Question de Mme MERCIER Marie (Saône-et-Loire - Les Républicains) publiée le 27/04/2023

Mme Marie Mercier attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'enfance sur l'accueil collectif des jeunes enfants.

Par question écrite le 9 mars 2023, elle interrogeait le Gouvernement sur la réalité de la situation alors qu'il avait annoncé sa volonté de « bâtir avec les collectivités un véritable service public de la petite enfance », et la création de 200 000 places d'accueil manquantes d'ici 2030.

La fédération française des entreprises de crèches fait au contraire état de l'accélération des destructions de places bénéficiant de la prestation de service unique.
Le secteur de la petite enfance est confronté à d'importantes difficultés de recrutement qui conduisent à la fermeture partielle ou définitive de structures.

Dans un rapport paru le 11 avril 2023, c'est au tour de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) de dresser un constat saisissant du secteur : pénurie critique de personnel, manque de formation et absence de contrôle font peser des risques sur le bien-être et la santé des tout-petits dans certains établissements.

Privation d'eau, couches pas changées, humiliations, gestes mécaniques sans parler ni même regarder les enfants, forçage alimentaire au point de les faire vomir, irrespect du rythme des nourrissons, nuisances sonores, violences physiques et psychologiques, la liste donne la nausée.

Après 4 mois d'enquête, l'IGAS évoque des mauvais traitements individuels mais aussi institutionnels du fait de problèmes systémiques.

La logique quantitative a devancé les objectifs qualitatifs.
Pourtant, les crèches sont un véritable outil de réduction des inégalités sociales, leurs effets positifs en matière de sociabilisation, d'enrichissement du langage et de motricité sont connus.

Aussi, elle lui demande à quel moment notre État de droit, protecteur des plus fragiles, va-t-il réagir à la mesure de l'ampleur de la crise et quand va-t-on se décider à protéger véritablement nos enfants, avec les moyens humains, matériels et financiers nécessaires.

Les enfants sont les adultes de demain, leurs souffrances influeront sur notre société.

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Transmise au Ministère des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées


Réponse du Ministère auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargé de l'organisation territoriale et des professions de santé publiée le 17/05/2023

Réponse apportée en séance publique le 16/05/2023

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 634, transmise à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Mme Marie Mercier. Madame la ministre, quel accueil voulons-nous pour nos petits enfants dans les structures collectives ?

Avant de vous parler du rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), je veux faire une remarque d'ordre général. Vous savez que les petits enfants arrivent dans les crèches quelquefois à six heures et demie le matin. Or, jusqu'à onze heures trente, heure du déjeuner, ils ne peuvent rien manger, quand bien même un pédiatre aurait pu diagnostiquer un retard staturopondéral et réclamer cette alimentation du milieu de matinée ! Vous en conviendrez : c'est une aberration absolue. Il y a d'autres façons de lutter contre l'obésité.

Venons-en au rapport de l'Igas du 11 avril. Il existe des dysfonctionnements graves, voire très graves dans certains établissements : privations d'eau, changes non effectués, nuisances sonores, absence totale de prise en compte du rythme du nourrisson... Les enfants concernés sont presque en danger.

Pourquoi un constat aussi alarmant ? Parce qu'une logique comptable a prévalu sur le bien-être des enfants et parce que la pénurie de personnel est critique. Avez-vous mesuré l'ampleur de cette crise ?

Les professionnels de la petite enfance sont parfois démotivés, fatigués. Ils ont besoin d'être formés pour réagir aux difficultés, la qualité de l'accueil des petits enfants dépendant de l'équipe qui les prend en charge.

La Fédération française des entreprises de crèches a également mis en avant ses difficultés de recrutement, qui conduiront à la fermeture de places.

Comment comptez-vous accepter de « fabriquer » 200 000 places d'accueil alors que l'on manque de professionnels ? Où en est le service unique de la petite enfance ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Marie Mercier, je réponds en lieu et place de Jean-Christophe Combe, qui ne pouvait être présent ce matin.

En matière d'accueil du jeune enfant, le précédent quinquennat a permis des avancées concrètes, sur des sujets tels que la clarification des règles pour l'administration des médicaments, la création d'un référent santé-accueil inclusif dans toutes les crèches ou la mise en place d'une charte obligatoire sur la qualité d'accueil.

Le rapport de l'Igas que vous évoquez, que le ministre Jean-Christophe Combe avait diligenté dès juillet dernier et qu'il a rendu public il y a peu, nous invite néanmoins à aller plus loin. Il dénonce notamment l'hétérogénéité de la qualité de l'accueil sur le territoire, l'intégration insuffisante des connaissances sur le jeune enfant ou encore les limites des contrôles.

Les propositions du rapport sont en cours d'expertise, et le ministre s'est déjà engagé devant la représentation nationale à y donner suite dans les prochaines semaines.

Sur ces questions, l'action du Gouvernement est guidée par deux priorités.

La première est de garantir à toutes les familles la meilleure qualité d'accueil dans tous les établissements - publics, associatifs, privés -, en tenant compte des fragilités ou risques particuliers identifiés dans certains modèles. À ce titre, s'il n'est pas possible, en raison d'un manque de personnel, de respecter le cadre réglementaire, il faut, bien sûr, réduire la capacité d'accueil. Des décisions sont prises en ce sens par les préfets, à la suite notamment de la demande qui leur avait été faite dès l'été dernier par la Première ministre de se rapprocher des départements pour renforcer les contrôles.

La seconde est de soutenir les équipes et de lutter contre la pénurie de professionnels, à la fois symptôme et facteur aggravant de la situation. Le Gouvernement y travaille, dans le cadre d'un comité de filière dédié, avec une campagne de promotion des métiers et la construction d'un socle social commun, contrepartie de la participation de l'État au financement des revalorisations salariales.

Ce que je résume là, en réalité, c'est l'ambition de la garantie d'accueil du jeune enfant, dont le ministre a engagé le déploiement à la demande du Président de la République et de la Première ministre, et qui fera très prochainement l'objet de premières annonces.

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.

Mme Marie Mercier. Madame la ministre, les crèches sont une chance pour le développement des enfants, une chance absolue ! Protéger les plus vulnérables doit être l'honneur d'un État digne de ce nom.

Je vous remercie de bien vouloir relayer cette histoire de collation de milieu de matinée : derrière son apparence anecdotique, il y va de la bonne santé de l'enfant. (Mme la ministre déléguée opine.)

Merci de rendre cette filière attractive !

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