Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 06/04/2023

M. Michel Canévet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire concernant la multiplication d'annulations des procédures concernant les installations classées protection de l'environnement (ICPE).

Alors que la souveraineté alimentaire de notre pays est de plus en plus menacée au fil des années, cette situation s'est aggravée par le difficile renouvellement de générations. Et le monde agricole est d'autant plus en colère aujourd'hui que les exploitations se retrouvent trop souvent confrontées à une insécurité juridique qui les empêche d'évoluer et de se moderniser. Or, ce processus est pourtant vital à la survie de l'activité agricole, elle-même nécessaire au dynamisme de nos territoires ruraux et à la société dans son ensemble.

Ainsi, de nombreuses exploitations finistériennes et bretonnes ont, ces dernières années, entamé des procédures d'enregistrement ICPE, comme elles en ont le droit, respectant les conditions requises pour ce type de procédure dite « simplifiée ».

Pour autant, et malgré l'aval de l'État qui leur a donné un avis favorable sous forme de décisions d'autorisations préfectorales, ces exploitations -majoritairement familiales et de tailles modestes- ont vu ces arrêtés être contestés puis annulés par le tribunal administratif de Rennes, suite à des recours déposés par des associations de défense de l'environnement. Or, celles-ci basent leurs recours sur la non-conformité de la procédure administrative choisie -pourtant validée par les services de l'État-, et non sur les projets eux-mêmes.

Cette incertitude juridique -sorte d'épée de Damoclès qui menace les agriculteurs-, a des conséquences non négligeables : ralentissement, voire abandon des projets déjà en cours, dissuasion d'en entreprendre de nouveaux, difficultés à trouver des repreneurs... Pourtant, à l'heure de la transition écologique de notre économie, ces projets modernes sont réfléchis, tournés vers l'environnement et le bien-être animal et débouchent sur une amélioration des conditions de travail des salariés agricoles.

Le nombre d'exploitations n'a cessé de chuter ces dernières décennies, avec un recul moyen du nombre de fermes de 2 % depuis 2010, recul encore supérieur pour les petites et moyennes exploitations. Il est donc urgent de sécuriser ces procédures d'enregistrement des ICPE spécifiquement instaurées pour permettre aux plus petites structures d'investir dans leur avenir et d'attirer ainsi les nouvelles générations.

En cela, il lui demande quelles dispositions sont envisageables au regard de la situation exposée.

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Transmise au Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires


Réponse du Ministère auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement publiée le 20/12/2023

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2023

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 569, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Michel Canévet. La France est un grand pays agricole. Nous ne pouvons que nous en réjouir, de même que nous nous réjouissons que le ministère de l'agriculture soit désormais aussi celui de la souveraineté alimentaire.

Il faut toutefois vous rendre compte, monsieur le ministre, des difficultés qu'entraînent, pour beaucoup d'éleveurs de notre pays, les procédures administratives particulièrement lourdes et contraignantes qu'emporte le régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

Les dossiers sont si complexes que l'on a parfois l'impression qu'il s'agit, non pas d'exploitations agricoles, mais d'installations classées Seveso ! Il en résulte des coûts importants pour les agriculteurs, puisqu'une déclaration d'ICPE coûte entre 3 000 et 8 000 euros et qu'un dossier d'autorisation d'ICPE coûte entre 15 000 et 30 000 euros. De plus, les recours et contentieux sont si nombreux que l'on n'est jamais assuré de l'issue de ces démarches.

Pour assurer notre souveraineté alimentaire, ce que nous souhaitons, il est nécessaire d'accompagner les professionnels dans leurs projets. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre, monsieur le ministre, afin de simplifier la création de nouveaux outils de production, notamment de nouvelles installations classées ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Michel Canévet, la réglementation des installations classées agricoles, constante depuis dix ans, transpose strictement le droit de l'Union européenne, notamment les directives relatives à l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement.

Cette réglementation permet de distinguer les installations classées pour la protection de l'environnement devant faire l'objet d'une évaluation environnementale des autres installations. Elle prévoit ainsi que le préfet décide, au cas par cas, si la demande d'enregistrement d'une installation classée pour la protection de l'environnement, qu'il s'agisse d'une création ou d'une extension, doit ou non faire l'objet d'une évaluation environnementale.

Cet examen au cas par cas se fonde notamment sur la sensibilité environnementale du milieu et sur le cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installation, ouvrages et travaux.

Des jugements récents annulant des arrêtés préfectoraux d'autorisation d'extension d'élevage ont éclairé la lecture de cette réglementation et interrogé les pratiques mises en oeuvre jusqu'alors pour les installations relevant du régime de l'enregistrement. Ces jugements concernent la zone bretonne, marquée par des enjeux liés aux pollutions par les nitrates et par une concentration importante d'élevages.

Conscients de l'enjeu que représente la sécurisation des procédures et des projets, les services de l'État compétents pour ce qui relève des installations classées pour la protection de l'environnement ont donc engagé des travaux avec le corps préfectoral et la profession agricole afin d'identifier les mises à jour pertinentes à apporter aux pratiques existantes.

Ces travaux visent notamment à renforcer les capacités à justifier les choix effectués lors de l'examen au cas par cas par l'ajustement, sur certains aspects, du contenu des dossiers de demande d'enregistrement transmis par les exploitants à l'appui de leurs demandes.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.

M. Michel Canévet. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éclaircissements. Néanmoins, nous devons veiller à ce que la législation européenne ne durcisse pas encore davantage les règles en vigueur, par exemple en abaissant les seuils au-delà desquels le régime d'autorisation est imposé. Ce serait particulièrement préjudiciable pour les éleveurs.

J'en veux pour preuve l'exemple de la volaille, qui est l'une des viandes les plus répandues dans le monde. Ayons à l'esprit que 50 % de la volaille consommée en France est importée, tout simplement parce que nous n'avons pas le droit de produire plus : ce n'est pas acceptable.

Il est temps d'autoriser de nouvelles installations, suivant le voeu de bien des producteurs de notre pays. Voilà pourquoi il faut assurer l'assouplissement que j'évoquais ; on limitera ainsi les contentieux.

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