Question de M. CARDON Rémi (Somme - SER) publiée le 27/04/2023

M. Rémi Cardon attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) aux collectivités locales.

Il regrette tout d'abord que les montants individuels de compensation de la CVAE pour l'année 2023 aient été notifiés aux collectivités concernées avec un retard de trois mois, compliquant l'élaboration de leur budget.

Il note par ailleurs que le choix du Gouvernement de prendre en compte dans le calcul de la compensation socle l'année 2021, alors qu'elle a enregistré une baisse exceptionnelle de la CVAE en raison de la crise sanitaire, est un arbitrage plus que défavorable pour les collectivités.
Ainsi que l'a remarqué l'association des maires de France, même si quelques collectivités verront leur produit de CVAE augmenter pour les années 2023-2024, il n'en demeure pas moins inférieur à ce qu'elles auraient perçues sans cette réforme. Ce sont donc près de 650 millions d'euros par an de pertes pour les collectivités concernées, soit 1,3 milliards sur les deux années d'extinction de la CVAE.

Il remarque que ces éléments, en plus d'être préjudiciables pour les collectivités locales, entrent en contradiction avec la promesse gouvernementale de « compenser à l'euro près » la suppression de la CVAE.

Aussi, il souhaiterait savoir s'il compte proposer une modification des règles de calcul de la compensation qui ne porterait pas préjudice aux collectivités locales concernées, et qui permettrait de remplir la promesse gouvernementale d'atteindre une compensation à l'euro près.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 19/07/2023

Réponse apportée en séance publique le 18/07/2023

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 649, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, en octobre dernier, j'ai interpellé le ministre Jean-Noël Barrot au sujet des répercussions de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur les collectivités territoriales.

Il m'avait alors indiqué que « la perte de recettes induite pour les collectivités territoriales en raison de cette suppression sera compensée [...] par l'affectation d'une fraction de TVA, ce qui leur permettra de bénéficier d'une recette pérenne et dynamique, qui évolue en lien avec l'inflation. »

Néanmoins, le Gouvernement a, depuis lors, choisi de calculer la compensation pour chaque collectivité locale sur la base de la moyenne de ses recettes de CVAE sur les années 2020-2023.

Or le choix de prendre en compte dans le calcul l'année 2021, au cours de laquelle la CVAE a connu une baisse de rendement exceptionnelle en raison de la crise sanitaire, est un arbitrage plutôt défavorable pour les collectivités.

À l'heure où celles-ci n'ont de cesse de se serrer la ceinture, à l'heure où elles se démènent pour faire toujours plus avec toujours moins, à l'heure où le Gouvernement est en difficulté pour boucler son budget, ce nouveau cadeau fiscal aux entreprises de 14 milliards d'euros par an, aux dépens des ménages, est à revoir.

À ce propos, qu'en est-il de la mission flash confiée à l'Inspection générale des finances pour étudier les modalités de répartition des mesures de compensation, de manière à maintenir un lien avec la dynamique locale ?

D'ailleurs, monsieur le ministre, nous sommes confrontés au même problème avec la compensation de la suppression de la taxe d'habitation.

Comptez-vous proposer une modification des règles de calcul pour tenir compte de cette promesse de compensation à l'euro près et, ainsi, honorer la promesse gouvernementale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Cardon, depuis la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui a été décidée entre 2012 et 2017 et qui a conduit à une ponction sans précédent et sans équivalent depuis lors sur les finances des collectivités territoriales, les réformes qui ont concerné la fiscalité - je vous le confirme - se sont faites à l'euro près.

La suppression de la taxe d'habitation, laquelle continue d'être calculée fictivement pour donner droit ensuite à compensation, correspond très exactement à cette perspective. Je vous invite, à cet égard, à examiner de près la réalité des comptes des collectivités territoriales du département dans lequel vous êtes élu !

Pour qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, je vous rappelle que jamais un impôt n'a été compensé en se fondant sur une seule année, en particulier lorsqu'il s'agit d'un impôt par définition instable - c'est le cas de ladite CVAE.

À la différence de la taxe professionnelle, la CVAE peut évoluer en fonction des cycles économiques - c'est même pour cette raison qu'elle a été créée. Elle ne se caractérise donc pas par la rigidité et la constance attachées à d'autres dispositifs d'imposition.

L'inconvénient d'une moyenne, c'est qu'elle prend en compte des années « bonnes » et d'autres qui le sont moins. Mais, compte tenu des très fortes variations pouvant exister sur un même territoire, la moyenne a le mérite de protéger les collectivités.

Je prendrai l'exemple, extrême, des centrales nucléaires. Là où des procédures de révision sous contrainte ont été lancées, la CVAE est tombée à zéro pour les années concernées. Si l'on avait fondé les critères de compensation sur l'année d'arrêt, les effets de bord auraient été considérables.

Les 650 millions d'euros correspondant au delta entre 2022 - la meilleure année - et la moyenne ont été de facto intégralement reversés : 150 millions d'euros ont été fléchés vers les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) et 500 millions d'euros, qui ont abondé le fonds vert, ont été spécifiquement orientés vers les collectivités, en vue de reconstituer leur niveau de CVAE.

Par ailleurs - vous l'avez dit en posant votre question -, il est possible de compenser au-delà de la TVA en tenant compte du dynamisme économique. Je le rappelle, on n'a pas entendu les collectivités auxquelles des recettes de TVA ont été affectées se plaindre du niveau de cette compensation... En effet, cette dernière est de l'ordre d'un point par an si l'on compare les tendances. Elle est donc plus dynamique que la CVAE.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. Je n'ai pas davantage de lumières sur la mission flash en la matière...

Il semblerait que pour vous, monsieur le ministre, les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Le fait que vous n'ayez pas réellement répondu à ma question le confirme.

Après avoir fait preuve d'un esprit centralisateur en termes d'aménagement du territoire au travers du « zéro artificialisation nette » (ZAN), il serait temps que vous redeveniez l'élu local que vous étiez en refusant l'État centralisateur, y compris sur des sujets tels que la fiscalité locale.

Puisque nous fêtons les « cent jours d'apaisement » voulus par le Président de la République, il serait temps de revoir votre copie en la matière !

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