Question de Mme JASMIN Victoire (Guadeloupe - SER) publiée le 02/02/2023

Mme Victoire Jasmin souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les mesures visant à la généralisation des conseils pour les droits et devoirs des familles en outre-mer.

Le conseil pour les droits et devoirs des familles (CDDF) est un dispositif d'aide à la parentalité fondé sur l'action sociale et éducative. C'est un espace de concertation et d'accompagnement des familles, piloté par le maire, en lien avec plusieurs partenaires de l'action sociale.

Créé par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, le CDDF était obligatoire pour les communes de 50 000 habitants, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique (dite « engagement et proximité », qui l'a rendu facultatif pour toutes les communes.

Le CDDF s'adresse aux parents de « mineurs en difficultés ». C'est un cadre de dialogue chargé à la fois d'écouter et d'accompagner des familles volontaires qui rencontrent des difficultés dans l'éducation de leurs enfants. Et il peut être saisi chaque fois que le comportement de l'enfant entraîne des troubles à l'ordre, à la tranquillité ou à la sécurité publics.

Or, dans un contexte croissant d'insécurité, les élus locaux sont inquiets.

En effet, les chiffres fournis par le service ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) font figurer les départements d'outre-mer parmi les plus criminogènes de France.
La population de Guadeloupe, et plus encore celle de Guyane ou de Mayotte, est plus souvent victime de vols ou d'actes de violences que celle de l'hexagone.

En 2021, concernant les homicides : « En cumul sur les trois dernières années, il atteint notamment 0,13 homicide pour 1 000 habitants en Guyane, 0,07 en Guadeloupe, 0,06 en Martinique et 0,05 à Mayotte, contre 0,02 homicide pour 1 000 habitants en moyenne sur toute la France ».

Sur l'année 2020, en Guadeloupe, les infractions en matière de sécurité routière, liées à la conduite sous l'emprise d'un état alcoolique ont été multipliées par cinq, celles sous l'emprise de produits stupéfiants par vingt. Les infractions liées à la conduite sans permis ont triplé.

Les départements d'outre-mer sont également pointés du doigt concernant les augmentations du nombre de victimes de coups et blessures volontaires, dans et en dehors de la sphère familiale.

Cette insécurité concerne également les mineurs, d'après l'enquête Virage de 2018 dans les Outre-mer, 32 % des femmes et 23 % des hommes déclarent des faits de violence avant 18 ans dans leurs différentes sphères de vie (études, loisirs, famille).

Il en ressort également une fréquence plus élevée des violences intrafamiliales que dans l'Hexagone : 19 % des femmes sont en situation de violences conjugales, soit un taux plus de 3 fois plus élevé qu'en France hexagonale, et dans 23 % des cas, les faits de violences jugés graves par ces femmes ont eu lieu devant les enfants.

Par ailleurs, la Guadeloupe est confrontée à un phénomène de bandes organisées, et à un niveau de délinquance juvénile important.

Dès lors, la prévention de la délinquance par des actions de sensibilisation et d'accompagnement complétant celles déployées en milieu scolaire est fondamentale pour impliquer et aider les familles en difficultés.

Il convient de permettre aux élus locaux d'activer tous les leviers en matière de sécurité, notamment au sein des groupements locaux de prévention, au sein des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD/CISPD) mais aussi par la généralisation des conseils pour les droits et devoirs des familles (CDDF).

Aussi, elle souhaite connaitre les mesures envisagées à court terme par le Gouvernement pour faciliter la généralisation des conseils pour les droits et devoirs des familles (CDDF) en outre-mer, et plus singulièrement en Guadeloupe.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer publiée le 10/02/2023

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2023

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, auteure de la question n° 392, adressée à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Mme Victoire Jasmin. Ma question porte sur la généralisation des conseils pour les droits et devoirs des familles (CDDF) en outre-mer.

Le CDDF est un dispositif d'aide à la parentalité fondé sur l'action sociale et éducative. Facultatif pour toutes les communes depuis la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite loi Engagement et proximité, le CDDF s'adresse aux parents de « mineurs en difficulté ».

C'est un cadre de dialogue chargé à la fois d'écouter et d'accompagner des familles volontaires qui ont des difficultés dans l'éducation de leurs enfants. Il peut être saisi par le maire chaque fois que le comportement de l'enfant entraîne des troubles à l'ordre et à la sécurité publics.

Or, dans un contexte croissant d'insécurité, les élus locaux d'outre-mer sont inquiets.

En effet, les chiffres fournis en 2021 par le ministère de l'intérieur font figurer les départements d'outre-mer parmi les plus criminogènes de France.

La population de Guadeloupe, tut comme celles de Guyane et de Mayotte, se retrouve plus souvent que celle de l'Hexagone confrontée à des actes de vols et de violences volontaires.

Sur l'année 2020, en Guadeloupe, les infractions en matière de sécurité ou liées à l'alcool posent problème. Les infractions en lien à la conduite sans permis ont triplé.

Cette insécurité concerne également les mineurs. Selon l'enquête Virage de 2018, les violences intrafamiliales sont plus élevées dans les outre-mer que dans l'Hexagone.

Par ailleurs, la Guadeloupe est confrontée à un phénomène de bandes organisées et à un niveau de délinquance juvénile important.

Dès lors, la prévention de la délinquance par des actions de sensibilisation complétant celles qui sont déployées en milieu scolaire est fondamentale pour impliquer et aider les familles en difficulté.

Il convient de permettre aux élus locaux d'activer tous les leviers en matière de sécurité, notamment au sein des groupements locaux de prévention – conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) –, mais aussi par la généralisation des conseils pour les droits et devoirs des familles.

Monsieur le ministre, serait-il possible de généraliser ces dispositifs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, comme vous le savez, les maires ont des fonctions essentielles en matière de prévention de la délinquance sur leur territoire.

Ils jouent un rôle prépondérant dans le diagnostic des phénomènes de délinquance et dans les actions de prévention à mettre en œuvre envers le public identifié.

Par ailleurs, ils participent pleinement à la dynamique locale impulsée par le préfet, dans le cadre du plan départemental de prévention de la délinquance, qui décline la stratégie nationale en la matière.

Dans l'exercice de telles missions, le maire dispose de nombreux outils réglementaires dont le rappel à l'ordre, la transaction et le conseil pour les droits et devoirs des familles, qui fait l'objet de votre question.

L'ensemble de ces dispositifs peut lui permettre d'agir efficacement à l'égard des mineurs en situation de fragilité comme à l'égard de ceux qui sont déjà passés à l'acte et qui courent le risque d'un basculement définitif dans la délinquance.

Lieu de coordination des dispositifs de prévention, le CDDF est également un espace de dialogue et d'alerte. Pour tous les jeunes concernés, une intervention de l'autorité républicaine incarnée par le maire, en présence des parents, est de nature à faire prendre conscience à chacun de ses droits et devoirs.

Le CDDF offre en effet un cadre juridique sécurisé où le maire peut recevoir le jeune mineur et sa famille, revenir sur le fait produit dans la commune et rappeler à ses parents toute l'importance de leur rôle éducatif. De la sorte, le CDDF permet d'assurer la prise en compte et le traitement des faits commis, sans avoir à solliciter une réponse judiciaire de facto limitée par la minorité de leurs auteurs.

Les parents en sortent responsabilisés et confortés dans leur rôle. Écouté et pris en compte, le jeune se sent considéré individuellement dans son parcours. Le maire, quant à lui, joue le rôle de proximité auprès de la population pour lequel il a été élu.

Je comprends donc parfaitement votre opinion sur l'importance des CDDF. Il est nécessaire d'encourager les maires de chaque commune à mettre en place cet outil réglementaire laissé à leur disposition.

À la suite de votre question, je saisirai directement les préfets pour qu'ils insistent auprès des maires sur la nécessité de réunir ses instances. Par ailleurs, le ministère de l'intérieur et des outre-mer a sollicité le Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, afin qu'il se rapproche de l'Association des maires de France (AMF) et étudie avec elle comment promouvoir efficacement le dispositif. Nous agirons également à notre niveau, au cas par cas. À ce titre, l'expérience du préfet Lalanne en Martinique est éclairante.

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