Question de M. LE RUDULIER Stéphane (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 04/05/2023

M. Stéphane Le Rudulier attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité sur les difficultés pour un agriculteur de résider sur son exploitation. Il convient de souligner qu'il existe aujourd'hui trois régimes en matière de création d'habitation en zones agricoles.

Le premier régime, en vertu du 2° de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, permet via le plan local d'urbanisme (PLUI et PLUi) de désigner, en zones agricoles, naturelles ou forestières (ANF), des bâtiments à destination agricole qui pourront faire l'objet d'un changement de destination pour devenir des habitations, et cela, à deux conditions : l'activité agricole ne droit pas être compromise et la qualité paysagère du site ne doit pas être dégradée.

Le deuxième régime, en vertu de l'article L. 151-12 du même code, permet de faire une extension, ou une annexe, à un bâtiment d'habitation déjà existant en zones ANF, sous réserve, une fois encore, que les deux mêmes conditions susmentionnées soient respectées. Le PLU posant des conditions pour assurer l'insertion des modifications dans l'environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. Une combinaison des deux premiers régimes permet ainsi, par exemple, de modifier et d'agrandir une ancienne grange pour la transformer en habitation viable.

Le troisième régime, moins fondé directement sur des dispositions législatives, se base sur l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme qui pose quatre dérogations au principe d'inconstructibilité des espaces qui ne sont pas urbanisés. L'une d'elles étant « les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ». La loi n'étant pas plus bavarde à ce sujet, le juge administratif est venu préciser les modalités d'une telle dérogation. Ainsi, la jurisprudence admet que la construction d'un logement pour un agriculteur constitue, sous certaines conditions, un besoin nécessaire à l'exploitation agricole. Or, ces conditions sont extrêmement restrictives et s'articulent autour de trois principaux critères : la réalité de l'activité agricole déclarée ; la nécessité d'une présence rapprochée et permanente du chef d'exploitation ; l'adéquation et la proportionnalité du projet de logement avec l'exploitation agricole.

Dans les faits, les deux premiers régimes ne présentent pas de grandes difficultés. Le troisième en revanche, très restrictif, soulève plusieurs problématiques puisqu'il s'explique par une volonté du juge de ne porter atteinte au principe d'inconstructibilité des zones ANF que de manière très limitée, a fortiori pour un cas qui n'est pas explicitement visé par la loi aujourd'hui. En réalité, c'est essentiellement le deuxième critère jurisprudentiel qui empêche presque la totalité des activités agricoles d'entrer dans le champ des exploitations nécessitant l'existence d'un logement sur place pour l'exploitant. Même si les activités d'élevage sont plus susceptibles d'être concernées que les activités de culture, de telles dérogations de constructions demeurent très difficiles à obtenir. Ainsi, les exploitations de safran (épice fragile), ou les élevages de bovins, ont plus de chances de se voir accorder des dérogations quand les vignobles ou les élevages de poules se les voient refuser.

Par conséquent, il lui demande si le Gouvernement est favorable à une évolution de la loi en matière de construction de nouvelles habitations pour les agriculteurs, en zones agricoles, naturelles et forestières. Une évolution viendrait assurer à tout agriculteur - chef exploitant - le droit de vivre directement sur son exploitation, et pourrait s'accompagner de garanties, inspirées notamment de la jurisprudence, afin de ne pas porter atteinte de manière disproportionnée au principe d'inconstructibilité des zones ANF.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 25/04/2024

Les zones agricoles A des plans locaux d'urbanisme (PLU) sont délimitées sur les secteurs de la commune à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles et les possibilités de construire dans ces espaces sont strictement encadrées par la réglementation de l'urbanisme. En effet, la « préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières » fait partie des objectifs généraux que l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme doit viser à atteindre en application des dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme. Ainsi, afin de ne pas compromettre les secteurs à vocation agricole, notamment en raison de la valeur agronomique du sol, le code de l'urbanisme ne prévoit que deux possibilités d'autoriser la construction de logements dans les zones agricoles d'un PLU. Il s'agit pour la première, de constructions nécessaires à l'exploitation agricole en application des dispositions de l'article R. 151-23 du code de l'urbanisme et pour la seconde, de constructions implantées dans des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitée (STECAL), délimitées à titre exceptionnel, dans les conditions prévues par l'article L. 151-13 du même code. De ce fait, en dehors des STECAL, tout projet de construction d'un logement en zone agricole doit justifier de sa nécessité à une activité agricole pour bénéficier d'une autorisation de construire. La jurisprudence permet de déterminer les critères d'appréciation de cette notion, en considérant notamment qu'une construction est nécessaire à l'exploitation agricole lorsqu'elle « nécessite la présence rapprochée et permanente du chef d'exploitation » (CE 14 mai 1986, Laberot, n° 56622). À cet égard, la construction d'un logement pour l'exploitant peut se justifier dès lors que la présence de l'exploitant à proximité des terres qu'il exploite s'avère nécessaire au fonctionnement de l'exploitation, au regard du contexte local et compte tenu de la nature des activités agricoles concernées. Ceci implique un examen au cas par cas des projets de demandes d'autorisation de construire, au vu des éléments justificatifs produits par le demandeur du permis de construire. Les dispositions strictes du code de l'urbanisme relatives aux implantations autorisées en zone agricole et l'appréciation qui en est faite par la juridiction administrative permettent de lutter contre le mitage de l'espace agricole et l'urbanisation dispersée dans ces espaces qu'il convient de protéger. Un assouplissement de celles-ci ne peut être envisagé car cela se ferait au détriment des terres cultivables et de la qualité des paysages ruraux. Il est de l'intérêt général de limiter les constructions dans les zones dont la vocation est agricole aux seuls bâtiments strictement nécessaires à l'agriculture.

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