Question de M. LEVI Pierre-Antoine (Tarn-et-Garonne - UC) publiée le 25/02/2021

M. Pierre-Antoine Levi attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur les carences de la réforme de la première année commune aux études de santé (PACES). Il lui rappelle que cette réforme pour la première année des études de médecine avait pour but d'augmenter et de diversifier les étudiants de ces filières en diminuant le taux d'échec à la fin de la première année. Force est de constater que sa mise en œuvre n'a pas produit les effets escomptés. En effet, cette réforme devait permettre à ceux qui ont subi un échec en parcours d'accès santé spécifique (PASS) de pouvoir intégrer l'une des licences à mineure santé (LAS) au sein desquelles il est possible de redoubler comme dans une licence normale à l'Université. Or, le nombre de places ouvertes dans ces nouvelles filières a diminué par rapport aux années précédentes en raison des places réservées aux redoublants issus de l'ancien régime PACES. Dès lors, l'immense majorité des étudiants qui n'intègreront pas ces filières nouvelles ne pourront pas redoubler et se verront contraints d'intégrer une L2 dans une matière mineure, choisie par défaut, et pour laquelle ils n'auront eu que quelques mois de formation sans heure de cours. En clair, leur chance de réussite sera très faible. Il s'étonne également que le décret du 4 novembre 2019 prévoie une « seconde chance » alors que les étudiants de L2 ne pourront même pas candidater aux études de médecine. Enfin, il souhaite l'interroger sur le numerus apertus qui devait être nettement supérieur à l'ancien numerus clausus. Or, la carence de la réforme révèle que le taux du premier reste inférieur à celui du second. À l'image de la Sorbonne qui a fait évoluer son numerus apertus à 47 %, il conviendrait de faire évoluer largement ce taux pour que le numerus apertus réponde enfin aux demandes locales en matière de médecine. Ainsi, il voudrait savoir si le Gouvernement serait disposé à reconnaître les carences actuelles de la réforme afin de prendre, dès cette année, toutes les mesures nécessaires à sa parfaite exécution.

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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation publiée le 07/05/2021

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2021

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 1557, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

M. Pierre-Antoine Levi. Madame la ministre, aux quatre coins de la France, le même constat vaut depuis des années : il est de plus en plus difficile pour nos concitoyens de trouver un praticien. C'est pourquoi le Gouvernement a entrepris de réformer les études de santé au moyen de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. Tous ici, nous saluons cet objectif, car il y avait véritablement urgence.

Pour autant, malgré la fin du numerus clausus et son remplacement par le numerus apertus, l'inversion de la courbe des médecins dans notre pays ne se fera pas sentir avant plusieurs années. Cependant, près de deux ans après le vote de cette loi, un constat peut déjà être fait : la réforme semble avoir été mal préparée, mal expliquée, et donc mal comprise par les étudiants.

Certes, l'année universitaire 2020-2021 est une année de transition où l'ancien système cohabite avec le nouveau, mais la situation n'est aujourd'hui plus tenable. En plus de la difficulté que constituent les cours en distanciel, les étudiants en médecine sont dans le flou le plus total. Les primants cohabitent avec les redoublants, alors qu'ils n'auront pas la possibilité de redoubler.

Il est normal, par équité, que la dernière promotion de première année commune aux études de santé (Paces) dispose du même nombre de places que les années précédentes. Par équité, toujours, il serait donc normal que les étudiants en parcours accès santé spécifique (PASS) et en licence accès santé (LAS) aient proportionnellement le même nombre de places. C'est ce point que beaucoup ne comprennent pas !

J'ai reçu les témoignages de nombreux étudiants des universités de Toulouse et même de Montpellier, qui m'ont fait part de leur désarroi, et de leurs craintes devant cette réforme. Leur détresse m'a fortement touché. Vous le savez, madame la ministre, s'engager dans des études de santé, épouser une carrière médicale, c'est une vocation, un objectif de long terme ; c'est un objectif de vie.

Pourtant, sans possibilité de redoublement et avec un nombre de places limité, ce sont autant de rêves qui s'écrouleront pour les étudiants qui resteront sur le carreau. Face à cette situation, beaucoup d'entre eux, leurs parents, et même des médecins, se mobilisent depuis plusieurs semaines pour critiquer cette réforme.

Le 28 avril dernier a eu lieu un coup de théâtre : le Conseil d'État a suspendu l'exécution de l'arrêté du 25 janvier 2021 fixant à 6 509 le nombre d'étudiants de Paces autorisés à poursuivre leurs études en médecines, odontologie, pharmacie et maïeutique pour la rentrée 2021. Cette décision du Conseil d'État est un coup dur pour cette réforme, de plus en plus contestée sur le terrain.

Il y a urgence à trouver une solution acceptable pour tous, d'autant plus que les étudiants ont déjà passé leurs examens les 19, 20 et 21 avril dernier. Il serait tout à l'honneur de votre ministère de réajuster cette réforme, et ce serait une bouffée d'oxygène pour ces milliers d'étudiants au bord de la crise de nerfs.

Votre ministère trouvera de nombreuses pistes d'ajustements et de solutions dans les conclusions de la mission d'information que notre collège Sonia de La Provôté rendra la semaine prochaine. Je vous remercie par avance au nom de tous ces étudiants en détresse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Monsieur le sénateur Levi, merci beaucoup de cette question, qui va me permettre, d'abord, de réaffirmer que cette réforme des études de santé répond à une volonté très forte et très partagée de diversifier les voies d'accès et les profils des étudiants tout en mettant fin à un système de sélection rigoureux fondé sur le numerus clausus.

Vous m'interrogez, plus spécifiquement, sur la notion de deuxième chance. Il s'agit de l'un des fondements de cette réforme. Jusqu'à présent, les étudiants étaient sélectionnés sur la base d'un échec : lorsqu'ils ne réussissaient pas le concours, ils devaient redoubler, alors que, parfois, leur moyenne était supérieure à 10 sur 20.

C'est cette injustice qui est aujourd'hui combattue, puisque, contrairement à la situation précédente, dans laquelle, au-delà du rang utile, on était exclu des études de santé, on permet aujourd'hui à tous les étudiants qui obtiennent la moyenne de continuer dans une filière qui leur permettra, à l'issue de la deuxième année ou, s'ils le souhaitent, de la troisième, de bénéficier d'une deuxième tentative. Ils seront donc dans un parcours de réussite et auront néanmoins deux tentatives possibles pour accéder aux études de santé.

Au-delà de cela, nous avons aussi tenu les engagements pris quant au nombre de places. Le numerus clausus, qui correspond à une situation transitoire, parce que nous devions tenir compte des étudiants redoublants dans l'ancienne version, atteint environ 6 000 places et c'est plus de 16 700 places qui sont offertes à l'ensemble des étudiants. Vous voyez donc que le nombre de places offertes aux primo-accédants, à ceux qui sont dans la première année de cette réforme, est bien supérieur au nombre de places qui leur étaient offertes les années précédentes : c'est quasiment 1 800 places de plus, 2 000, si l'on compte les études de kinésithérapie. Il s'agit d'une augmentation de plus de 12 %, ce qui ne s'est jamais vu.

Vous avez raison, il faut expliquer encore et rassurer, c'est pourquoi, mon collègue ministre de la santé et moi-même allons publier un arrêté qui permettra de sécuriser l'ensemble des étudiants et de leurs familles.

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