Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 21/07/2022

Question posée en séance publique le 20/07/2022

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à Mme la Première ministre.

Le Gouvernement veut supprimer la redevance, principale source de financement de nos entreprises de l'audiovisuel public et de dizaines de milliers d'emplois, directs et indirects. On parle ici de 3 milliards d'euros.

Cette mesure est malheureusement déconnectée de toute réflexion sur le devenir d'un secteur en plein bouleversement, Mme Bachelot ayant choisi d'enterrer le débat nécessaire sur la réforme audiovisuelle engagé par son prédécesseur. Elle est également déconnectée du contexte lourd et incertain de nos finances publiques.

Cette suppression a lieu désormais dans une certaine opacité, puisque l'on vient seulement de découvrir le rapport de l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l'inspection générale des finances (IGF), commandé au mois d'octobre dernier par votre prédécesseur – rapport, en outre, qui nous arrive, hélas, tronqué !

Cette mesure redonnerait du pouvoir d'achat aux Français : tel est l'argument. Pourtant, il est question de substituer à la redevance une part de la TVA, laquelle est payée par tout le monde, sans distinction de ressources. Rappelons qu'aujourd'hui 5 millions de foyers sont exonérés de la redevance.

Compte tenu des enjeux multiples et complexes, ne serait-il pas sage, comme le réclame l'ensemble d'un secteur très inquiet, de reporter cette décision qui, selon le rapport, n'est pas sans risques juridiques et politiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)


Réponse du Ministère de la culture publiée le 21/07/2022

Réponse apportée en séance publique le 20/07/2022

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. L'audiovisuel public est le premier média des Français, le premier financeur de la création : nous y sommes très attachés. Nous comptons bien le préserver et l'accompagner dans ses mutations et dans ses réformes.

Avec la fin de la redevance, nous supprimons le prélèvement qui pèse actuellement sur 23 millions de Français, et non le financement de l'audiovisuel public, encore moins son indépendance.

D'ailleurs, le Sénat le reconnaît lui-même. En atteste le rapport de Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, qui souligne que la redevance est « à bout de souffle ». En effet, elle s'adosse à une taxe d'habitation qui va disparaître, ainsi qu'à la possession d'un poste de télévision, alors que de plus en plus de Français regardent la télévision sur d'autres écrans.

Qui plus est, vous le savez, cette redevance ne suffit pas à elle seule, puisque, chaque année, l'État ajoute environ 600 millions d'euros pour couvrir le budget de l'audiovisuel public. Le lien direct à la dotation de l'État a par conséquent toujours existé.

L'enjeu est de maintenir l'indépendance et le financement de notre audiovisuel public : nous sommes d'accord sur ce principe fondamental. Il s'agit bien de « maintenir », parce que l'indépendance est pleine et entière : les dirigeants sont nommés non par le Gouvernement, mais par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), régulateur indépendant. Cette instance donne aussi son avis sur les contrats d'objectifs et de moyens, tout comme vous pouvez le faire par le biais des commissions parlementaires.

Surtout, le Gouvernement n'a aucun moyen d'interférer dans les grilles de programmes. L'indépendance éditoriale est une réalité.

Certes, le Gouvernement a récemment proposé un nouveau mode de financement de l'audiovisuel public, mais avec plusieurs garanties : la compensation à l'euro près, le versement de l'intégralité des ressources en début d'année pour éviter une régulation en cours d'exercice, une visibilité pluriannuelle accrue du financement.

Des amendements ont été déposés à l'Assemblée nationale sur cet article. Nous aurons l'occasion d'en débattre ensemble dans l'hémicycle.

Quoi qu'il en soit, je le répète, la ligne du Gouvernement est claire : redonner du pouvoir d'achat aux Français tout en assurant à notre audiovisuel public son financement dans le respect total du pluralisme et de l'indépendance des médias. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, évidemment, vous voulez vous montrer rassurante et nous vous en remercions. Pourtant, où est l'urgence à se précipiter dans une telle réforme, quand on sait que l'on ne dispose pas de toutes les études d'impact sur le sujet ?

À l'heure actuelle, toutes les garanties ne sont pas apportées, qu'elles aient trait à l'indépendance de nos médias publics, pour laquelle il existe des textes européens et une jurisprudence, ou à la prévisibilité et à la dynamique des ressources proposées. C'est ce qu'affirment les présidents des entreprises auditionnées la semaine dernière à l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, selon le scénario choisi, nous savons qu'il y aura un impact sur le budget de l'État et sur la dette publique, dont on nous dit que la « cote d'alerte » est atteinte.

Notre groupe refuse la précipitation et le bricolage de dernière minute au détour d'un projet de loi de finances rectificative. Au contraire, il souhaite participer à un travail collectif sérieux, éclairé, sur l'ensemble des études, et que soit redonné du sens politique à cette réforme. Par ailleurs, il appelle, comme l'indique le rapport, à une concertation permettant de fédérer l'ensemble des entités affectées par la réforme, offrant une sortie par le haut, ni plus ni moins, aux parlementaires responsables et constructifs.

Nous souhaitons ce rapport et ce travail de fond. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

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