Question de Mme FILLEUL Martine (Nord - SER) publiée le 19/01/2023

Mme Martine Filleul interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le portrait cru, dressé par l'indice de position sociale (IPS), d'une école à plusieurs vitesses et soumise à des logiques de concurrence entre privé et public, mais aussi au sein même du secteur public.

Au sommet d'une hiérarchie scolaire, qui ne dit pas son nom, trônent l'enseignement privé et l'enseignement catholique. Contrairement à ce qu'affirment les représentants de l'enseignement privé catholique, qui s'insurgent régulièrement contre le « cliché de l'établissement élitiste », les écoles et collèges privés sous contrat concentrent bel et bien les familles les plus aisées et contribuent à la ségrégation scolaire.

Dans le département du Nord avec un IPS de 97, soit 6 points de moins que le niveau médian au niveau national, les voyants sont au rouge. À Lille, un rouge très vif : la moitié des établissements y affichent un IPS inférieur ou égal à (93). En resserrant la focale sur le seul secteur public, l'écart s'accroît : l'IPS médian lillois ressort alors à 87, celui du département à 93, celui du pays à 102. La capitale des Flandres, où un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, reste une ville populaire, à défaut d'être homogène.

Il l'a justement dit, le système scolaire est le symbole le plus vif et le pilier essentiel de la République. Ce que l'IPS révèle, et ce que le Gouvernement ne peut désormais plus faire semblant d'ignorer, c'est ni plus ni moins une défaillance du principe républicain de l'égalité et par là même, l'échec de l'école républicaine.

Elle souhaite donc savoir comment le Gouvernement compte mettre à profit cet outil précieux pour corriger la défaillance actuelle d'une mixité sociale qui reste à la porte des écoles.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des armées et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargé de la jeunesse et du service national universel publiée le 15/02/2023

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2023

Mme le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 366, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Martine Filleul. Madame la secrétaire d'État, dans une tribune parue au mois de décembre dernier, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse décrivait l'état dramatique de l'école républicaine, qu'il comparait à un champ de ruines.

La publication de l'indice de position sociale (IPS) et des informations associées permet désormais de partager ce constat alarmant. Oui, le principe d'égalité est très largement battu en brèche : le déterminisme social frappe dès le plus jeune âge, brisant toute perspective d'égalité des chances. Au sommet d'une hiérarchie scolaire qui ne dit pas son nom trônent l'enseignement privé et l'enseignement catholique.

Dans le département du Nord, dont l'IPS est de 97, soit six points de moins que le niveau médian national, les voyants sont au rouge. À Lille, où un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, les voyants sont d'un rouge très vif, puisque la moitié des établissements y affichent un IPS inférieur ou égal à 93, les différences étant très importantes entre les quartiers.

Ma question, contrairement à l'habitude, n'est pas simple, madame la secrétaire d'État : quelle réforme structurelle le Gouvernement envisage-t-il pour rétablir l'égalité républicaine et la mixité sociale dans nos écoles et combattre la ségrégation qui y est à l'œuvre ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre des armées et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Martine Filleul, vous avez raison : la seule manière de lutter contre les inégalités et les déterminismes sociaux, c'est de s'attaquer à la mixité sociale à l'école. C'est la mère des batailles. Vous avez également raison : ce n'est pas là un exercice aisé.

La première des étapes, c'est évidemment de faire la transparence sur les indices de position sociale en les rendant publics. Pour autant, il ne suffit pas de les connaître, encore faut-il savoir comment œuvrer, à court, à moyen et à long terme, pour assurer la mixité sociale à l'école. À cet égard, je puis vous assurer, madame la sénatrice, que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a fait de cette question un combat sincère.

La stratégie mise en œuvre doit reposer sur les territoires, les différences et les inégalités entre eux étant criantes. Il faut s'appuyer sur les maires, sur les présidents de département, mais aussi sur les associations de parents d'élèves et les parlementaires pour décliner des mesures fortes dans les établissements scolaires.

La première politique visant à accroître la justice et la mixité sociales dans les territoires a été expérimentée notamment dans l'académie de Lille. Il s'est d'abord agi de revoir la sectorisation scolaire. On le sait, ce n'est pas là un exercice facile. Pour autant, il est nécessaire et se doit d'être ambitieux. Il est accompli progressivement lorsque la géographie du territoire le permet, en s'appuyant sur des dispositifs de secteur.

Je pense évidemment aux secteurs multi-collèges et multi-lycées, au jumelage d'établissements, à la transformation effective des conditions d'affectation et à l'accueil d'élèves boursiers dans tous les établissements, mais aussi aux contrats de mixité par lesquels les établissements scolaires s'engagent à accompagner les élèves les plus fragiles socialement en mobilisant les cordées de la réussite, du soutien, du tutorat, du mentorat, les stages de réussite, l'enrichissement de l'offre pédagogique et l'implantation de cursus d'excellence.

Nous savons toutefois, madame la sénatrice, que ces dispositifs sont des éléments complémentaires, des correctifs, mais que, sur le fond, ce qu'il faut, c'est évidemment développer la coopération avec les collectivités territoriales pour la prise en charge des transports scolaires. La mobilité, les frais d'hébergement ou de restauration sont des freins. Or il faut faciliter plus fortement la mobilité des élèves, et ce sur l'ensemble du territoire.

Mme le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Un débat sur la mixité sociale à l'école aura lieu au Sénat le 1er mars prochain, sur l'initiative de votre groupe, madame la sénatrice. M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse aura alors l'occasion d'entrer plus en détail sur ce sujet.

Mme le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.

Mme Martine Filleul. Madame la secrétaire d'État, je le répète : il faut une réforme structurelle et globale ambitieuse pour faire évoluer notre système éducatif et endiguer la ségrégation. J'insiste en particulier sur la nécessaire transformation en profondeur de la carte scolaire.

Il faut par ailleurs mettre fin aux fermetures systématiques de classes auxquelles nous assistons et faire preuve de plus d'exigence et de fermeté à l'égard de l'enseignement privé. Enfin, il faut octroyer des moyens aux zones d'éducation prioritaire et mieux rémunérer les enseignants.

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