Question de M. BAS Philippe (Manche - Les Républicains) publiée le 25/02/2021

M. Philippe Bas appelle l'attention de M. le Premier ministre concernant l'arrêté du 13 novembre 2020 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale.

Le point 7.6.1 de cette instruction prévoit qu'« aucun document classifié, même à l'issue du délai de communicabilité de cinquante ans fixé par l'article L. 213-2 du code du patrimoine, ne peut être librement communiqué tant qu'il n'a pas été formellement démarqué par l'apposition d'un timbre de déclassification ».

Cette disposition soulève de vives inquiétudes pour les raisons suivantes : elle aura pour effet à partir du 1er juillet 2021 d'interrompre les recherches historiques existantes et d'en empêcher de nouvelles dans les fonds d'archives sur des sujets aussi divers que les politiques de sécurité, la politique extérieure de la France ou les relations internationales ; elle semble être contraire à l'article L. 213-2 du code du patrimoine, modifié par la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008, qui prévoit que les archives publiques sont communicables de plein droit à l'expiration d'un délai de droit commun de 50 ans à compter de la date du document, ou de celle du document le plus récent inclus dans le dossier pour les documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale.

Pour ces raisons, il semble indispensable que cette disposition soit retirée dans les plus brefs délais afin de maintenir le droit d'accès aux archives publiques garanti par l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie publiée le 14/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2021

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, auteur de la question n° 1544, adressée à M. le Premier ministre.

M. Philippe Bas. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez beaucoup de mérite à répondre au nom du Gouvernement à tant de questions qui ne sont pas toujours proches ni du tourisme, ni des Français de l'étranger, ni de la francophonie. Il faut vous en remercier.

Ma question a trait à la recherche historique. Les chercheurs en histoire contemporaine sont aujourd'hui dans une grande émotion, parce que la loi de 2008 relative aux archives, codifiée au code du patrimoine, dispose qu'après cinquante années l'accès aux archives est de plein droit, y compris quand celles-ci étaient à l'origine couvertes par le secret de la défense.

Pour appliquer le code du patrimoine, l'instruction générale interministérielle n° 1300 du 13 novembre 2020, qui n'est pas une instruction comme les autres, puisqu'elle est approuvée par arrêté – il s'agit donc d'un acte réglementaire –, précise que, pour appliquer ces dispositions, l'apposition d'un timbre de déclassification est nécessaire. C'est donc une procédure qui s'ajoute au droit créé par la loi.

Les historiens redoutent de voir leurs recherches entravées par cette procédure qui s'ajoute à la législation. De leur point de vue d'ailleurs, cette instruction est de ce fait illégale ; elle est d'ailleurs contestée.

Pour toutes ces raisons, il me semble indispensable que cette disposition de l'instruction n° 1300 soit retirée dans les plus brefs délais pour maintenir le droit d'accès aux archives publiques. Celui-ci est garanti par l'article XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont c'est l'une des nombreuses implications.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Monsieur Philippe Bas, oui, c'est une complexe équation que doit intégrer l'État entre la nécessaire protection du secret de la défense nationale et l'indispensable devoir de transparence en matière historique.

Toutefois, je tiens à vous rassurer : l'instruction du Premier ministre n'a pas vocation à remettre en cause les dispositions du code du patrimoine et ne doit pas représenter une rupture dans l'accès aux archives. Reste qu'il convient de bien articuler, afin de les rendre compatibles, les dispositions du code du patrimoine qui rendent caduque la mesure de classification d'un document à l'issue d'un délai de cinquante ans et les articles 413-9 et suivants du code pénal qui interdisent qu'un document classifié soit manipulé en dehors du cercle des personnes habilitées ou ayant qualité pour connaître son contenu. C'est cette disposition qui impose cette déclassification formelle ; à défaut, le délit de compromission pourrait être constitué.

C'est bien parce que le Gouvernement estime réel le risque pénal découlant de cette situation que l'instruction générale ministérielle prescrit tant dans sa version actuelle, publiée en 2011, que dans celle qui doit entrer en vigueur au 1er juillet prochain une opération formelle de déclassification avant toute communication.

Cette position n'est pas nouvelle. Elle n'a pas varié. L'instruction n° 1300 du 13 novembre 2020 ne fait que l'expliciter.

Je comprends le souci que la déclassification préalable n'entraîne pas de délais importants ou de retards significatifs. C'est pourquoi il a été décidé de permettre aux services d'archives, partout où c'est possible, de procéder à la déclassification des documents couverts par le secret de la défense nationale selon le procédé dit de démarquage au carton jusqu'au dossier de l'année 1970 incluse. La mise en œuvre de cette décision doit conduire à écourter sensiblement les délais d'attente liés à la procédure de déclassification.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je souhaitais porter à votre attention. Par ailleurs, il ne faut pas exclure que la représentation nationale puisse se pencher sur cette bonne articulation et apporter les corrections législatives en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.

M. Philippe Bas. Monsieur le secrétaire d'État, toute disposition pratique permettant d'accélérer l'accès aux archives historiques est évidemment la bienvenue. Cela ne vide pas le débat juridique ; il est d'ailleurs en cours.

J'ai bien noté les arguments du Gouvernement et les examinerai plus à fond. Nous aurons certainement l'occasion d'en rediscuter.

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