Question de M. VERZELEN Pierre-Jean (Aisne - Les Indépendants) publiée le 04/05/2023

M. Pierre-Jean Verzelen attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les conséquences de l'avis du Conseil d'État en date du 20 février 2023 reclassant en établissement recevant du public de type J un habitat inclusif. Concrètement, cette décision signifie que les bailleurs devront respecter une réglementation stricte de sécurité incendie, celle applicable aux établissements recevant du public, ce qui va remettre en cause le développement actuel de l'habitat inclusif.

L'habitat inclusif, lancé en 2017 par la secrétaire d'État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, constitue une forme d'habitat adapté pour beaucoup de personnes âgées dépendantes et/ou en situation de handicap. C'est un intermédiaire entre le logement ordinaire et l'accueil en établissement. En pratique, il s'agit de plusieurs logements indépendants adaptés et caractérisés par la volonté de leurs habitants de vivre ensemble. Ces derniers signent un bail, ce qui en fait des locataires comme les autres.

Lors du dernier comité interministériel de l'habitat inclusif le 21 février 2023, le Gouvernement a réaffirmé sa volonté politique de développer ce modèle domiciliaire sur l'ensemble du territoire. Cependant, l'avis du Conseil d'État interroge la future dynamique de déploiement de ces habitats inclusifs.

Cette mise en conformité va concerner les habitats inclusifs qui regroupent plus de six personnes âgées dépendantes ou/et en situation de handicap. Or, pour fonctionner de façon optimale, ces habitats ont besoin de plus de six personnes afin de faciliter la mutualisation des ressources et permettre le recrutement d'une personne présente 24 heures sur 24. Les bailleurs devront donc se mettre en conformité, ce qui entrainera des difficultés de relogement des personnes résidant en habitat inclusif pendant le temps des travaux. De plus, si ces derniers ne sont pas effectués dans les temps, les occupants pourront être menacés d'expulsion sans qu'aucune solution de relogement ne soit trouvée.

Cette décision va également avoir des conséquences sur le développement des habitats inclusifs de façon totalement contradictoire avec la réforme souhaitée par le Gouvernement. En effet, les bailleurs sociaux vont se montrer beaucoup plus frileux et examiner plus sérieusement le risque de loger des personnes âgées dépendantes et/ou en situation de handicap. A terme, la requalification en établissement recevant du public modifiera nécessairement l'équilibre économique pour le maître d'ouvrage, ce qui pourra conduire à une remise en cause d'un certain nombres de projets.

Enfin, cette décision remet en cause le développement de l'habitat inclusif en ce qu'il constituait une étape structurante de la transformation de l'offre au bénéfice de l'inclusion des personnes en situation de handicap. De nombreux projets s'étaient déployés en accord avec les aspirations de vie des personnes concernées et représentaient un espoir pour beaucoup d'entre eux. Le modèle de l'habitat collectif repose sur l'idée que plusieurs personnes se regroupent. C'est le pari du lien social, de la mutualisation des services et de la mise en commun des prestations de compensation du handicap permettant la présence d'une personne 24 heures sur 24. Une limitation à six personnes ne permettra plus de garantir cette présence aux personnes qui en ont le plus besoin.

Aussi, il appelle le Gouvernement à une mise en cohérence des réglementations en matière d'habitat inclusif afin de répondre aux enjeux de ce modèle et d'assurer aux occupants des habitats inclusifs un soutien indéfectible.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 17/05/2023

Réponse apportée en séance publique le 16/05/2023

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la question n° 653, adressée à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la ministre, j'attire votre attention sur les conséquences de l'avis du Conseil d'État en date du 20 février 2023 reclassant un habitat inclusif en établissement recevant du public de type J.

Concrètement, cette décision signifie que les bailleurs devront respecter une réglementation stricte de sécurité incendie, celle qui est applicable aux établissements recevant du public, ce qui remettra en cause le développement actuel de l'habitat inclusif.

L'habitat inclusif, lancé en 2017 par la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel, constitue une forme d'habitat adapté pour les personnes âgées dépendantes et/ou en situation de handicap. C'est un intermédiaire entre le logement ordinaire et l'accueil en établissement. En pratique, il s'agit de plusieurs logements indépendants adaptés, qui se caractérisent par la volonté de leurs occupants de vivre ensemble. Ces derniers signent un bail, ce qui en fait des locataires comme les autres.

Le Gouvernement a récemment réaffirmé sa volonté politique de développer ce modèle domiciliaire sur l'ensemble du territoire. Cependant, l'avis du Conseil d'État interroge la future dynamique de déploiement de ces habitats inclusifs.

Cette mise en conformité concernera les habitats inclusifs qui regroupent plus de six personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap. Or, pour fonctionner de façon optimale, ces habitats ont besoin de plus de six personnes, afin de faciliter la mutualisation des ressources et permettre le recrutement d'une personne présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Cette décision aura également des conséquences sur le développement des habitats inclusifs, en contradiction avec la réforme souhaitée par le Gouvernement. En effet, les bailleurs sociaux se montreront beaucoup plus frileux et examineront plus sérieusement le risque de loger des personnes âgées dépendantes et/ou en situation de handicap.

Enfin, cette décision remet en cause le développement de l'habitat inclusif, en ce qu'il constituait une étape structurante de la transformation de l'offre au bénéfice de l'inclusion des personnes en situation de handicap. De nombreux projets s'étaient déployés en accord avec les aspirations de vie des personnes concernées et représentaient un espoir pour beaucoup d'entre elles.

Aussi, j'appelle le Gouvernement à une mise en cohérence des réglementations en matière d'habitat inclusif, afin de répondre aux enjeux de ce modèle et d'assurer aux occupants des habitats inclusifs un soutien indéfectible.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Verzelen, selon la juridiction administrative, l'aptitude des personnes à se soustraire aux effets d'un incendie constitue l'un des paramètres à retenir pour l'appréciation des mesures en vue d'assurer la sécurité des personnes contre l'incendie, en vertu de l'article R. 143-3 du code de la construction et de l'habitation.

Les espaces destinés à loger des personnes handicapées, dont l'aptitude à se soustraire aux effets d'un incendie est nécessairement diminuée, constituent donc des établissements destinés à recevoir du public, au sens de la réglementation de sécurité contre les incendies.

Le fait que les personnes handicapées concernées soient titulaires d'un contrat de location et ne soient pas admises dans un établissement médico-social et que l'immeuble ne comporte pas de lieu collectif de vie ne faisait pas obstacle à cette qualification d'ERP, établissement recevant du public.

En conséquence, mes services ont engagé, sous un format interministériel, des travaux pour faire évoluer la réglementation applicable à ce type de logement. Des échanges entre mes services et ceux du ministère en charge de la construction et du ministère des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sont en cours, et devraient aboutir à une solution juridique complète. Les différents acteurs du secteur sont également associés à cette démarche.

Une telle réglementation doit concilier le développement, légitime, de l'habitat inclusif sur l'ensemble du territoire national, avec la nécessaire préservation de la sécurité de tous les occupants de ces logements, ainsi que des services de secours appelés à intervenir en cas de sinistre.

Le cadre juridique devra prévoir des prescriptions spécifiques pour garantir un niveau de sécurité contre les risques d'incendie adapté à ce type d'habitation et de public.

C'est pour ces raisons, monsieur le sénateur, que le Gouvernement envisage de compléter le corpus juridique applicable en matière de protection incendie des logements et bâtiments accueillant de l'habitat inclusif.

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