Question de M. MIZZON Jean-Marie (Moselle - UC) publiée le 17/02/2022

M. Jean-Marie Mizzon interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la situation très alarmante de l'enseignement des mathématiques en France.
Enseignants et chercheurs - qui soulignent combien le recrutement et la formation des professeurs de mathématiques posent problème - sont effectivement unanimes : la baisse de niveau, continue, est impressionnante.
Quel dommage pour cette discipline qui a permis à notre pays de briller avec des mathématiciens dont les contributions ont permis de si grandes avancées justement saluées par de prestigieuses récompenses comme la médaille Fields.
Près d'un quart des médailles Fields ont été attribuées à nos mathématiciens ! Bien peu de pays peuvent en dire autant !
Et pourtant aujourd'hui, les résultats des élèves dans cette matière, réputée difficile et dont se détournent de plus en plus de jeunes filles - phénomène qui mérite d'ailleurs réflexion - nous vaut un classement calamiteux au plan mondial.
Cela est d'autant plus regrettable que la maîtrise des fondamentaux en mathématiques permet de décrypter les manipulations par les chiffres, aide à reconnaître les fausses informations, à débusquer les généralisations abusives, les erreurs de raisonnement et développe l'esprit rationnel.
Aussi y a-t-il urgence à enrayer la baisse générale des compétences mathématiques des élèves.
C'est la raison pour laquelle il lui demande ce qu'il en est du financement d'un plan mathématique à la hauteur des enjeux et des 21 mesures préconisées en 2018 par le rapport de la mission sur l'enseignement des mathématiques en France pour sauver cette discipline majeure.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publiée le 24/03/2022

La baisse continue des compétences des élèves en mathématiques depuis 30 ans est un fait bien connu et largement documenté, comme en atteste la note de la DEPP de mars 2019 « L'évolution des performances en calcul des élèves de CM2 à trente ans d'intervalle (1987-2017) ». Cette baisse des compétences mathématiques des élèves français est un sujet majeur de préoccupation du ministre depuis sa prise de fonction. Les mathématiques constituent en effet une priorité nationale de la politique éducative très clairement affirmée dans l'action déployée depuis bientôt 5 années par le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS), en particulier à travers le déploiement du plan mathématiques, que ce soit au sujet de la maîtrise des fondamentaux, du recrutement et de la formation des professeurs de mathématiques ou de l'égalité Filles/Garçons. Les 21 mesures pour l'enseignement des mathématiques proposées dans le rapport rédigé par messieurs Villani et Torossian, qui a été remis au ministre le 12 février 2018, et déployées depuis septembre 2018 par le MENJS, constituent une réponse systémique d'une ampleur inédite sur toutes les strates du système éducatif pour contribuer au développement d'un enseignement des mathématiques plus efficace et plus explicite au bénéfice de tous les élèves. La stratégie développée depuis 2017 pour l'enseignement des mathématiques vise à assurer des compétences solides et complètes en mathématiques pour tous les élèves et d'assurer le nombre, la mixité et l'excellence des élèves qui poursuivront une formation mathématique et scientifique dans l'enseignement supérieur. Depuis 2017, le premier degré est une priorité absolue du MENJS et des moyens sans précédent sont déployés : dans ce cadre, les mesures 14 et 15 du rapport Villani-Torossian préconisaient le déploiement de référents mathématiques de circonscription (RMC), qui a depuis été pleinement mis en œuvre. À la rentrée de septembre 2021, ce sont en effet plus de 1?800 RMC qui accompagnent 45?000 professeurs des écoles par an pour leur proposer une formation plus adaptée et renforcée, entre pairs et en petits groupes : les constellations. Cette année près de 5?900 constellations sont ainsi formées sur l'ensemble du territoire : sur la base d'une programmation pluriannuelle de l'accompagnement, ce plan de formation concernera l'ensemble des professeurs des écoles dans les circonscriptions qui bénéficieront tous les six ans d'une formation importante sur l'enseignement des mathématiques, au plus près de la classe et à partir de leurs besoins. Au travers des enseignants accompagnés, environ 700?000 à 900?000 élèves sont concernés par an par le dispositif, ce qui permet d'escompter une amélioration sensible des résultats des élèves. Le rapport 21 mesures pour l'enseignement des mathématiques a nourri la définition d'une stratégie globale et posé les bases d'un rebond du niveau des élèves. Depuis, le MENJS a déployé de nombreuses mesures qui ont permis une première remontée du niveau des élèves à l'école primaire. Ainsi les résultats des élèves de CE1 qui ont passé les évaluations repères en ce début d'année scolaire ont-ils montré des progrès nets par rapport à ceux de 2019, et ce malgré la crise sanitaire : 89,1 % de réponses satisfaisantes en 2021 contre 87,7 % en 2019 pour le domaine « Écrire des nombres entiers » ; 79,1 % contre 76,6 % pour « Comparer des nombres » ; 67,2 % contre 66,1 % pour « Résoudre des problèmes » ; 49,7 % contre 46,6 % pour « Associer un nombre à une position ». Par ailleurs, la réforme des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPE) et l'ouverture des parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE) dans chaque académie ont redonné une part importante aux mathématiques dans la formation de nos étudiantes et étudiants futurs professeurs des écoles, et constituent au travers du renforcement de la place des mathématiques dans la formation initiale une réponse anticipée au déficit de compétences en mathématiques qui a pu être constaté chez les professeurs des écoles. En 2020 et 2021, des guides pour l'enseignement des mathématiques, notamment en résolution de problèmes, ont été produits pour les niveaux CP, cours moyen (CM1 et CM2) et collège à destination des professeurs et des formateurs. Ils sont complétés aujourd'hui par des ressources afin que les élèves et les professeurs se familiarisent sur les items des évaluations internationales PISA et TIMSS, dans une perspective qui vise à mieux préparer les élèves à utiliser les mathématiques dans tous les aspects de leur vie personnelle, civique et professionnelle, pour une citoyenneté du XXIe siècle à la fois constructive, engagée et réfléchie. Le plan mathématiques propose en parallèle un renouveau de la formation continue des enseignants dans le second degré depuis 4 ans au travers de la création de 300 laboratoires de mathématiques - des lieux de formation (associant parfois professeurs des écoles et professeurs du second degré) au sein même des établissements scolaires - et développe également depuis deux ans un effort particulier au collège. Cet effort s'inscrit dans la continuité du plan déployé dans le premier degré pour dynamiser et rendre plus performant l'enseignement des mathématiques au collège. La réforme des lycées, qui ouvre un vrai espace de liberté de choix pour nos élèves, fait aussi le pari de la transformation des filières d'enseignement supérieur pour prendre en compte les compétences réelles des élèves et leur motivation et les élargir. S'inscrivant dans une stratégie en synergie avec le grand plan d'investissement d'avenir « France 2030 » qui entend répondre aux grands défis de notre temps pour faire émerger les futurs champions technologiques de demain et accompagner les transitions de nos secteurs d'excellence, l'enjeu est de mettre en place une véritable culture scientifique pour tous où le raisonnement mathématique et le raisonnement logique trouvent toute leur place, et d'incarner dans les actes une politique ambitieuse permettant de doter les élèves d'un bagage plus solide à l'issue du lycée, grâce auquel ils pourront mieux s'engager dans leurs études supérieures. Il convient ici de rappeler que dire que nos filières traditionnelles mathématiques (hors filières sélectives CPGE, BUT, etc.) peinent à attirer des talents et particulièrement des jeunes filles : ce fait remonte à plus de 20 ans et n'est nullement lié à la réforme en cours. Bien au contraire, c'est la réforme d'aujourd'hui qui ouvre des pistes nouvelles, tant en amont qu'en aval dans le cadre d'un continuum bac-3+3, et des pistes de pilotage concerté. Les objectifs sont clairs, sachant que les poursuites d'études sont plus fortement corrélées aux choix d'options ou de doublettes et triplettes de spécialités : mieux piloter l'orientation au sein des établissements scolaires, comme le récent colloque à l'IH2EF l'a indiqué dans ses conclusions, mieux accompagner les élèves (surtout sur les filles en ce qui concerne les mathématiques) pour une meilleure orientation. La réforme du lycée indique la bonne voie, et le MENJS reste vigilant quant à l'accompagnement des jeunes filles pour qu'elles n'excluent pas les poursuites d'études scientifiques de leur horizon, à cause de stéréotypes véhiculés parfois par la société. C'est un travail de longue haleine qui doit être mené à la fois par les formations post-bac et dans les établissements. Le MENJS y veille, et la labélisation prochaine des établissements scolaires « égalité filles/garçons » indique le volontarisme dont le ministère fait montre en la matière. Une consultation sur l'enseignement des mathématiques au sein du lycée général est en cours, notamment sur la place d'une culture mathématique pour tous les élèves : elle permettra d'éclairer certains aspects et de procéder à des ajustements. Enfin, au-delà des éléments précédents centrés sur les élèves et les enseignants qui visaient à une amélioration du système au profit de l'enseignement de mathématiques, un travail important a été mené pour renforcer l'attractivité de la profession. Le Grenelle de l'éducation a permis d'aboutir à 12 engagements au service des personnels et des élèves qui visent à renforcer l'attractivité du métier d'enseignant et marquent une étape majeure pour la transformation de notre système éducatif. On peut citer, entre autres mesures, celles qui augmentent le pouvoir d'achat des personnels éducatifs depuis la rentrée scolaire 2020, la mise en place d'une prime d'attractivité pour les professeurs en début de carrière et d'une prime d'équipement informatique, la revalorisation des directeurs d'école, des professeurs documentalistes ou encore la nouvelle revalorisation de l'indemnité d'exercice en réseau d'éducation prioritaire renforcé. L'action du ministre et du ministère en faveur d'un enseignement consolidé des mathématiques s'appuie ainsi sur un volontarisme et sur une politique cohérente déployée depuis 4 ans. Elle se poursuit actuellement et vise le renforcement de la maîtrise des compétences mathématiques par tous les élèves de France, depuis l'école maternelle jusqu'au baccalauréat. À l'aune de la transformation impulsée aussi bien sur le plan de la formation continue, que sur celui du pilotage de l'enseignement ou encore sur celui des pratiques professionnelles de tous les personnels et des gestes pédagogiques des enseignants, la poursuite et la consolidation de toutes ces actions conjuguées en 2021-2022 sont autant de gages d'une amélioration attendue des résultats de tous les élèves aux évaluations nationales et internationales ainsi qu'une réponse aux baisses constatées en mathématiques et aux inégalités scolaires.

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