Question de Mme PRÉVILLE Angèle (Lot - SER) publiée le 23/03/2023

Question posée en séance publique le 22/03/2023

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Angèle Préville. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'aube du lancement d'un grand programme nucléaire dans notre pays, le Gouvernement a proposé, par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, la fusion de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ou plutôt l'absorption de l'IRSN par l'ASN.

Ce projet de loi, qui prévoit tout un panel de mécanismes dits d'accélération, avait déjà été examiné au Sénat, mais sans cet amendement.

Quelle drôle d'idée, quand on a un parc vieillissant qui nécessite toute notre attention et quand on lance un programme très ambitieux de huit ou quatorze nouveaux réacteurs, voire plus encore !

Fort heureusement, les députés, plus raisonnables, ont rejeté cette fusion.

Dois-je rappeler que nous ne sommes à l'abri de rien ? Dans le pays le plus nucléarisé au monde, nous pouvons remercier tous les jours notre sûreté pour n'avoir connu, jusqu'ici, aucun accident nucléaire.

L'IRSN est indépendant. Il exerce des fonctions d'expertise et de recherche, qu'il fournit à l'ASN. C'est l'ASN, en tant qu'autorité, qui prend les décisions. C'est basique, c'est efficace et c'est une nécessité absolue.

Pourquoi casser ce qui fonctionne ? Pourquoi créer de la confusion, voire du désordre ? Les salariés de l'IRSN sont d'ailleurs sous le choc, KO debout. Sur quelle étude d'impact repose ce choix ?

L'arrêt de quatre réacteurs à l'automne, à la suite de la détection de problèmes de corrosion sous contrainte, qui ont conduit à agiter le spectre du blackout, a-t-il agacé ? A-t-il provoqué l'ire de certains, pour qui « la sûreté, ça suffit comme ça ! » ?

Nous sommes au printemps et il n'y a pas eu de blackout, mais de nouvelles corrosions ont depuis été découvertes. La réalité est que nous avons plus que jamais besoin d'organismes robustes, qui ont largement fait leurs preuves et qui sont même reconnus internationalement.

En matière de nucléaire, notre boussole doit être cette aiguë conscience des périls dont parle Edgar Morin.

Votre volonté d'effacement de l'IRSN a été sèchement rejetée par l'Assemblée nationale. Non seulement elle est malvenue, mais elle est dangereuse.

On se doute – ce n'est pas dans l'ADN de ce gouvernement – que vous n'allez pas lâcher prise, madame la ministre. Or, sur ce sujet comme sur les autres, gouverner, est-ce s'entêter ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

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Réponse du Ministère de la transition énergétique publiée le 23/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 22/03/2023

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Madame la sénatrice Préville, en matière énergétique, le Président de la République a un objectif ambitieux : faire de la France le premier grand pays à sortir des énergies fossiles et à reprendre en main son destin énergétique.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement travaille à un programme nucléaire de six nouveaux EPR 2 et à la mise à l'étude de huit réacteurs supplémentaires.

C'est un projet pour notre indépendance énergétique ; c'est un projet pour la planète ; c'est un projet qui doit aussi nous permettre de reprendre le fil de la plus grande aventure industrielle française depuis les années 1970.

Le conseil de politique nucléaire du 3 février dernier, qui s'est tenu sous l'égide du Président de la République et de la Première ministre, a mis à jour la feuille de route pour mobiliser tous les maillons de notre filière nucléaire.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement a décidé le renforcement – le renforcement ! – de notre sûreté nucléaire en avançant sur le rapprochement de l'ASN et de l'IRSN.

De quoi s'agit-il ? Très simplement, il est proposé d'élargir les missions de l'Autorité de sûreté nucléaire, en s'inspirant des modèles éprouvés des autorités de sûreté du Canada ou encore des États-Unis, en rapprochant la décision et le contrôle des missions d'expertise et de recherche. (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Émilienne Poumirol s'exclament.)

Il s'agit donc, au fond, de réunir sous la même bannière et sous le statut le plus indépendant qui soit, celui d'autorité administrative indépendante – c'est le statut de l'ASN –, des services qui concourent à la même mission de service public.

Au terme de cette réforme, l'Autorité de sûreté nucléaire – ou cette composition ASN-IRSN – deviendrait la deuxième autorité de sûreté du monde, au regard de ses moyens humains et financiers. Sa crédibilité scientifique serait en outre renforcée.

Nous sommes donc bien loin des fantasmes et des modèles que vous évoquez. (Mme Laurence Rossignol et M. Pierre Laurent protestent.)

Le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, adopté hier à une large majorité par l'Assemblée nationale, prévoit entre autres la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport explicitant les modalités de mise en œuvre de cette réforme et l'avis de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Mon collègue Franck Riester et moi-même ne manquerons pas de vous solliciter, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les modalités selon lesquelles le Sénat souhaite être associé à cette réforme.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous avancerons dans la concertation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Franck Montaugé proteste.)

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