Question de Mme BOYER Valérie (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 06/04/2023

Mme Valérie Boyer attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur le pilotage des invitations au dépistage du cancer du sein, du cancer colorectal et du cancer du col de l'utérus.

Depuis plusieurs mois, la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a annoncé son désir de reprendre le pilotage des invitations de la population, sous prétexte qu'elle permettrait de meilleurs résultats de participation et qu'elle ferait des économies.

Dans un communiqué, leur association nationale des centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (ANCRCDC) s'inquiète d'une « forme de nationalisation du dépistage », sans garantie d'une amélioration des taux de participation.

Pourtant, depuis leur création en 2019, les centres assurent cette mission d'envoi d'invitation en lien avec les agences régionales de santé (ARS) et les directions de la coordination de la gestion du risque (DCGDR) et jouent un « rôle pivot » de coordination, selon un récent rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas). Ils réclament depuis 3 ans des moyens (ressources humaines et technologiques, mais aussi gouvernance nationale) pour aller au-delà de la mission première d'invitation et de suivi de la population.

Cependant, actuellement, l'assurance maladie a bien précisé qu'il n'y aurait plus d'échanges de fichiers de populations avec les CRCDC (populations invitées ou dépistées). Ceci rend impossible la mission médicalisée de suivi exhaustif par les CRCDC.

Cette déconnexion entre le suivi médical confié aux CRCDC et la gestion des invitations pourrait comporter un risque majeur de dégradation du service médical rendu (plus d'évaluation).
Le problème est que le cancer n'est pas un programme de vaccination (grippe ou covid) et que la transformation d'un programme de santé publique de dépistage en programme de promotion, sans suivi médical des résultats et sans évaluation épidémiologique entraine une perte de qualité très lourde pour la population, et se profile sans prise de conscience des décideurs.

Ces centres craignent également une « perte de visibilité locale nuisible à la promotion des dépistages organisés » et dénoncent une « contradiction avec la volonté de régionalisation » initiale. Ils se disent également « prêts » à « orienter une partie de leurs activités autour de la prévention », à « lutter contre les inégalités territoriales et sociales de santé » ou encore à « optimiser la prise en charge des personnes à risque élevé de cancer ».

Mais ils réclament pour ce faire « une meilleure visibilité, une clarification de leur mission de coordination locale et un plan de soutien budgétaire à la hauteur des ambitions partagées ». Les CRCDC demandent aussi à être intégrés au comité de suivi national de la stratégie décennale de lutte contre les cancers (2021-2030), dont la première rencontre, le 5 décembre 2022, s'est tenue sans eux.

Aussi, elle demande au Gouvernement s'il serait envisageable de revenir sur ce choix qui impacte lourdement la qualité des dépistages des cancers en France et qui place la France en dehors des indicateurs de qualité des dépistages organisés en Europe. Les CRCDC demandent de renforcer leurs moyens et de maintenir leurs missions.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargé de l'organisation territoriale et des professions de santé publiée le 17/05/2023

Réponse apportée en séance publique le 16/05/2023

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 567, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je voudrais vous alerter. Depuis plusieurs mois la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) a annoncé son désir de reprendre le pilotage des invitations de la population à participer aux dépistages des cancers, sous prétexte qu'elle garantirait de meilleurs résultats en matière de participation et qu'elle ferait des économies.

Pourtant, il n'en est rien. Les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) s'inquiètent d'une « forme de nationalisation du dépistage », sans garantie d'une amélioration des taux de participation. Depuis 2019, ils assurent cette mission d'envoi des invitations au dépistage, en lien avec les agences régionales de santé (ARS) et les directions de la coordination de la gestion du risque. Ils jouent un rôle pivot dans la coordination.

Malheureusement, l'assurance maladie en assumant cette nouvelle mission d'invitation, en dépit de l'avis de tous les professionnels et des élus locaux, indique qu'elle ne communiquera pas aux centres de dépistage les fichiers des populations concernées. Quelle brutalité, madame la ministre !

Cela implique que le suivi ne pourra plus être assuré par les centres de dépistage. Cela aura également de lourdes conséquences, notamment la perte de qualité du suivi médical, de laquelle résulterait une dégradation du système de santé, au profit d'une seule campagne d'invitations !

Pourtant, ces centres, qui bénéficient d'une visibilité locale, sont prêts à orienter la majeure partie de leurs activités autour de la prévention. Ils souhaitent, d'une part, s'investir pour lutter contre les inégalités territoriales et sociales de santé, d'autre part, optimiser la prise en charge des personnes présentant un risque élevé de cancer.

Pourquoi la Cnam se précipite-t-elle autant, alors que rien ne peut garantir que cette opération augmentera le taux de participation ?

Pourquoi désorganiser ce qui fonctionne très bien depuis les années 1990 ?

Madame la ministre, envisagez-vous de revenir sur ce choix ? Il affectera lourdement la qualité du dépistage des cancers en France. Cela fera perdre des chances aux malades et cela fera sortir la France des indicateurs de qualité des dépistages organisés en Europe.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, le ministre François Braun regrette de ne pouvoir être présent ce matin. Il m'a priée de vous fournir les éléments suivants.

Une politique efficace de prévention primaire et de dépistage est essentielle pour lutter contre le cancer. C'est une priorité dans notre action.

Trois programmes de dépistages organisés ont été mis en place pour le cancer du sein, le cancer colorectal et le cancer du col de l'utérus.

La stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 comporte également des actions ambitieuses, notamment pour améliorer l'accès au dépistage.

Une nouvelle feuille de route des dépistages organisés des cancers « Priorité dépistages » a été annoncée en décembre 2022 par la Première ministre. Il s'agit de rénover l'organisation des dépistages.

De premières mesures d'évolution des missions des centres régionaux de coordination des dépistages des cancers ont été annoncées. De plus, le transfert à l'assurance maladie du pilotage des invitations à participer à un dépistage organisé est prévu au début de l'année 2024. Il est également prévu de recentrer les missions confiées aux CRCDC sur les missions essentielles de suivi des résultats des programmes de dépistages organisés, d'information et de formation des professionnels. Enfin, il est prévu un recours systématique à des opérations d'« aller vers » par les caisses d'assurance maladie, mobilisant tous les acteurs de prévention, dont les CRCDC, sous le pilotage des ARS.

Cette nouvelle organisation doit contribuer à augmenter la réalisation des dépistages organisés.

Pour mener à bien ces travaux, la direction générale de la santé (DGS) a annoncé le 19 janvier dernier le lancement, en lien avec l'assurance maladie, de plusieurs chantiers préparatoires, notamment sur les invitations et sur l'« aller vers » en 2023. Des représentants des CRCDC sont évidemment associés.

De premiers jalons de la future organisation ont déjà pu être mis en place. Sur le volet de l'« aller vers », la poursuite des missions des CRCDC a ainsi pu être confirmée, en lien avec les autres acteurs de la prévention et sous la coordination des ARS.

Les points d'attention que vous soulignez sont bien identifiés par nos services dans la mise en place de cette nouvelle organisation.

Par ailleurs, nous restons vigilants à l'équilibre financier et aux moyens qui seront alloués aux CRCDC pour mener à bien leurs missions.

J'invite donc les CRCDC à poursuivre leurs contributions aux travaux en cours, afin de réussir ensemble la mise en oeuvre de la nouvelle feuille de route.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je n'ai toujours pas compris pourquoi vous cassiez ce qui fonctionne aujourd'hui.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Je ne casse pas !

Mme Valérie Boyer. Le système actuel fonctionne bien depuis les années 1990 pour le cancer du sein, le cancer colorectal et le cancer du col de l'utérus. Vous savez bien que les campagnes de SMS ne fonctionnent pas auprès des publics précaires.

Aujourd'hui, la question est la suivante : pourquoi se précipiter pour casser ce qui fonctionne, contre l'avis de tous les professionnels de santé et des élus locaux ? L'inquiétude est grande. Je ne voudrais pas que cette nouvelle façon de travailler entraîne d'importantes pertes de chances. C'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui !

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