Question de Mme CANAYER Agnès (Seine-Maritime - Les Républicains-A) publiée le 16/03/2023

Mme Agnès Canayer attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires concernant la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » dans la vallée de la Seine.
Alors que les effets du changement climatique sont plus que jamais visibles, des mesures concrètes sont nécessaires pour limiter l'impact de nos sociétés sur l'environnement. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a prévu deux objectifs ambitieux de limitation de l'artificialisation des sols : d'une part, une baisse de moitié du rythme d'artificialisation des sols au cours de cette décennie et, d'autre part, l'atteinte en 2050, d'un rythme de zéro artificialisation nette (ZAN).
La mise en oeuvre de cette loi est problématique en plusieurs points comme l'implication insuffisante des territoires, un calendrier contraint, des moyens manquants pour les collectivités.
De plus, un principe d'équilibre doit être recherché entre préservation de l'environnement et développement économique afin de permettre la transition écologique de la France, sans briser ses territoires.
L'axe Seine est une artère vitale pour la France. Le développement d'infrastructures essentielles pour notre économie et notre souveraineté y exige de nombreux terrains. Ainsi, le premier port français, Haropa port a des besoins fonciers importants qu'il est impératif de satisfaire.
Aussi, Haropa port est directement concerné par les contraintes du ZAN. Ces limites sont susceptibles de pénaliser les infrastructures françaises qui devront revoir à la baisse leurs ambitions au profit de ports étrangers, notamment de nos partenaires européens.
C'est pourquoi la création d'un compte foncier séparé pour les grands projets nationaux ou européens est requise afin de ne pas entraver le développement industriel et logistique de la France, pilier crucial de la transition écologique.
Dès lors, elle souhaiterait connaître la position du Gouvernement quant à la sanctuarisation de la circonscription portuaire du Havre par rapport aux objectifs du zéro artificialisation nette (ZAN).

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 22/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 21/03/2023

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 505, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Agnès Canayer. L'axe Seine est l'artère fluviale et naturelle de notre pays. De plus, son lien étroit avec Haropa, premier port commercial de France, en fait la route stratégique de notre politique exportatrice.

Relais entre la capitale et la façade maritime françaises, l'axe Seine est aussi un outil majeur de notre réindustrialisation. En témoigne son inscription, en 2019, au programme Territoires d'industrie, qui concerne aujourd'hui plus de 20 % de l'emploi industriel en France. Mais, dans ses boucles comme dans son estuaire, la Seine est concernée par le principe du ZAN.

L'application stricte du ZAN en Seine-Maritime illustre bien les contraintes majeures que l'on risque d'imposer à nos territoires face à leurs grands besoins fonciers, notamment dans les circonscriptions portuaires.

Moteurs de la décarbonation, l'usine H2V à Saint-Jean-de-Folleville, l'association Incase à Caux-Seine ou encore le projet Synerzip au Havre bloqueront demain toutes les initiatives de l'axe Seine dès lors qu'ils seront inclus dans le compte foncier des territoires où ils sont implantés.

Sans compte foncier séparé pour l'axe Seine, la ligne nouvelle Paris-Normandie ou Haropa Port, l'ensemble des politiques de développement local, seront mises à l'arrêt. Je pense, par exemple, à Port-Jérôme 3 à Port-Jérôme-sur-Seine.

On se heurte également aux problèmes de la compensation environnementale et aux difficultés provoquées par l'absence de volet fiscal incitant à la réutilisation des friches.

Le Gouvernement compte-t-il clairement inscrire sur les comptes fonciers nationaux prévus par la loi les opérations d'aménagement dans les circonscriptions portuaires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Canayer, rien moins que 20 000 hectares d'espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés chaque année en moyenne en France.

Les conséquences de ce phénomène sont non seulement écologiques, mais aussi socioéconomiques. En effet, la France s'est fixé l'objectif d'atteindre le ZAN des sols en 2050. Elle a également retenu l'objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d'Enaf dans les dix prochaines années.

La loi Climat et résilience permet déjà aux régions d'assurer en leur sein la mutualisation des projets d'envergure, comme ceux de Haropa port.

En outre, Mme la Première Ministre s'est déclarée favorable à une évolution législative, de sorte que les projets d'envergure nationale ne soient pas décomptés à l'échelle de chaque région, mais bien mutualisés à l'échelle nationale. De cette manière, les territoires concernés ne seront pas pénalisés par leur implantation.

Lors de l'examen de la proposition de loi sénatoriale relative au ZAN, le Gouvernement a présenté un amendement visant à inclure explicitement les grands ports dans les projets d'envergure nationale : cette rédaction mentionne ainsi les actions ou opérations d'aménagement réalisées sur leur circonscription par un grand port maritime ou fluviomaritime de l'État, ou pour leur compte.

L'objectif de sobriété foncière est ambitieux, mais nécessaire. Pour accompagner les territoires dans cette démarche, plusieurs aides sont déjà déployées, que ce soit au travers du renforcement de l'ingénierie territoriale ou de l'encouragement à la contractualisation, ou encore par la mobilisation de leviers fiscaux et budgétaires, en particulier le fonds vert, qui a été doté de 2 milliards d'euros en 2023.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, qu'il n'y ait aucun malentendu entre nous : nous ne remettons évidemment pas en cause l'enjeu de sobriété foncière. Mais il ne faut pas décourager les territoires en inscrivant dans leur compte foncier des projets d'envergure nationale, comme ceux de nos ports. (Mme la ministre acquiesce.) Je vous remercie de votre réponse, qui va dans ce sens.

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