Question de M. PLA Sebastien (Aude - SER) publiée le 26/01/2023

M. Sebastien Pla souhaite rappeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la question écrite n°26957 du 03/03/2022 par laquelle il l'interpelle au sujet de l'importation de viandes issues de l'élevage intensif et de la déforestation.
En une décennie, la France a perdu 100 000 exploitations agricoles dont un tiers d'éleveurs, avec une baisse encore plus marquée parmi les exploitations combinant plusieurs types d'élevages, tels ceux de bovins conjuguant production de lait et de viande ou parmi les fermes associant cultures et élevages (- 41 % en décembre 2021).
Il pointe une concurrence déloyale avec les systèmes d'élevages intensifs en « feedlots » américains et brésiliens, qui demeurent exempts des normes de production imposées aux éleveurs européens pour protéger la santé, l'environnement et les animaux, et qui mettent en péril l'atteinte des objectifs définis dans le pacte vert pour l'Europe et la stratégie européenne « de la fourche à la fourchette ».
Il lui demande d'agir pour obtenir, à l'occasion de la présidence du Conseil de l'Union européenne (UE) par la France, des mesures miroirs dans les échanges commerciaux en conditionnant l'entrée des produits agricoles importés sur le marché européen au respect des normes de production européenne, afin de mieux informer les consommateurs et de défendre le modèle français d'élevage durable et familial à la ferme face une mise en concurrence de ses exploitations avec des fermes-usines américaines de 60 000 bovins engraissés aux antibiotiques ou avec de gigantesques exploitations brésiliennes responsables de la destruction de la forêt équatoriale d'Amazonie.
Il estime que ces mesures sont incontournables pour garantir des règles équitables pour les producteurs européens, mais aussi pour s'assurer que l'Union européenne ne contribue pas à des atteintes graves à l'environnement ou à la santé dans les pays tiers, car il est incompréhensible, du point de vue du consommateur, que des normes environnementales ou sanitaires s'appliquent à une partie seulement des produits qui arrivent dans son assiette.
Il souhaite savoir s'il entend impulser des mesures telle que l'interdiction d'importation de viandes issues de bovins « dopés » aux antibiotiques aux producteurs des pays tiers qui souhaitent exporter leurs viandes vers l'Union européenne (UE), en obtenant un acte délégué d'application de l'interdiction, inscrite dans la règlementation européenne, d'utiliser les antibiotiques pour accélérer la croissance ou favoriser le rendement des animaux d'élevage.
Il lui demande s'il prévoit de porter auprès de l'UE un amendement qui impose des normes de traçabilité des bovins au projet de règlement européen de lutte contre la déforestation importée, en étendant les restrictions aux importations de viandes bovines issues de la déforestation.
Il lui demande également s'il est dans ses intentions de défendre des mesures miroirs sur la norme « durée de transport des bovins » telle qu'elle est imposée aux éleveurs européens. En effet, la problématique du bien-être animal n'a pas de frontières, et il estime que l'UE doit imposer ses normes de bien-être animal à tous les producteurs qui souhaitent accéder à son marché et qu'ainsi la France ne peut plus cautionner ces importations européennes de viandes qui ne respectent pas les normes de production imposées aux éleveurs français.
Il l'enjoint à agir vite pour protéger la santé des consommateurs, l'environnement, les emplois des 500 000 professionnels de la filière viande et tous les services qu'ils rendent aux territoires ruraux.
Il insiste pour que, à travers sa voix, la France s'oppose à toute ratification d'accords bilatéraux qui ne contiennent pas, dans leur conditionnalité, de réciprocité des normes de production en matière d'alimentation animale, d'utilisation d'antibiotiques, de traçabilité et de bien-être animal.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 23/03/2023

Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire confirme qu'il importe d'assurer la cohérence de la politique agricole commune, du pacte vert pour l'Europe et de la politique commerciale européenne, notamment pour répondre aux attentes des consommateurs européens et afin de prévenir les effets négatifs indésirables liés aux phénomènes de fuites environnementales vers les pays tiers. C'est pourquoi le Gouvernement a fait de la réciprocité des normes une des priorités de sa présidence du conseil de l'Union européenne (UE) au premier semestre 2022 et continue de porter des initiatives sur ces sujets. La publication d'un rapport de la Commission européenne sur l'application des normes sanitaires et environnementales de l'UE aux produits agricoles et agroalimentaires importés le 3 juin 2022 représente une première avancée, car ce rapport confirme la possibilité d'agir aux niveaux multilatéral, bilatéral et unilatéral, notamment, via l'adoption de mesures « miroirs » visant à appliquer les normes de production européennes pertinentes aux produits importés, et ce dans le respect des règles de l'organisation mondiale du commerce. Dans cette même logique, l'accord de libre-échange conclu entre l'UE et la Nouvelle-Zélande le 30 juin 2022 présente une avancée en matière de cohérence des politiques européennes, dans la mesure où le contingent bilatéral de viande bovine exclut les produits issus de bovins élevés en parcs d'engraissement (feedlots). Cela n'aurait pas été possible sans la mobilisation du Gouvernement français pour l'introduction de conditionnalités tarifaires relatives à des modes de production durables dans les accords commerciaux. C'est pourquoi dans l'accord en cours de négociation avec l'Australie, les autorités françaises ont également transmis à la Commission, avec le soutien de sept autres États membres, des propositions de conditionnalités tarifaires, dont une porte sur la viande bovine, pour exclure de nouveau les viandes issues d'animaux élevés en parcs d'engraissement. Par ailleurs, le règlement (UE) 2019/6 du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires est entré en application le 28 janvier 2022. Ce texte prévoit, à son article 118, que l'interdiction de l'utilisation d'antimicrobiens favorisant la croissance ou le rendement des animaux et d'antimicrobiens réservés au traitement de certaines infections chez l'homme s'applique aux produits importés, en interdisant l'importation d'animaux et de produits animaux originaires de pays tiers ayant été traités avec de tels antimicrobiens. Toutefois, pour que cet article entre en application de manière effective, des actes secondaires sont en cours d'élaboration par la Commission européenne. Il s'agit notamment d'un acte délégué définissant les exigences que les pays tiers doivent respecter pour exporter des produits d'origine animale vers l'UE. Dans le cadre de ces travaux, la Commission européenne a notifié le 8 décembre 2022 le projet d'acte délégué à l'organisation mondiale du commerce (OMC) et a organisé une consultation publique sur le texte. À la suite de cette consultation, la Commission pourra adopter l'acte délégué : la publication pourrait ainsi avoir lieu courant avril 2023. Un acte d'exécution, prévu par cet acte délégué, devra ensuite être adopté afin de définir précisément le contenu du futur certificat de conformité pour l'importation dans l'UE. Dans l'attente de l'adoption de ces actes secondaires par la Commission, le Gouvernement a pris le 21 février 2022 un arrêté interministériel portant suspension d'introduction, d'importation et de mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viande issus d'animaux provenant de pays tiers à l'UE et ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement. En ce qui concerne la déforestation, un accord a été obtenu en décembre 2022 entre les institutions européennes sur le règlement de lutte contre la déforestation, permettant de s'assurer que les produits couverts (dont la viande bovine) mis sur le marché européen ou exportés à partir du marché européen ne soient pas issus de la déforestation ou de la dégradation forestière. Ce texte sera mis en œuvre grâce à une procédure de diligence raisonnée. Les opérateurs, importateurs et producteurs européens devront ainsi veiller à la mise en place de chaînes de valeurs durables sans déforestation. Parallèlement, le texte permet d'accompagner les pays tiers et leurs exploitants pour faciliter leur transition. Enfin, la prochaine révision de la législation européenne portant sur le bien-être animal devra constituer une occasion de renforcer l'application des normes européennes aux produits importés depuis les pays tiers. Des mesures « miroirs » existent déjà, d'une part, pour l'abattage et, d'autre part, pour l'importation dans l'UE de veaux et de porcs vivants. Elles disposent que les animaux doivent avoir bénéficié de prescriptions ou d'un traitement au moins équivalent à celui prévu par la réglementation européenne. Une proposition législative de la Commission visant à réviser la législation existante en matière de bien-être des animaux, y compris en ce qui concerne le transport et l'abattage des animaux, est annoncée pour fin 2023. La France et d'autres États membres ont invité la Commission à analyser la faisabilité de prévoir des mesures « miroirs » pour toute mesure contraignante en matière de bien-être animal définie au niveau UE, et, le cas échéant, les intégrer dans la proposition législative.

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