Question de M. VOGEL Jean Pierre (Sarthe - Les Républicains) publiée le 09/02/2023

M. Jean Pierre Vogel attire l'attention de M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur le développement par l'incitation de l'habitat inclusif.
Depuis quelques années, le Gouvernement incite à développer l'habitat inclusif via l'aide à la vie partagée instaurée par la n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021. Les exemples cités font état du regroupement de six à dix logements.
L'association départementale des infirmes moteurs cérébraux (ADIMC) de la Sarthe a développé dès 1994 un habitat inclusif, adapté aux personnes en situation de handicap moteur, de seize logements qui présentent des caractéristiques « personne à mobilité réduite » (PMR) ++ : portes plus larges que la norme PMR, ouvertures automatiques, nombre de m2 des salles de bain plus importants, …
On ne trouve pas d'autres appartements de ce type, adaptés à la population en fauteuil roulant électrique, dans le parc immobilier public ou privé.
Le regroupement de personnes en situation de handicap est indispensable pour mutualiser les aides humaines et ainsi assurer une présence continue auprès de ces personnes.
Les seize appartements en question s'inscrivent dans un immeuble de vingt-cinq appartements au total. Les habitants sont pleinement inscrits dans la vie de quartier : boulangerie, boucherie traiteur, tabac, centre social,…
Suite à la reconnaissance par les autorités « d'habitat inclusif » ouvrant droit à une prestation financière, l'immeuble a reçu la visite du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) pour une commission de sécurité.
La visite a conclu à la requalification de l'immeuble en établissement recevant du public (ERP) de type J5. Le bailleur social ne voulant pas financer les travaux, la mairie a prononcé le 8 décembre 2022 un arrêté de fermeture administrative de l'immeuble.
Le SDIS se retranche derrière une réglementation de 1986 indiquant qu'un immeuble ne peut accueillir plus de six personnes en situation vulnérable au rez-de-chaussée. Or l'immeuble a été construit en 1994.
Que va-t-il advenir des personnes en situation de handicap vivant déjà dans des logements existants ne respectant pas la réglementation du SDIS et ne pouvant être relogés par ailleurs (typologie de logement + regroupement d'appartements) ?
D'autres situations que celle relevée en Sarthe pourraient être « découvertes ». En effet, il existe des immeubles où vivent plus de six personnes âgées ou handicapées mais non reconnues « habitat inclusif ».
En conséquence, il souhaiterait savoir comment l'habitat inclusif peut se développer alors qu'il est confronté à deux réglementations contradictoires : celle édictée par le ministère des personnes handicapées et celle édictée par le ministère de l'intérieur. Dans le détail, il y a d'une part l'attribution financière d'aide à la vie partagée pour environ 600 projets de 6 à 8 personnes ; d'autre part, la reconnaissance de l'habitat inclusif tel que défini dans le guide de l'habitat inclusif publié par le département de la Sarthe, qui indique un nombre de personnes entre 8 et 12 (guide élaboré en lien avec le guide sur l'habitat inclusif publié par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et avec les recommandations du ministère des personnes en situation de handicap) ; mais le SDIS n'accepte pas plus de 6 personnes en rez-de-chaussée.

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Transmise au Ministère de l'intérieur et des outre-mer


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 22/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 21/03/2023

M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, auteur de la question n° 413, transmise à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Jean Pierre Vogel. Promu par le Gouvernement, l'habitat inclusif, défini par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Élan, fait l'objet d'un financement particulier, celui de la prestation d'aide à la vie partagée.

Il est destiné aux personnes handicapées ou âgées choisissant un mode d'habitation individuelle qui garantisse inclusion sociale et vie autonome, tout en restant au domicile. La demande est – on peut le comprendre – croissante et le regroupement de plusieurs personnes handicapées est indispensable à la mutualisation des prestations financées par le conseil départemental.

L'association départementale des infirmes moteurs cérébraux (Adimc) de la Sarthe a développé depuis 1994 un habitat inclusif de seize logements adaptés aux personnes atteintes d'un handicap moteur, aux caractéristiques PMR++, pour lesquels chacune d'entre elles bénéficie d'un bail d'habitation à titre personnel, dans un immeuble comptant vingt-cinq appartements.

Or la commission de sécurité du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de la Sarthe a requalifié l'immeuble en établissement recevant du public (ERP), en se fondant sur un arrêté datant de 1980, aux termes duquel la présence de plus de six personnes en situation de handicap dans un même immeuble emporte de facto cette qualification.

Le bailleur social propriétaire n'ayant pas réalisé les travaux d'adaptation de l'immeuble dans les délais impartis, le maire du Mans en a prononcé la fermeture administrative, et tous les occupants se trouvent menacés d'une expulsion imminente, aucune solution de relogement adaptée n'étant trouvée pour les occupants handicapés.

Par conséquent, il existe une incompatibilité entre les réglementations ERP et habitat inclusif regroupant plus de six logements pour PMR (personnes à mobilité réduite), avec des conséquences lourdes : probable classification en ERP de tous les habitats inclusifs, nouvelles fermetures administratives, menaces d'expulsion, coup d'arrêt à l'habitat inclusif.

Madame la ministre, quelles dispositions urgentes entend prendre le Gouvernement aussi bien pour sauvegarder l'habitat inclusif existant que pour permettre son développement ?

Envisagez-vous de soutenir financièrement les bailleurs publics et privés, afin qu'ils prévoient la création de logements adaptés à l'habitat inclusif – six au maximum, sans doute, pour échapper à la qualification d'ERP – dans toute construction nouvelle, afin de permettre la mutualisation des prestations handicap et d'imposer, peut-être, un certain nombre de logements destinés à l'habitat inclusif au sein de chaque nouvelle construction ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Vogel, le cadre général de la sécurité incendie des locaux d'hébergement relève de la réglementation relative aux habitations portée par le ministère en charge de la construction.

Cependant, la réglementation relative aux ERP relevant du ministère de l'intérieur et des outre-mer peut s'y substituer pour garantir la sécurité des usagers dès lors qu'ils sont à l'extérieur de leur domicile – internat scolaire, hôtel, etc. – ou que l'aptitude de ceux-ci ne leur permettrait pas de se soustraire seuls aux effets d'un incendie.

L'habitat inclusif, qui est une solution de logement de substitution à l'habitat individuel isolé et à la vie collective en résidence pour les personnes âgées et les personnes handicapées, fait actuellement l'objet d'échanges interministériels visant à concilier la préservation du lien social avec l'impérieuse nécessité de protéger nos populations les plus fragiles, particulièrement exposées lors d'un incendie.

Dans le cas cité en exemple, le bâtiment concerné comporte quinze logements répartis dans des étages, accueillant des personnes infirmes moteurs cérébraux, reconnues comme des personnes souffrant d'un handicap sévère, les privant d'autonomie pour accomplir les actes de la vie quotidienne. En application de la réglementation, la sous-commission départementale de sécurité a proposé au maire, après une visite sur place en avril 2022, le classement en ERP.

Le propriétaire n'ayant pas mis son bâtiment en conformité avec la réglementation, le maire a pris un arrêté de fermeture le 8 décembre 2022, qui a fait l'objet d'un contentieux administratif. Le Conseil d'État a confirmé, par une ordonnance du 20 février 2023, le statut d'ERP de ce bâtiment, en s'appuyant notamment sur la situation de fragilité des résidents.

Par conséquent, les porteurs de projet doivent intégrer que l'autonomie du public accueilli est un des critères déterminants du statut juridique de l'établissement.

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