés par le Gouvernement en réponse à cette crise. À titre d'illustration, selon l'Autorité des marchés financiers, 82 sociétés citées appartenant à l'indice SBF120 ont annulé ou réduit leur dividende en 2020, auxquelles il convient d'ajouter 11 sociétés cotées du même indice qui n'avaient pas prévu de verser de dividende. De nombreuses entreprises ont fait – et continuent de faire – preuve d'exemplarité dans la crise actuelle et ont pris, à leur initiative et sous leur responsabilité, les décisions adaptées à leur situation. Néanmoins, pour prévenir tout abus – fût-ce le fait d'un nombre très limité d'entreprises –, le Gouvernement a pris des mesures pour s'assurer que les grandes entreprises qui bénéficient de prêts garantis par l'État ou de reports d'échéances fiscales et sociales ne versent pas de dividende et ne procèdent pas à des rachats d'actions. En effet, les grandes entreprises qui ont bénéficié de ces mesures en 2020 ont dû s'engager à ne pas verser de dividende et à ne pas procéder à des rachats d'actions en 2020, sous peine d'être privées du bénéfice de ces mesures. Cet engagement a été reconduit en 2021 pour les mesures de soutien en trésorerie réalisées au cours de cette année. En outre, le bénéfice des plans d'apurement et de remises partielles des dettes de cotisations et contributions sociales prévus par l'article 65 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 est subordonné, pour les grandes entreprises, à l'absence de décision de versement de dividendes et de rachats d'actions en 2020. En dehors de ces cas particuliers, une mesure générale d'interdiction ou de limitation des dividendes ne paraît pas adaptée car elle négligerait la grande diversité des situations. En particulier, elle risquerait d'être défavorable aux salariés qui détiennent des titres de la société qui les emploie, aux chefs d'entreprise de petites et moyennes entreprises (PME) et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui se rémunèrent par ce biais, ainsi qu'à l'ensemble des épargnants qui détiennent, directement ou indirectement, des titres de sociétés. Elle risquerait également de remettre en cause la très grande efficacité du dispositif massif d'activité partielle, dont l'objectif premier est de permettre la sauvegarde de l'emploi et des compétences. De même, une mesure générale d'interdiction des licenciements ne paraît pas adaptée : elle négligerait la grande diversité des situations. Les mesures rappelées ci-dessus – ainsi que les dispositifs d'activité partielle et d'activité partielle de longue durée – ont déjà pour objet de préserver les emplois et les compétences. Il incombe néanmoins à chaque entreprise de prendre, sous sa responsabilité, et dans un esprit d'exemplarité et de modération, les décisions qui s'imposent au regard de sa situation et de ses besoins, en particulier en matière de financement de son activité et de son développement à court, moyen et long termes. Ces décisions doivent être prises, comme la loi PACTE l'a prévu, dans l'intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux de ces décisions, particulièrement importants dans le contexte actuel. Par ailleurs, la publicité de la liste des bénéficiaires des mesures de soutien, déjà prévue pour certains dispositifs (prêts garantis par l'État bénéficiant aux grandes entreprises, pour lesquels l'arrêté d'octroi de la garantie de l'État est publié au Journal officiel, et l'utilisation des ressources du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », pour laquelle la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 prévoit un rapport du Gouvernement au Parlement), se heurterait, dans les autres cas, à des obstacles juridiques, ou à la nécessité d'assurer la sécurité juridique des entreprises concernées.

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