Question de Mme de LA PROVÔTÉ Sonia (Calvados - UC) publiée le 02/02/2023

Mme Sonia de La Provôté attire l'attention de M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur l'incertitude qui entoure le régime juridique des colocations de séniors qui se développent actuellement comme alternative aux modalités traditionnelles de prise en charge.

L'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit en effet que « I. Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code […] : 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ».

Ce même code prévoit également que la création de ces établissements est soumise à autorisation, délivrée, le cas échéant, par le président du conseil départemental, par le directeur général de l'agence régionale de santé ou conjointement par ces derniers.

Le modèle de colocation séniors se développe principalement comme solution alternative à l'entrée en établissement d'hébergement pour personnes âgées et dépendantes (EHPAD), permettant de rompre l'isolement social et répond effectivement à une demande forte du public visé et des familles d'avoir un cadre de vie sécurisant.

En effet, ce type de structure apporte aux usagers différentes prestations telles que la présence permanente de personnel, la mise à disposition de chambres et de sanitaires communs ou individuels selon les projets, ainsi que des espaces de vie commune : cuisine, salon, salle à manger, jardin...

Cependant, elles proposent ou imposent des prestations hôtelières facturées forfaitairement aux résidents : restauration, blanchisserie, entretiens des locaux privatifs et communs, animations, surveillance/gardiennage 24h/24, et parfois des prestations de coordination des démarches administratives et de gestion de ressources humaines des auxiliaires de vie.

L'organisation et le fonctionnement de ces structures semblent alors s'apparenter à des établissements médico-sociaux et devraient donc être soumis à autorisation.

Face à un certain flou juridique quant à la qualification précise et certaine de ce type de structure, plusieurs structures ont ainsi ouvert leurs portes sans avoir au préalable obtenu d'autorisation de création auprès des autorités compétentes.

Dans ces circonstances, les autorités compétentes, que sont le président du conseil départemental et/ou le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) ne sont pas en mesure de procéder aux vérifications nécessaires pour s'assurer, avant l'ouverture de la structure, que les conditions d'accueil des personnes âgées (via notamment une visite de conformité) sont garanties.

Aussi, elle lui demande de bien vouloir apporter un éclairage sur le régime juridique dont relèvent ces structures et sur leur obligation ou non d'obtenir une autorisation de création conformément aux dispositions des articles L. 313-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles. Elle lui demande aussi de bien vouloir préciser les éventuelles évolutions règlementaires envisagées pour clarifier leur statut.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer publiée le 10/02/2023

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2023

M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, auteure de la question n° 397, adressée à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Mme Sonia de La Provôté. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur l'incertitude qui entoure le régime juridique des colocations de seniors.

Le code de l'action sociale et des familles dispose que sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux les « établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ».

Ce même code prévoit que la création de ces établissements est soumise à une autorisation, délivrée soit par le président du conseil départemental, soit par le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), soit conjointement.

La colocation seniors se développe principalement comme solution de remplacement à l'entrée en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et permet de rompre l'isolement social. C'est une demande forte du public visé, ainsi que des familles.

En effet, la colocation apporte aux usagers un cadre de vie sécurisant avec des prestations telles que la présence permanente de personnel, des espaces de vie communs mutualisés : cuisine, salon, etc.

Cependant, les collocations de seniors proposent ou imposent des prestations hôtelières facturées forfaitairement aux résidents, sans aucun cadre prévu : restauration, ménage, gardiennage, gestion des ressources humaines et des auxiliaires de vie.

Ces structures ressemblent fort à des établissements médico-sociaux. Elles devraient donc être soumises à une autorisation ou, du moins, bénéficier d'un encadrement.

Face à ce flou juridique, certaines structures ont ouvert leurs portes sans avoir au préalable obtenu d'autorisation de création auprès des autorités compétentes.

Dans ces circonstances, ni le président du conseil départemental ni le directeur général de l'ARS ne peuvent procéder aux vérifications nécessaires et élémentaires pour s'assurer avant l'ouverture que les conditions d'accueil des personnes âgées, via notamment une visite de conformité, sont garanties.

De quel régime juridique relèvent ces structures et quelles sont leurs obligations pour obtenir une autorisation de création ? Des évolutions réglementaires sont-elles envisagées pour clarifier leur statut et permettre un meilleur contrôle ? Il s'agit d'éviter certains débordements.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, la définition générale de la colocation remonte à la loi du 6 juillet 1989, qui la décrit comme la « location d'un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale, et formalisée par la conclusion d'un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur ». Il s'agit là de dispositions de droit commun, qui ne relèvent pas du code de l'action sociale et des familles.

Les habitats que vous évoquez, s'adressant aux personnes âgées en perte d'autonomie et proposant différents services, s'apparentent en effet davantage à des résidences services seniors. Comme telles, elles ne font pas l'objet d'autorisation médico-sociale, car elles ne proposent, outre le logement, que des prestations hôtelières et d'aide administrative.

Vous faites le constat que les autorités compétentes sur le champ de l'autonomie que sont le président du conseil départemental et le directeur général de l'agence régionale de santé ne sont pas en mesure – c'est vrai – de procéder aux vérifications préalables nécessaires dans la mesure où ces colocations ne sont pas des établissements médico-sociaux. Cependant, bien que la réglementation ne permette pas de contrôler les logements en colocation, des inspections sont envisageables dans les cas suivants.

Tout d'abord, les services départementaux comme les ARS ont toute autorité pour assurer un contrôle auprès d'un service d'aide et d'accompagnement ou de soins infirmiers à domicile, qui, eux, font l'objet d'autorisation, intervenant auprès des colocataires.

Ensuite, le préfet peut, lui aussi, intervenir et mobiliser les agents de contrôle de l'ARS, ainsi que des autres services de l'État au motif de contrôler les services sociaux ou médico-sociaux intervenant auprès des colocataires, quelle que soit l'autorité de tutelle.

Enfin, les services des directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations peuvent intervenir dans le champ de la protection des consommateurs par rapport aux prestations facturées aux colocataires par les services sociaux ou médico-sociaux précités intervenant à leur domicile.

Vous le voyez, si le développement de solutions de remplacement à l'Ehpad ne fait pas l'objet d'autorisations préalables, mais il ne se fait pas non plus en dehors de tout contrôle. Le ministère des solidarités est pleinement mobilisé pour garantir la plus grande qualité d'accueil et d'accompagnement à toutes les personnes âgées de notre pays.

Certes, ce système d'hébergement se développe, et les contrôles doivent se multiplier. Mais ils se feront a posteriori, conformément à ce que prévoient la loi et le règlement.

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