Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SER) publiée le 23/02/2023

M. Patrice Joly attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention au sujet de la décision de fermeture de la maternité d'Autun.

Parmi les trois départements dans lesquels l'accessibilité se dégrade fortement, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, en 2021, retient la Nièvre. En effet, en 2017, 16 % des femmes nivernaises habitaient à plus de 45 minutes d'une maternité, alors qu'elles n'étaient que 3 % en 2000.

Or, un temps de trajet supérieur à 45 minutes double le taux brut de mortalité du nourrisson et celui de la mortalité périnatale. Il faut souligner que cette fermeture fragilise davantage l'accès aux soins obstétriques dans la Nièvre, déjà carencée, en éloignant les deux tiers du territoire à plus de 45 minutes d'une maternité.

La fermeture de la maternité met en péril les parturientes, notamment du Morvan, en leur imposant un temps de trajet incompréhensible, sans prendre en compte les contraintes géographiques et climatiques.
Dans ces conditions, ne peut-on pas s'interroger sur les risques générés par une fermeture plutôt que par le maintien d'une maternité au fonctionnement adapté ?

De plus, en 2014, la Cour des comptes soulignait déjà « Le maintien de cette maternité a toujours été jugé indispensable compte tenu de sa situation géographique dans le Morvan. »

Il y a également un rapport récent de l'inspection générale des affaires sanitaires et sociales qui concluait à la nécessité du maintien de la maternité d'Autun pour préserver un maillage satisfaisant.

Cette fermeture n'apparait donc pas envisageable du point de vue sanitaire et du principe constitutionnel de traitement égalitaire de nos concitoyens, quel que soit l'endroit du territoire français sur lequel ils résident.

Aussi, il lui demande quelles mesures il envisage pour maintenir l'ouverture de la maternité d'Autun, seule possibilité pour garantir aux futures mamans une prise en charge décente par rapport à leur domicile.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargé de l'organisation territoriale et des professions de santé publiée le 03/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 02/03/2023

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 459, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Patrice Joly. Madame la ministre, je me permets de vous alerter sur les conséquences dramatiques de la suspension, décidée en décembre dernier, de l'activité de la maternité d'Autun.

L'application stricte des décrets de 1998, qui conduit à la fermeture des maternités enregistrant moins de 300 accouchements par an, a multiplié par deux le nombre de futures mères résidant à plus de quarante-cinq minutes d'une maternité. Or un trajet d'une telle durée double les taux bruts de mortalité périnatale et de mortalité du nourrisson.

Cette suspension, qui cache une volonté de fermeture, concerne non seulement la population de Saône-et-Loire, mais également celle de la Côte-d'Or et une bonne partie de la population nivernaise, dont les deux tiers se trouvent désormais à plus de quarante-cinq minutes d'une maternité. Pour certaines futures mères, la durée du trajet dépasse aujourd'hui une heure et quinze minutes.

Dans ces conditions, nous – les habitants et les élus de ces territoires –, nous nous élevons contre une telle décision, qui accentue encore plus la désertification médicale déjà existante, alors même que la Cour des comptes avait précisé en 2014 que le seuil de 300 accouchements n'avait fait l'objet, lors de sa fixation, d'aucune étude spécifique.

De plus, la solution proposée par l'ARS de création d'un centre périnatal de proximité (CPP) à Autun et à Château-Chinon soulève de sérieux doutes sur trois points : sur sa pérennité, au regard de l'expérience malheureuse de Cosne-sur-Loire – le CCP qui a succédé à la maternité fermée en 2018 est lui-même fermé depuis deux ans ; sur le caractère dégradé de la réponse, puisqu'un centre se limite à assurer le suivi gynécologique et obstétrique ; sur l'insécurité liée au délai d'accès à la maternité, délai qui constitue un enjeu majeur.

L'unique moyen de garantir aux futures mères une prise en charge décente de leurs accouchements passe par le maintien de la maternité d'Autun.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser le ministre François Braun, qui ne peut être présent et qui m'a priée de vous fournir les éléments suivants.

La situation de la maternité d'Autun fait l'objet d'un suivi rapproché, tant au niveau du ministère de la santé que localement.

Au cours des mois qui ont précédé la fermeture – temporaire, je le rappelle – de cette maternité, l'engagement de l'ARS Bourgogne-Franche-Comté, ainsi que celui des autres acteurs du territoire, a été constant pour tenter d'identifier des leviers de réponse aux problèmes de personnels, tout en assurant la sécurité des femmes enceintes et des nouveau-nés.

La persistance de graves défauts de continuité médicale au sein de l'établissement, conjuguée aux problèmes de sécurité que ceux-ci étaient susceptibles d'engendrer, a toutefois conduit l'ARS, à la mi-décembre dernier, à une première décision de fermeture temporaire de la structure, décision qui a été reconduite à la mi-janvier. Encore une fois, cette mesure a été prise dans le seul but de garantir la sécurité des parturientes et des nouveau-nés.

Dans ce contexte de démographie des professionnels de santé en grave tension, l'ARS concentre tous ses efforts afin de ne laisser aucun territoire du Morvan sans solution.

Il s'agit désormais, dans le cadre d'une réflexion intégrant toutes les parties prenantes concernées – ARS, soignants et élus –, de construire des réponses adaptées aux besoins de santé de la population, prenant en compte la situation particulière du territoire, particulièrement enclavé.

Afin de laisser tout le temps nécessaire à ce travail local avant qu'il ne soit définitivement statué sur l'avenir de la maternité, le ministre François Braun a annoncé à la mi-février le report de la suspension définitive de la maternité d'Autun et la réouverture d'une concertation locale sur l'avenir de l'établissement.

La réflexion porte actuellement sur la formalisation d'un accord partenarial pour la création d'une maternité territoriale « Nièvre et Saône-et-Loire », visant à offrir une réponse sécurisée et coordonnée pour les parturientes et leurs nouveau-nés.

Il est essentiel, nous y serons extrêmement attentifs, que les femmes résidant sur ce territoire bénéficient d'une solution satisfaisante pour leur grossesse. À cette fin, plusieurs solutions, telles que la création d'un service mobile d'urgence et de réanimation (Smur) obstétrical, sont actuellement étudiées.

En appui à ces réflexions locales, tout est mis en œuvre à l'échelle nationale pour qu'une fermeture de maternité ne se traduise pas par d'importantes pertes d'emploi ou par de moins bonnes conditions de suivi pour les femmes et leurs nouveau-nés, avec des solutions construites autour de centres périnataux de proximité, rénovés et attractifs, et des solutions d'hébergement des femmes à proximité des maternités référentes.

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.

M. Patrice Joly. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, elle ne peut satisfaire ni les élus ni la population, qui considèrent que l'on doit pouvoir naître en Morvan, et elle répond encore moins aux exigences formulées par le corps médical, expert en maternité.

Aussi, en vue d'assurer la sécurité sanitaire des territoires ruraux, et du Morvan en particulier, je m'apprête à déposer une proposition de loi tendant à garantir un droit à naître dans tous les territoires.

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