Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 19/01/2023

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la grande oubliée de son « plan pour la justice », à savoir la prison.
Sur ce volet, le ministre confirme simplement la construction de 15 000 nouvelles places d'ici à 2027 (promis en 2017) et les réformes déjà en cours d'application (transfèrement de détenus vers des établissements moins surpeuplés, incitation au travail en détention...) et entrées en vigueur très récemment.
Or, l'urgence est grande : la France compte à ce jour 73 000 détenus pour 60 000 places dans les prisons. La surpopulation atteint même 150 % dans trente-six d'entre elles. Cela empêche la réinsertion, rend compliquées les démarches pour trouver du travail, ne laisse que peu d'accès à la culture et encore moins aux soins parce que le personnel dans ces prisons reste dimensionné par rapport au nombre de places théorique et non par rapport au nombre d'habitants.
Dans un rapport publié en avril 2022, le comité des états généraux de la justice, rappelant que même en construisant toujours plus des prisons, la surpopulation ne baissait pas pour autant, préconisait la mise en place plutôt d'une régulation. De même, plusieurs pays européens ont réussi à faire énormément baisser leur population carcérale en mettant en place des peines hors les murs. En Allemagne, le recours aux courtes peines d'emprisonnement est interdit. Il serait souhaitable que le Gouvernement s'inspire de ces exemples pour inscrire dans la loi quelque chose qui réduise de façon contraignante la population carcérale (peines alternatives, peines aménagées, prise en charge des condamnés en milieu ouvert…). Il ne faut plus que la prison soit considérée comme la seule peine qui vaille.
Notre pays ayant déjà été condamné par la Cour européenne des droits de l'homme pour traitements inhumains et dégradants en raison de la surpopulation de ses prisons, il lui demande de quelle manière il entend agir sur la surpopulation des prisons françaises.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 18/05/2023

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin de lutter contre la surpopulation carcérale et d'améliorer les conditions de détention. L'ambitieux programme immobilier de livraison de 15 000 places supplémentaires de prison, décidé par le président de la République, doit permettre d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80 % sur la totalité des établissements du parc. Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Depuis la mise en oeuvre du programme, 2 441 places ont déjà été livrées. En 2023, 1 958 places supplémentaires seront livrées. Au total, 24 établissements seront opérationnels en 2024. Ce programme se caractérise par une typologie diversifiée d'établissements pénitentiaires pour mieux adapter les régimes de détention au profil des personnes détenues selon leur parcours, leur peine et leur projet de réinsertion : des maisons d'arrêt à sécurité adaptée, mais également des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS). Ces établissements ont vocation à accueillir des personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans et proposent un régime de détention adapté, orienté autour de la responsabilisation de la personne détenue, afin de préparer efficacement son retour à la vie libre et d'éviter la réitération de son comportement délinquant. La livraison de 2000 places en SAS est programmée. Enfin, trois établissements tournés vers le travail dénommés Inserre (insérer par des structures engendrant la responsabilisation et la réinsertion par l'emploi) seront également livrés. Outre la création de nouvelles places, les récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser le recours aux alternatives à l'incarcération, qui constituent des leviers de régulation des effectifs en milieu fermé. Elles permettent également de mieux prévenir la récidive et de favoriser la réinsertion des personnes placées sous-main de justice. Les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ont pour objectif de renforcer le sens et l'efficacité des peines prononcées en limitant le recours aux courtes peines d'incarcération, en favorisant les aménagements de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à 1 an et en prohibant les peines d'emprisonnement inférieures à un mois. Dans la continuité, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, introduit une mesure de libération sous contrainte de plein droit afin de suivre étroitement les détenus en fin de peine et lutter contre la récidive. La direction de l'administration pénitentiaire accompagne activement les SPIP dans son travail de prise en charge et d'accompagnement des personnes placées sous-main de justice. Depuis septembre 2022, la direction de l'administration pénitentiaire a notamment déployé sur l'ensemble du territoire un programme de prise en charge collective « ADERES », en lien avec l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), afin d'accompagner la population pénale dans le retour à la vie en société, dans une perspective de lutte contre la récidive. De surcroît, un travail de fond a été engagé afin de favoriser le recours à la peine de travail d'intérêt général (TIG). Plusieurs modifications du cadre normatif ont été successivement opérées, dans le but d'élargir les possibilités de recours au TIG et d'en simplifier les modalités d'exécution. Le nombre de places de TIG est ainsi passé de 18 000 en janvier 2019 à plus de 35 000 à la fin de l'année 2022. De plus, un plan d'actions portant, tant sur la meilleure connaissance des dispositifs et leur promotion, que sur les modalités d'organisation des services, a été arrêté par le garde des Sceaux et sera mis en oeuvre en 2023. Par ailleurs, le ministère de la Justice veille au maintien du dialogue entre les acteurs judiciaires et pénitentiaires. Il a élaboré un outil de pilotage destiné à nourrir les échanges entre les chefs de cours et les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires, afin de poursuivre l'accompagnement des juridictions dans la mise en oeuvre des dispositions de la loi de programmation de la justice et de favoriser les alternatives à la détention. Depuis l'été 2022, les directeurs de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces ainsi que des services judiciaires se sont également engagés à rencontrer l'ensemble des chefs de cours et de juridictions au sein des directions interrégionales, afin d'échanger sur la problématique de la surpopulation carcérale et d'identifier des leviers permettant de limiter le recours à l'incarcération. Enfin, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus suroccupés, mène une politique volontariste d'orientation des personnes détenues vers les établissements pour peine, y compris à faible reliquat de peine.

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