Question de M. SAURY Hugues (Loiret - Les Républicains) publiée le 12/01/2023

Question posée en séance publique le 11/01/2023

M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Hugues Saury. Madame la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à la fin du mois de décembre, les autorités en place à Ouagadougou ont demandé, sous d'obscurs prétextes, le départ de l'ambassadeur de France. Ce nouvel épisode des tensions qui émaillent nos relations avec le Burkina Faso n'est pas sans rappeler le scénario qui s'est déjà produit au Mali et en Centrafrique.

Il illustre surtout le fait que, dans cette partie de l'Afrique, où elle a pourtant tant œuvré, la France est récemment devenue indésirable. Malgré l'engagement de nos militaires contre le terrorisme islamiste et le sacrifice de 53 d'entre eux, malgré le niveau considérable de l'aide au développement déployée dans cette zone prioritaire, jamais la France n'y a été tant critiquée et tant rejetée.

Nos concitoyens expatriés en subissent malheureusement les effets.

Plus largement, c'est bien dans l'ensemble du continent africain que l'influence économique, politique, diplomatique et même culturelle de notre pays ne cesse de s'éroder.

Ses parts de marché ont ainsi fondu de moitié par rapport au début des années 2000, et ce recul ne fait que s'accélérer. Depuis l'année dernière, la France n'est le premier partenaire commercial de plus aucun des pays du Maghreb.

Dans de nombreux pays, la langue française voit son influence reculer. Elle est maintenant concurrencée par l'anglais jusque dans les programmes scolaires voire, comme au Rwanda, en tant que langue officielle.

Si la France reste le premier pays de destination des étudiants africains, sa capacité à attirer les futures élites, pour les former sur son sol, est désormais en recul par rapport à d'autres destinations.

Avec ses formidables atouts, aussi bien humains que naturels, l'Afrique est, à n'en pas douter, un continent d'avenir. Mais cet avenir, si nous ne sommes pas capables de remettre à plat l'ensemble des politiques que nous y avons menées ces dernières années, risque fort de s'écrire sans la France.

Depuis 2017, la situation s'est dégradée et nous en voyons aujourd'hui les conséquences. Alors, madame la ministre, quelle stratégie le Gouvernement entend-il mettre en œuvre au cours de ce quinquennat pour, enfin, enrayer le déclin général de l'influence française en Afrique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 12/01/2023

Réponse apportée en séance publique le 11/01/2023

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Saury, disons les choses : en Afrique comme ailleurs, les manipulations de l'information ne cessent de prendre de l'ampleur. Dans plusieurs pays, la France est visée par des campagnes, dont nous savons bien qu'elles n'ont rien de spontané. Ainsi, la secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux était, hier encore, au Burkina Faso. Je la remercie de cette visite. Elle portait un message clair, comme vous l'avez vu.

Face à cela, nous devons agir, mais avec les moyens et les outils d'une démocratie. C'est ce que nous faisons en opérant un triple changement. J'ai demandé à mon ministère de le mettre en œuvre, car l'Afrique change, et nous devons également changer.

Le changement est, tout d'abord, celui du contenu. Il s'agit de mieux expliquer la réalité de nos partenariats, où l'innovation, les entreprises, les artistes et les jeunes ont une place centrale. Changer, c'est aussi soutenir ceux – journalistes et fact checkers – qui luttent contre la désinformation.

Il s'agit ensuite d'un changement de support. Il nous faut être partout présents, beaucoup plus qu'auparavant, là où se forment les opinions africaines, y compris sur les réseaux sociaux, pour s'adresser à un public plus jeune.

Enfin, il faut un changement d'échelle, par l'accroissement du volume de ce que nous produisons et par la mobilisation du réseau diplomatique, en prise avec les réalités et les interlocuteurs locaux.

Tout cela, monsieur le sénateur, vient en complément de nos relations humaines et économiques, qui persistent et qui changent, elles aussi. L'enjeu est considérable, vous l'avez dit. Soyez assuré que notre mobilisation l'est tout autant. D'ailleurs, si je suis arrivée avec quelques instants de retard à cette séance – je vous présente mes excuses – c'est parce que le Président de la République recevait le président des Comores. Après cette séance, je me rendrai, avec ma collègue allemande, à Addis-Abeba, siège de l'Union africaine. Comme vous le voyez, nous sommes actifs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

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