Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 02/03/2023

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les agissements de certaines banques qui ont des pratiques intrusives dans la vie privée de leurs clients. Pour cela, elles se réfèrent au code monétaire et financier et notamment à son article L.561-4-1. Ce code prévoit que les banques sont tenues d'informer la justice lorsqu'elles ont des soupçons de malversation concernant leurs clients. Par contre, il ne prévoit absolument pas que les banques ont des pouvoirs de puissance publique leur permettant de faire elles-mêmes des enquêtes, ni d'obliger de manière coercitive ou par chantage, leurs clients à fournir des précisions relatives au détail de leur vie privée. Il lui demande donc si, en dehors de situations justifiées, comme par exemple la souscription d'un emprunt, les banques ont le droit de faire croire abusivement à leurs clients que ceux-ci sont tenus de justifier auprès d'elles de détails intrusifs relatifs à leur vie privée. Il lui demande aussi si leurs clients ont l'obligation de répondre à leurs questions. À défaut, il lui demande quelle serait l'hypothétique disposition juridique qui autoriserait les banques à se prévaloir de prérogatives qui relèvent normalement des pouvoirs publics.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 11/05/2023

Les banques sont des établissements financiers assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), au titre de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier. Elles sont ainsi tenues de mettre en oeuvre des mesures dites de vigilance qui consistent à identifier leurs clients, vérifier leur identité, recueillir des informations sur l'objet et la nature de leur relation d'affaires avec eux et mettre à jour ces informations tout au long de cette relation (articles L. 561-5 et L. 561-5-1 du code monétaire et financier). L'article R. 561-12 du code monétaire et financier prévoit, en outre, que : « La nature et l'étendue des informations collectées [pour connaître l'objet et la nature de la relation d'affaires] ainsi que la fréquence de la mise à jour de ces informations et l'étendue des analyses menées sont adaptés au risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme présenté par la relation d'affaires. » L'arrêté du ministre de l'économie et des finances en date du 2 septembre 2009 et pris en application de l'article R. 561-12 du code monétaire et financier énumère de manière exhaustive les informations susceptibles d'être recueillies pendant toute la durée de la relation d'affaires aux fins d'évaluation des risques LCB-FT. Il s'agit surtout d'informations permettant d'évaluer la situation économique, financière et professionnelle du client ainsi que l'origine et la destination des fonds. Cette approche dite par les risques est prescrite par les recommandations du Groupe d'Action Financière (GAFI), l'organisme international compétent pour établir les standards LCB-FT que chaque Etat membre s'est engagé à respecter et retranscrire dans son droit interne. La recommandation 10 (qui porte sur les mesures de vigilance clientèle) indique ainsi que : « […] les institutions financières […] devraient déterminer la portée et l'étendue de ces mesures en fonction d'une approche par les risques […]. » En principe, conformément à ce que prévoit le I de l'article 116 de la loi Informatique et Libertés (Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés), les banques sont tenues de faire part à leurs clients des raisons qui les poussent à leur demander ces informations et de l'utilisation qui en sera faite. Elles doivent également informer les clients des conséquences qu'entraîne un refus de leur part de fournir les informations demandées (par exemple, l'impossibilité d'accéder à une partie des services bancaires). Par ailleurs, chaque banque détermine librement les modalités et dispositifs internes par lesquels elle se conforme à ses obligations LCB-FT. Néanmoins, il fait partie des missions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) non seulement de contrôler et d'apprécier si ces obligations sont efficacement mises en oeuvre, mais aussi de veiller à ce que les intérêts de la clientèle soient effectivement protégés et, notamment, à ce que les banques respectent les dispositions du code de la consommation portant sur l'information des clients et les pratiques commerciales, les clauses abusives des contrats et la conclusion des contrats à distance en matière de services financiers (art. L. 612-1 du code monétaire et financier). Enfin, les banques sont tenues de déclarer à TRACFIN, la cellule de renseignement financier rattachée au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme » (article. L. 561-15 du code monétaire et financier). En tant que détectrices de premier niveau des opérations de blanchiment et de financement du terrorisme (au même titre que les autres entités assujetties à la LCB-FT), les banques procèdent donc aux signalements nécessaires à l'autorité compétente, à savoir Tracfin. C'est ensuite à Tracfin, puis, le cas échéant, aux autorités répressives (police, justice), de mener les enquêtes sur les soupçons de blanchiment et de financement du terrorisme, et non aux banques elles-mêmes.

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