Question de Mme LAVARDE Christine (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 24/02/2022

Question posée en séance publique le 23/02/2022

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. « Il nous faudra engager des réformes structurelles et réduire les dépenses publiques. Ne laissons pas croire aux Français que l'on pourra réduire la dette uniquement par la croissance. »

Monsieur le Premier ministre, ces paroles ne sont pas celles d'un représentant de l'une de vos oppositions. Ce sont les propos tenus par l'un de vos ministres devant la commission des finances du Sénat.

Des mots à la réalité, il y a un grand pas !

Déjà, en 2017, le candidat Macron appelait au sérieux et à la responsabilité en matière de finances publiques, car, selon son document programme, « l'État est lourdement endetté ».

Son premier engagement était de réduire les déficits en réalisant 60 milliards d'euros d'économies. Cinq ans plus tard, comme le rapporteur général de la commission des finances le rappelle assez souvent, la dépense courante a augmenté de 60 milliards d'euros…

Son deuxième engagement était de faire des choix et de cibler un petit nombre de dépenses prioritaires. Cinq ans plus tard, après le « quoi qu'il en coûte » sanitaire, nous vivons depuis quelques mois le « quoi qu'il en coûte » électoral ! Pas moins de 25 milliards d'euros de dépenses supplémentaires ont été annoncés depuis le mois de juillet dernier, hors plan de relance et hors plan France 2030.

Le rapport sur la France du Fonds monétaire international (FMI) publié le 26 janvier préconise de revenir à un déficit de 3 % dès 2025 et de procéder à un ajustement budgétaire important à partir de 2023.

Vous avez décidé de reporter après les échéances électorales la publication du programme de stabilité et du programme national de réforme. Pour autant, la représentation nationale et les Français sont en droit de connaître les réformes structurelles que vous envisagez de mettre en œuvre. Ma question est simple : quelles sont-elles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)


Réponse du Premier ministre publiée le 24/02/2022

Réponse apportée en séance publique le 23/02/2022

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Madame la sénatrice, vous abordez un sujet grave et structurel auquel, croyez-le bien, j'attache une importance toute particulière.

Je pourrais vous répondre longuement, car l'équilibre des finances publiques – je veux le dire à tous nos concitoyens – est un sujet qui, comme vous le soulignez, doit être traité avec beaucoup de respect. La restauration des comptes publics est en effet une question de souveraineté !

Premier élément : jusqu'à ce qu'un « tout petit » événement soit venu frapper le pays au début de l'année 2020, les finances publiques de la France étaient en voie de redressement ! (On le conteste à droite.) C'est un fait, quoi que vous puissiez en dire !

En 2019, dernier exercice comptable clôturé avant le début de la crise, le déficit public était repassé en dessous de la barre des 3 %. Ce n'est pas moi qui le dis, d'autant que je n'étais pas Premier ministre à l'époque, c'est la Commission européenne.

Dois-je rappeler que la procédure engagée par la Commission européenne contre la France pour déficit excessif était encore en cours au début du quinquennat et qu'elle a été levée avant le début de la crise sanitaire ? Voilà les faits ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

On peut dire que ce n'est pas assez, que cela ne va pas assez vite. On peut aussi dresser un historique des finances publiques, j'y suis prêt !

Puis est arrivée la crise, qui a été considérable, brutale et profonde.

M. Laurent Duplomb. Elle a eu lieu dans tous les pays !

M. Dominique de Legge. Elle a bon dos !

M. Jean Castex, Premier ministre. Pas du tout ! C'est simplement la vérité ! Et nous devons être fiers de ce que nous avons fait !

La crise sanitaire – nous en avons beaucoup parlé ici – a eu des conséquences économiques considérables. En 2020, le PIB a chuté de 9 %. Je fais partie de ceux qui ont bien connu la précédente grave crise que la France a traversée, celle des subprimes de 2008-2009. À cette occasion, le PIB avait chuté de 3 % : c'était déjà considérable, mais c'est trois fois moins qu'en 2020 !

M. Vincent Segouin. Et l'Allemagne ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Le Président de la République a décidé de mettre en place le « quoi qu'il en coûte » pour éviter que notre économie, c'est-à-dire ses entreprises et leurs salariés, ne s'effondre. Immédiatement après, nous avons mis en œuvre un plan de relance à hauteur de 100 milliards d'euros, auquel vous avez fait allusion.

Il était absolument indispensable de prendre ces décisions. Elles ont permis de faire la différence avec la crise de 2008-2009 durant laquelle la France, qui le voulait, n'avait pas pu prendre de telles mesures.

Ces mesures étaient nécessaires ; elles ont fonctionné, parce qu'elles ont été décidées dans un cadre européen coordonné. Vous savez d'ailleurs toutes et tous que 40 % du plan de relance français sera remboursé par l'Union européenne.

Vous savez aussi toutes et tous qu'une telle politique budgétaire ne peut fonctionner que si elle s'accompagne d'une politique monétaire adaptée. La Banque centrale européenne a joué son rôle en ce sens et elle continue de le faire. Tout cela marche (Remarques ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.), puisque la France a enregistré 7 % de croissance en 2021.

Mme Sophie Primas. Après une baisse de 9 %…

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous avez cité le FMI ; je lis toutes ses publications !

Je connais également bien cette noble institution qu'est la Cour des comptes. J'ai pris connaissance de son dernier rapport et je sais comment elle travaille, rassurez-vous !

Selon le rapport du FMI, la France devait retrouver la croissance qu'elle connaissait en 2019, soit avant la crise, au début de l'année 2022. Les Françaises et les Français ont atteint cet objectif à l'été 2021 !

Évidemment, cela a accru notre déficit budgétaire et notre dette. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Et ce n'est pas grave ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous avons une stratégie de redressement, mais ce ne sera pas la purge que nous avons subie entre 2011 et 2012. (Ah ! à gauche.)

Cette purge, qui nous a été en partie imposée par l'Union européenne et que nous payons encore selon tous les experts, n'a pas eu l'effet escompté. Elle a relancé le chômage, alors que celui-ci se trouve aujourd'hui au plus bas et à un niveau que nous ne connaissions plus depuis des années ! (On ironise à droite.)

Pensez aux jeunes ! Lors de la précédente crise, le chômage des jeunes avait explosé de 31 % ; aujourd'hui, il baisse de 10 %. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Ce résultat, nous le devons à l'apprentissage. Vous y avez toujours été favorables ; nous l'avons fait, puisque nous avons formé 725 000 apprentis l'année dernière, et c'est au bénéfice de nos concitoyens. On n'avait jamais vu cela ! (Mme Sophie Primas proteste.)

Il faut tout d'abord redresser la croissance pour diminuer notre déficit budgétaire. Il faut ensuite définir une trajectoire : 5 % cette année, cap sur 3 % en 2027. Cet objectif est jugé raisonnable par les organismes de prévision ; il peut être atteint grâce à des réformes structurelles, en particulier celle des retraites, qui doit venir au bon moment – l'art de la réforme, c'est de choisir le bon moment ! (Mmes Sophie Primas et Dominique Estrosi Sassone s'esclaffent.)

La France, par son travail, remboursera ses dettes et se félicitera des choix économiques qui ont été faits pendant la gestion de cette crise ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, d'avoir pris le temps de me répondre. Vous avez parlé de stratégie, mais je n'en ai décelé aucune dans vos propos !

Vous avez aussi évoqué le redressement des finances publiques entre 2017 et 2019. Or, si l'on met en base 100 la dette des pays de l'Union européenne en 2017, la dette de la France n'évoluait pas, tandis que celles de l'Irlande et des Pays-Bas, par exemple, diminuaient de 15 points. Vous vous réjouissez d'une stabilité, mais d'autres pays ont amélioré leur situation durant la même période !

Vous avez parlé de souveraineté au sujet de nos dépenses publiques. C'est une question tellement importante que le ministre de l'économie a dû préciser, dans sa réponse à la Cour des comptes, que la qualité de la dette française n'était pas en cause au regard de notre situation…

Si Emmanuel Macron, ancien conseiller à l'Élysée, ancien ministre de l'économie, puis Président de la République, avait géré les finances de la France comme l'ont été celles de l'Allemagne, notre pays enregistrerait aujourd'hui 1 000 milliards d'euros de dette en moins, soit l'équivalent de dix plans de relance ou de trente plans France 2030 ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)

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