Question de Mme PRÉVILLE Angèle (Lot - SER) publiée le 25/05/2023

Question posée en séance publique le 24/05/2023

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Angèle Préville. « Ce seront les divers responsables de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera, et qui après l'abondance géreront la pénurie et la survie. » Voilà ce que prophétisait le penseur Bernard Charbonneau il y a quarante ans.

Une augmentation de 4 degrés Celsius, c'est la catastrophe assurée, sans aucune adaptation possible : tout le littoral français sous l'eau, des vagues de chaleur bien supérieure aux 40 degrés Celsius auxquelles tout le monde ne pourra pas survivre, des sécheresses sévères, des pénuries d'eau, des pertes de récoltes.

Notre modèle est en cause. Le perpétuer, alors qu'il se heurte à ses limites, relève d'un déni impardonnable. Notre lutte contre la crise climatique doit s'intensifier, car elle va entraîner des dommages colossaux. Qui n'en est pas conscient ?

Votre mantra « pas d'impôt, pas de taxe » nous mène dans l'impasse.

Nous devons « faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en trente ans », indique dans son rapport Jean Pisani-Ferry, qui n'est pourtant pas un dangereux éco-terroriste (Sourires.) et qui propose, entre autres solutions, de lever un impôt sur les 10 % les plus aisés pour financer la transition écologique. À vrai dire, il n'y a rien d'extravagant à imaginer que ceux-ci contribuent à cet effort à hauteur de leurs moyens.

En effet, changer sa chaudière et acquérir une voiture électrique n'est pas à la portée de tous les Français. Pourtant, la réduction subséquente en gaz à effet de serre, donc l'habitabilité de la planète, profitera à tous.

Une répartition équitable non seulement est la moindre des choses, mais relève d'une justice sociale absolument indispensable pour emporter l'adhésion et l'acceptation de tous. Nous n'avons cessé depuis 2017 de vous proposer des mesures fortes, comme l'instauration d'un impôt climatique de solidarité sur la fortune - en pure perte.

Comment envisagez-vous les financements nécessaires au changement radical qui s'impose à nous ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 25/05/2023

Réponse apportée en séance publique le 24/05/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Préville, le rapport Pisani-Ferry, commandé par le Gouvernement, aborde de nombreux sujets. Sur les cent cinquante-six pages qu'il compte, je note que vous vous concentrez sur les trois qui concernent la fiscalité. Vous auriez pu souligner qu'il insiste sur la cohérence de la stratégie de planification défendue par la Première ministre.

M. Jérôme Durain. Sans moyens !

M. Christophe Béchu, ministre. La phrase du rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz soulignant qu'il nous fallait faire en dix ans ce que nous n'avions pas fait en trente ans est en fait une citation d'Élisabeth Borne qui date du mois d'octobre dernier au moment du lancement du Conseil national de la refondation (CNR) sur le climat et la biodiversité. (M. François Patriat applaudit. - Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. David Assouline. Quel bon élève ! (Sourires.)

M. Christophe Béchu, ministre. Je tiens à rappeler une ou deux choses simples.

Dans ce domaine, chacun serait bien inspiré d'insister sur la hauteur de la marche et sur le chemin qu'il nous reste à parcourir, plutôt que de donner le sentiment que certains avaient la solution. En effet, depuis qu'il n'y a plus d'écologistes au gouvernement, le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre a doublé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. - M. Pierre Louault applaudit également. - Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Une partie de ceux qui, par le passé, étaient les plus activistes et les plus radicaux et qui nous incitaient à l'époque à sortir du nucléaire,...

M. Stéphane Piednoir. Le président Macron !

M. Christophe Béchu, ministre. ... seraient, si les gouvernements successifs les avaient écoutés, responsables d'une hausse des émissions qui nous aurait considérablement éloignés de là où nous en sommes aujourd'hui en termes d'empreinte.

Dans ce domaine, il y a à la fois un plan et une double stratégie : l'atténuation - nous avons évoqué cette question lundi - et l'adaptation.

M. Jean-François Husson. Cela fait dix ans qu'on le dit !

M. Christophe Béchu, ministre. L'adaptation est nécessaire, ce n'est ni un déni ni un renoncement, mais une manière de constater ensemble que la trajectoire n'est pas à la bonne maille.

La question du financement ne peut pas être taboue et M. Pisani-Ferry l'aborde de telle sorte que plusieurs pistes sont possibles.

Il faut d'abord faire en sorte de réorienter les dépenses. Nous sommes parmi les champions du monde en termes de prélèvements obligatoires. L'écologie ne doit pas être le prétexte pour augmenter les impôts. (M. Michel Dagbert applaudit. - M. Jérôme Durain s'exclame.)

Il faut ensuite réorienter la fiscalité, mais en aucun cas se servir de ce prétexte pour tendre vers une forme d'écologie qui écarterait une partie de nos concitoyens, alors que, compte tenu de l'ampleur du défi, on a besoin de tout le monde pour réussir. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.

Mme Angèle Préville. Monsieur le ministre, on ne peut pas se satisfaire de la situation, quel que soit ce qui a été engagé.

S'il est vrai que des mesures ont été engagées, nous avons des inquiétudes, par exemple sur les condamnations récurrentes de l'État pour inaction climatique ou non-respect de la qualité de l'air, sur des déclarations évoquant une pause réglementaire ou encore sur les régressions environnementales introduites dans certains textes.

Je partage vos propos, monsieur le ministre, sauf sur un point :...

M. le président. Il faut conclure !

Mme Angèle Préville. ... la solution doit prendre en compte la justice sociale, qui seule assurera l'acceptabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

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