Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains-R) publiée le 09/02/2023

M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur l'opportunité de créer un statut spécifique aux travailleurs saisonniers.

Essentiels aux activités touristiques et participant au rayonnement et à l'excellence de la France en la matière, les travailleurs saisonniers ont pour spécificité d'être pluriactifs et d'exercer leurs métiers de manière intermittente.

Ainsi, sur une année, un saisonnier disposera typiquement de deux contrats, d'une durée moyenne de 4 mois. Durant cette période, il est courant que les saisonniers aient des horaires de travail très importants, et certains sont exposés à une forte pénibilité. Ces contrats saisonniers sont habituellement séparés par des périodes d'inactivité d'environ 2 mois en intersaison, à la fois par nécessité de se reposer, mais aussi faute de moyen de trouver un emploi durant ces périodes de baisse d'activité. Si leurs employeurs font des efforts pour favoriser les contrats à durée indéterminée (CDI) et les titulariser, l'essence même du tourisme fait qu'il est souvent impossible pour les entreprises touristiques de maintenir une activité à l'année.

Cette situation entraîne alors des effets de bord impactant fortement les saisonniers. C'est le cas en matière de recherche de logement, ou encore avec la réforme de l'assurance chômage, qui requiert désormais de cotiser durant 6 mois pour pouvoir toucher le chômage, contre 4 par le passé. De même, alors qu'auparavant, seules les périodes travaillées durant les 6 derniers mois étaient comptabilisées, les périodes d'inactivité sont maintenant prises en compte pour établir une moyenne sur 10 mois, et les droits sont ouverts sur 10 mois, contre 6 sous l'ancien régime. Si l'objectif du Gouvernement était de lutter contre les personnes profitant du système qui cherchaient à travailler le moins possible et à toucher régulièrement le chômage, ces nouvelles règles font que de nombreux saisonniers, qui sont simplement contraints par la saisonnalité de leurs activités, n'ont plus accès à l'assurance chômage, ou tout du moins reçoivent une allocation dont le montant est largement diminué comparé aux montants auxquels ils pouvaient prétendre auparavant.

La réforme des retraites récemment dévoilée pourrait elle aussi pénaliser les saisonniers. En effet, s'il est prévu d'instaurer une retraite minimale de 1 200 euros, mécanisme qui semble a priori avantageux pour les saisonniers qui parviennent rarement à atteindre un tel niveau de pension, cette mesure ne vaut que pour les carrières complètes. Or, les saisonniers n'ont pas de carrière complète du fait des périodes d'inactivité entre leurs contrats, et ces derniers devront donc travailler jusqu'à plus de 67 ans pour partir à taux plein, alors même qu'ils exercent la plupart du temps des métiers très physiques.

De surcroît, s'il pouvait être attendu un départ anticipé grâce à la pénibilité de certains métiers saisonniers, il semble que tel ne sera pas le cas, puisque les seuils définis par la loi ne seront de toute évidence pas atteints du fait de la permittence de leurs activités.

Aussi, il lui demande si des adaptations de la réforme de l'assurance chômage et de la réforme des retraites seraient envisageables pour mieux prendre en compte les spécificités de métiers saisonniers. En effet, faute d'adaptation, il craint une désertification de ces métiers, ce qui entraînerait une dégradation de la qualité du tourisme français, qui est pourtant l'un des plus performants au monde.

Plus largement, il s'interroge sur l'opportunité de créer un statut spécifique aux métiers saisonniers dans le but de limiter de tels effets de bord, qui pourrait s'inspirer de celui des intermittents du spectacle. Il souhaiterait donc connaître sa position à ce sujet.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des armées et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargé de la jeunesse et du service national universel publiée le 15/02/2023

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2023

Mme le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 428, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des armées et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.

M. Cyril Pellevat. Ma question s'adressait au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, que j'assure de mon plein et entier soutien, lui qui est confronté à des agissements qui n'honorent pas les politiques.

Ma question a pour objet l'opportunité d'instaurer un statut spécifique pour les travailleurs saisonniers, qui sont essentiels aux activités touristiques et participent à l'excellence de la France dans ce domaine. Ils ont pour spécificité d'être pluriactifs et d'exercer plusieurs métiers de manière intermittente.

Ainsi, au cours d'une année, un saisonnier typique disposera de deux contrats d'une durée moyenne de quatre mois, dont les amplitudes horaires sont importantes, et qui souvent l'exposeront à des facteurs de pénibilité.

Ces contrats sont habituellement séparés par des périodes d'inactivité d'environ deux mois pendant l'intersaison, parce qu'il est nécessaire de se reposer, mais également faute de trouver un emploi durant ces périodes de baisse d'activité. Si leurs employeurs font des efforts pour favoriser les CDI, l'essence même du tourisme fait que la signature de tels contrats reste rare.

Cette situation entraîne alors des effets de bord, qui ont des répercussions sur les saisonniers, notamment en matière de recherche de logement ou de droits au chômage. En effet, la réforme de l'assurance chômage requiert désormais de cotiser durant six mois, contre quatre par le passé. Alors qu'auparavant seules les périodes travaillées durant les six derniers mois étaient comptabilisées, les périodes d'inactivité sont maintenant prises en compte pour établir une moyenne sur dix mois. Les droits sont en outre ouverts sur dix mois, contre six avant la réforme.

Si l'objectif était de lutter contre les personnes profitant du système, qui cherchaient à travailler le moins possible, ces nouvelles règles font que nombre de saisonniers, qui sont simplement contraints par la saisonnalité de leurs activités, n'ont plus accès à l'assurance chômage ou, tout du moins, reçoivent une allocation dont le montant est réduit.

La réforme des retraites, elle aussi, pourrait les pénaliser. En effet, s'il est prévu d'instaurer une retraite minimale de 1 200 euros, cette mesure ne vaut que pour les carrières complètes. Or les saisonniers n'en ont que rarement, du fait des périodes d'inactivité entre leurs contrats. Ils devront donc travailler jusqu'à plus de 67 ans, alors même qu'ils exercent la plupart du temps des métiers physiques.

De surcroît, s'il pouvait être attendu un départ anticipé en raison de la pénibilité de certains métiers saisonniers, il semble que tel ne sera pas le cas, puisque les seuils définis par le texte ne seront probablement pas atteints du fait de la permittence de leurs activités.

Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement envisage-t-il d'adapter ces deux réformes pour mieux prendre en compte les spécificités des contrats saisonniers ?

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Cyril Pellevat. Faute d'adaptation, une désertification de ces métiers est à craindre, ce qui entraînerait une dégradation de la qualité du tourisme français. Il est pourtant l'un des plus performants au monde !

Plus largement, je m'interroge sur l'opportunité de créer un statut spécifique aux métiers saisonniers qui pourrait s'inspirer de celui des intermittents du spectacle. Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre des armées et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur, il y a un point commun entre les départements de Haute-Savoie et de Loire-Atlantique, c'est l'attractivité touristique, en raison de la montagne pour le premier, du littoral pour le second. La question des emplois saisonniers se pose dans ces territoires, mais également pour nos agriculteurs, et ce pour plusieurs raisons.

Monsieur le sénateur, pour être très explicite et vous apporter la réponse du ministre du travail, la réforme de l'assurance chômage n'a eu qu'un effet marginal sur les emplois saisonniers. La réforme du calcul de l'allocation n'a commencé à s'appliquer qu'à partir du 1er octobre 2021. Le passage de quatre à six mois, que vous avez évoqué, ne peut pas avoir touché les saisonniers de carrière qui, généralement, travaillent plus de six mois pendant l'année.

Cependant, le dispositif du bonus-malus a eu de premiers effets positifs sur les secteurs qui y sont assujettis depuis le 1er septembre 2022. La durée des contrats d'intérim a notamment augmenté considérablement.

Le Gouvernement s'inscrit tout à fait dans la démarche de soutien de la filière saisonnière que vous appelez de vos vœux, monsieur le sénateur. Plusieurs mesures de soutien au secteur du tourisme ont déjà été mises en place. Je pense en particulier aux échanges au sein du plan Destination France, que vous connaissez, et aux nouveaux guichets d'accueil et d'orientation des saisonniers qui ont été installés dans les zones les plus touristiques. Ce plan doit se poursuivre pour couvrir l'ensemble des bassins touristiques.

Depuis le mois d'octobre 2022, Pôle emploi a également mis en place dans ses agences un certain nombre de viviers de demandeurs d'emploi motivés, qui sont dotés des compétences transversales, pour accompagner les métiers du secteur HCR (hôtels, cafés, restaurants). Par ailleurs, le service public de l'emploi et les opérateurs de compétences (Opco) ont commencé à nouer un certain nombre de partenariats.

Je ne sais pas si l'époque est aux régimes spécifiques. Ce dont je suis sûr, en revanche, c'est qu'actuellement les métiers saisonniers, qu'ils soient agricoles ou touristiques, subissent des contraintes supplémentaires, ce qui appelle un accompagnement particulier en matière de logement – à cause du montant du loyer, puisque parfois, un mois de salaire y passe, ou encore de la pénurie.

Pour ces raisons, nous devons traiter cette question de façon systémique. Je suis sûre que le ministre du travail sera à vos côtés pour travailler plus en profondeur sur ce sujet.

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