Question de Mme GUILLOTIN Véronique (Meurthe-et-Moselle - RDSE) publiée le 13/04/2023

Mme Véronique Guillotin appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la situation de l'entreprise Family Concept, qui fabrique des masques chirurgicaux à Longlaville en Meurthe-et-Moselle. Créée pendant la crise sanitaire pour répondre aux besoins de la France en masques, cette entreprise risque de fermer faute de commandes en nombre suffisant. Après une première réduction d'effectifs, et confrontée à un refus de chômage technique pour pallier une baisse d'activité ponctuelle, la direction craint de devoir réduire à nouveau ses effectifs dans les prochains mois. Les appels d'offres de l'État et de ses administrations semblent en effet privilégier les grosses entreprises, déjà débordées et dont la survie n'est pas en jeu. Or ces petites et moyennes entreprises françaises, qui se sont implantées durant la crise sanitaire et ont permis des créations d'emplois sur des territoires sous-investis, participent à la consolidation de la filière française, essentielle pour prévenir tout risque de rupture d'approvisionnement. Aussi, elle lui demande ce qu'envisage le Gouvernement pour soutenir la production française de masques dans la commande publique.

- page 2440


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie publiée le 20/12/2023

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2023

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, auteure de la question n° 609, adressée M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le ministre, ma question porte sur les difficultés rencontrées par les entreprises françaises de fabrication de masques chirurgicaux, dont certaines se sont implantées dans nos territoires durant la crise sanitaire.

Confronté à une pénurie de masques, jusqu'ici largement importés d'Asie, notamment de Chine, l'État a incité les entrepreneurs à investir dans la production de masques dès le début de la crise, et c'est ce qu'ils ont fait.

L'entreprise Family Concept implantée dans le nord du département de Meurthe-et-Moselle, dont le dirigeant est en tribunes, a répondu à cet appel à la souveraineté nationale et a participé à la fabrication de millions de masques 100 % français.

Or la production de cette entreprise est aujourd'hui à l'arrêt et son stock est deux fois supérieur à ses contrats annuels. Sont en cause les appels d'offres, dont certains sont toujours confiés à des revendeurs de masques asiatiques, et d'autres qui privilégient les grandes entreprises françaises, comme c'est le cas pour le stock stratégique de l'État.

Créateurs d'emplois dans des territoires qui connaissent souvent un sous-investissement, comme la Lorraine, nos entrepreneurs déplorent aujourd'hui un manque de soutien de l'État, alors même qu'ils ont répondu à son appel pour une plus grande indépendance quant aux produits stratégiques. Beaucoup de ces entreprises ne survivront pas.

Je rappelle également que la Commission européenne a récemment sanctionné les concurrents indiens de Saint-Gobain, autre belle entreprise de Meurthe-et-Moselle, pour leurs pratiques de dumping fiscal.

On sait que certains gouvernements asiatiques subventionnent les entreprises et que la frontière entre public et privé y est parfois ténue, ce qui fait évidemment baisser les tarifs. Ce sont des pratiques qui vont à l'encontre des règles de la concurrence et qui doivent être prises en compte dans le choix des fournisseurs, en plus des questions sociales et environnementales.

La sécurisation des approvisionnements des marchés publics par nos entreprises de fabrication de masques est donc indispensable, ce qui doit passer par l'établissement de critères tels que la fabrication et la provenance européennes des matières premières ou encore la durée de validité de cinq ans des masques.

Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire - et dire à cet entrepreneur - quelles sont les intentions du Gouvernement pour préserver les entreprises françaises de fabrication de masques dans un contexte post-covid ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie. Madame la sénatrice, monsieur le chef d'entreprise, que je salue, le marché du masque fait face à un double défi. D'une part, la demande a baissé, et c'est une bonne nouvelle, puisque cela vient du fait que la pandémie est terminée. Ainsi, les stocks accumulés pendant cette crise sont aujourd'hui disponibles. D'autre part, la forte baisse des prix des produits asiatiques augmente la concurrence.

Le Gouvernement s'est saisi de ce défi : je pense à des dispositions introduites dans le cadre de la loi relative à l'industrie verte, de la loi Climat et résilience, issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, puis de la loi de financement de la sécurité sociale.

Ainsi, les acheteurs publics sont dorénavant autorisés à diminuer l'importance du critère lié au prix dans leurs appels d'offres, afin de davantage prendre en compte des critères environnementaux, sociaux et de souveraineté.

Vous le savez, le risque de manque de stocks qui a plané pendant la crise - c'est le moins qu'on puisse dire - a mis en lumière l'importance de la souveraineté industrielle.

Les nouveaux critères fixés par la loi de financement de la sécurité sociale seront applicables dès janvier 2024 et pourront éventuellement être appliqués à des appels d'offres lancés précédemment. Un mécanisme de compensation des surcoûts éventuels supportés par les établissements de santé est également prévu dans cette loi.

Nous mettons en oeuvre un certain nombre de dispositions qui, je l'espère, permettront de répondre aux défis que vous avez mentionnés, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.

Mme Véronique Guillotin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Quelques avancées ont été réalisées, mais nous devons rester vigilants, parce que les marchés publics destinés à constituer le stock de masques dont nous avions besoin ont privilégié les grandes entreprises.

Un véritable travail doit être mené pour traiter cette question, car il y va de la réindustrialisation de nos territoires et de la souveraineté nationale.

- page 12261

Page mise à jour le