Question de M. TISSOT Jean-Claude (Loire - SER) publiée le 19/01/2023

Question posée en séance publique le 18/01/2023

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Voilà près de deux ans, j'interrogeais déjà Mme Barbara Pompili sur l'explosion des factures énergétiques, qui impactait alors fortement nos concitoyens.

Aujourd'hui, la crise énergétique est encore plus alarmante et difficilement supportable pour les particuliers, les collectivités, les agriculteurs et les entreprises. Alors que l'objectif initial du marché européen de l'énergie était de faire baisser les prix, le constat est une nouvelle fois le même : le libéralisme à outrance ne tient pas ses promesses.

En 2021, les tarifs de l'électricité avaient déjà augmenté de 60 % depuis l'ouverture du marché en 2007, preuve que le conflit en Ukraine n'est pas la seule explication.

Face à cette crise, les textes, nationaux et européens, passent les uns après les autres, mais ce ne sont que des rustines d'argent public qui financent allégrement les fournisseurs alternatifs et ne permettent pas de mettre un terme aux dysfonctionnements et errements du marché de l'énergie.

Monsieur le ministre, des solutions sont pourtant proposées sur l'ensemble des travées de la chambre haute : elles doivent être enfin écoutées !

Alors qu'une proposition législative pour réformer le marché de l'énergie sera présentée par la Commission européenne dans les mois à venir, la France doit prendre toute sa part dans ces négociations, en n'évitant aucun sujet.

La décorrélation entre les prix du gaz et ceux de l'électricité, le maintien de l'ensemble des tarifs réglementés de vente et leur rétablissement pour les collectivités, les hôpitaux, les petites et moyennes entreprises et les exploitations agricoles, ainsi que la préservation des concessions hydrauliques en dehors des logiques du marché, doivent être des priorités dans ces négociations.

Comme l'ont fait l'Espagne et le Portugal, avec à la clé une baisse des factures d'électricité de 10 % à 20 %, la France doit également demander une dérogation temporaire pour fixer le prix de l'électricité en fonction de son propre mix énergétique.

En ce sens, reprendre la main sur un tel marché nécessite d'avoir un opérateur historique avec de réelles capacités d'investissement. Monsieur le ministre, je vous ai déjà posé la question, mais je la renouvelle : pouvez-vous enfin nous éclairer sur les projets du Gouvernement pour le groupe EDF ?

Il est temps de considérer l'électricité comme un bien commun, qui ne peut plus subir les logiques d'un marché qui devient fou.

Quelle position tiendra la France et quelles propositions fera-t-elle dans les négociations européennes à venir ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 19/01/2023

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur, cela vous surprendra peut-être, mais je suis d'accord avec tous vos propos. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Agnès Pannier-Runacher dirait la même chose, sous le contrôle de la Première ministre.

Faut-il que les énergéticiens soient taxés parce qu'ils bénéficient d'une rente et qu'il faut bien payer le bouclier tarifaire que nous avons mis en place pour protéger nos compatriotes et les entreprises contre la flambée des prix de l'électricité et du gaz ? Oui, et ils règlent déjà plus de la moitié de la facture grâce à la contribution sur la rente inframarginale que nous avons mise en place et qui va rapporter cette année 26 milliards d'euros.

M. Fabien Gay. Vous leur redonnez de la main gauche ce que vous leur avez pris de la main droite !

M. Bruno Le Maire, ministre. Doivent-ils contribuer au coût pour les finances publiques des 280 euros le mégawattheure en moyenne que nous avons imposés, à la demande du Président de la République, pour les très petites entreprises, afin qu'elles n'aient pas à payer des factures sur la base de 500 euros, 600 euros ou 1 000 euros le mégawattheure ? Oui, bien sûr, et je recevrai la semaine prochaine les fournisseurs d'énergie pour les rappeler à leurs obligations. Je vous le dis, ces 280 euros le mégawattheure doivent être payés, au moins en partie, par les fournisseurs d'énergie.

Faut-il réformer le marché européen de l'énergie ? Nous avons déjà engagé cette bataille, avec le Président de la République, depuis des mois.

M. Fabien Gay. On voit le résultat !

M. Bruno Le Maire, ministre. Agnès Pannier-Runacher et moi-même ne passons pas une semaine, voire un jour, sans discuter avec nos partenaires européens pour obtenir exactement ce que vous souhaitez, et qui nous semble juste : que le prix de l'énergie en France soit fixé en fonction du coût de production, et non pas au coût marginal d'ouverture de la dernière centrale à gaz. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Cette solution a dominé pendant des années, mais elle est désormais obsolète. J'y insiste, nous voulons que nos compatriotes payent le prix de l'énergie au coût de production et non pas au coût marginal d'ouverture d'une centrale à gaz.

Enfin, nous avons repris le contrôle de 100 % d'EDF, ce qui devrait vous réjouir. Nous estimons, comme vous, que l'énergie est un bien stratégique et que l'électricité sera la grande question économique du XXIe siècle. En prenant le contrôle de la production d'électricité décarbonée en France, nous nous donnons tous les moyens d'être compétitifs et d'avoir une économie qui réussit. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

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