Question de Mme GACQUERRE Amel (Pas-de-Calais - UC) publiée le 16/02/2023

Mme Amel Gacquerre attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement sur les effets de l'interdiction de location des logements classés F et G.

Réussir la transition écologique passe forcément par un plan en faveur de la lutte contre les « passoires énergétiques ». Les dispositions de l'article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, vont dans ce sens en interdisant à la location les logements classés G et F d'ici 2025 puis 2028. Concrètement, dès 2025, ce sont 600 000 logements classés G qui vont être retirés du marché locatif.
Favorable à l'instauration d'une obligation de rénover et d'isoler, le dispositif doit néanmoins être juste et non punitif.

Or l'ampleur et le coût des travaux, dans un contexte où les matériaux et la main d'œuvre viennent à manquer, dissuadent bon nombre de propriétaires d'engager des chantiers ; des propriétaires déjà contraints à l'encadrement et au plafonnement des loyers, la hausse de la taxe foncière et aujourd'hui la rénovation énergétique… Il est bon de rappeler que nombre de ces propriétaires ont souvent contracté un emprunt et comptent sur les loyers pour leur retraite. Aussi, la question de la capacité financière à réaliser des travaux, compte tenu des aides publiques, se pose.
La puissance publique doit accompagner techniquement et financièrement ; or les moyens alloués aujourd'hui demeurent insuffisants et de nombreux propriétaires demeurent inéligibles aux dispositifs actuels.

Autres effets de cette disposition : une explosion des ventes des logements F ou G, souvent décotés, et par conséquent un net recul des locations « passoires énergétiques » : près de 2 millions de logements retirés du marché locatif dans les deux années à venir selon l'union nationale des propriétaires immobiliers. Ainsi, la question du calendrier se pose également. En effet, alors que le secteur connait de nombreuses tensions, avec une offre locative insuffisante et une demande en croissance structurelle, l'interdiction de mise en location, dans un délai court, des passoires énergétiques risque d'aggraver les tensions sur le marché du locatif et plus largement la crise du logement qui se profile.

Afin de garantir le droit au logement et éviter la crise qui se dessine, elle demande au Gouvernement s'il compte revoir l'échéancier de la loi pour repousser l'interdiction de location des logements F et G à une date ultérieure ou envisager des dérogations en fonction des situations (un plan pluriannuel de travaux pour des logements en copropriété, un bâtiment très ancien à l'architecture remarquable…)
Elle demande également au Gouvernement si des aides supplémentaires seront accordées aux propriétaires afin de les aider à la rénovation énergétique de leurs logements.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 03/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 02/03/2023

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, auteure de la question n° 434, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.

Mme Amel Gacquerre. Ma question porte sur l'interdiction de mise en location des passoires énergétiques dans les années à venir et ses conséquences sur le secteur du logement.

Réussir la transition écologique passe forcément par un plan en faveur de la lutte contre les passoires énergétiques. Les dispositions de la loi, dite Climat et résilience, du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, vont dans ce sens en interdisant à la location les logements classés G et F d'ici à 2025, puis à 2028.

Concrètement, dès 2025, ce sont 600 000 logements classés G qui risquent d'être retirés du marché locatif.

Je suis favorable à l'instauration d'une obligation de rénovation et d'isolation, mais à certaines conditions : le dispositif doit être juste et non punitif.

Première difficulté pour les propriétaires de biens classés F et G, l'ampleur et le coût des travaux, dans un contexte où les matériaux et la main-d'œuvre viennent à manquer, les dissuadent d'engager ces chantiers. Ces mêmes propriétaires sont déjà confrontés à l'encadrement et au plafonnement des loyers depuis l'été dernier, à la hausse de la taxe foncière, auxquels vient donc s'ajouter, aujourd'hui, l'obligation de rénovation énergétique.

Aussi, la question de la capacité financière à réaliser des travaux se pose.

Alors que la puissance publique doit assurer un accompagnement technique et financier, les moyens alloués aujourd'hui sont insuffisants et de nombreux propriétaires sont inéligibles aux dispositifs actuellement en vigueur.

Autre effet de cette disposition à laquelle nous sommes d'ores et déjà confrontés, une explosion des ventes des logements F ou G, entraînant un net recul du nombre de logements en location. Près de 2 millions de logements risquent d'être retirés du marché locatif dans les deux années à venir, selon l'Union nationale des propriétaires immobiliers.

Aussi, la question du calendrier se pose également.

Le secteur du logement en France connaît déjà de nombreuses tensions, avec une offre locative insuffisante et une demande en croissance. L'interdiction de mise en location des passoires énergétiques dans un délai court risque d'aggraver les tensions sur ce marché du logement locatif.

Afin de garantir le droit au logement et d'éviter la crise du logement qui se dessine, je souhaite interpeller le Gouvernement pour qu'il révise l'échéancier de la loi, reporte l'interdiction de location des logements F et G, et, éventuellement, envisage des dérogations en fonction de cas particuliers.

Par ailleurs, madame la ministre, le Gouvernement prévoit-il des dispositions financières supplémentaires pour accompagner les propriétaires bailleurs dans la rénovation énergétique de leurs logements ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Comme vous le rappelez, madame la sénatrice Gacquerre, le Gouvernement a engagé une politique de long terme visant à la résorption des passoires énergétiques et à l'élévation progressive du niveau de performance énergétique minimale à atteindre dans le parc locatif, social comme privé.

Avec un seuil de 450 kilowattheures par mètre carré et par an dès le début de l'année 2023, la classe F en 2025, la classe E en 2028 et la classe D en 2034, la trajectoire fixée dans le cadre de la loi Climat et résilience de 2021 constitue un élément indispensable de notre stratégie d'économies d'énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment. L'objectif fixé est une baisse des émissions de plus de 60 % à l'échéance de 2030, qui découle de nos engagements européens.

Une responsabilité réelle pèse donc sur les propriétaires de logements locatifs peu performants, lesquels représentent environ 20 % du parc locatif privé. Pour rappel, ce sont les locataires de ces passoires énergétiques qui sont aujourd'hui pénalisés : grâce aux travaux réalisés, ils bénéficieront de plus de confort, mais surtout d'une baisse de leurs charges d'énergie. C'est là un point très important dans le contexte de prix élevés que nous connaissons actuellement.

Les propriétaires bailleurs peuvent s'appuyer sur les dispositifs d'aide financière existants, qu'il s'agisse de MaPrimeRénov' ou des certificats d'économies d'énergie (CEE). Pour mémoire, l'ensemble des aides publiques et des CEE mobilisés pour la rénovation énergétique représentent près de 7 milliards d'euros en 2022.

Un dispositif fiscal temporaire a également été introduit par la loi de finances rectificative pour 2022. Il prévoit le doublement du plafond du déficit foncier en cas de travaux de rénovation énergétique, pour accompagner les propriétaires bailleurs dans la rénovation de logements classés F ou G. Le décret d'application doit être publié très prochainement.

En outre, des évolutions substantielles visant à améliorer l'accompagnement et le soutien aux propriétaires et propriétaires bailleurs ont été introduites grâce à la création du service public France Rénov'.

D'après nous, les propriétaires bailleurs ne manquent donc pas d'outils pour respecter les échéances fixées.

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