Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 18/05/2023

Mme Marie-Noëlle Lienemann interpelle M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la façon dont s'est déroulée la manifestation du prétendu « comité du 9 mai », groupuscule d'ultra-droite identitaire proche du groupe union défense (GUD), « en hommage à Sébastien Deyzieu, mort le 9 mai 1994 », ce samedi 6 mai 2023 à Paris.
Le droit de manifester est une liberté constitutionnellement garantie, encadrée par les articles L. 211-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. Depuis plusieurs années, ce « comité » dépose en préfecture une déclaration préalable pour l'organisation de son défilé, respectant en cela les obligations légales.
La préfecture de police de Paris, confrontée à de fortes critiques sur le déroulement de ce défilé, a indiqué le lundi 8 mai 2023 que « dans la mesure où cette manifestation n'avait occasionné, les années précédentes, aucun débordement ou trouble à l'ordre public, le préfet de police n'était pas fondé à prendre un arrêté d'interdiction à son encontre. » Dans le même communiqué, elle explique qu'une récente interdiction d'une « marche aux flambeaux en hommage à Geneviève, patronne de Paris », organisée par des groupuscules identitaires, avait été suspendue par le juge administratif au motif que les antécédents argués de troubles en marge des rassemblements organisés les années précédentes « ne [permettaient] pas à eux seuls d'établir un risque de trouble à l'ordre public suffisant ».
Mme Lienemann prend acte de ces arguments juridiques. Elle s'étonne cependant que la préfecture assimile totalement deux manifestations différentes pour ne pas interdire celle du « comité du 9 mai » . Il est par ailleurs choquant que des rassemblements à caractère syndical et familial, avec sifflets et casseroles, soient interdits un peu partout en France par les préfectures sans que le juge administratif n'y trouve rien à dire, mais qu'un défilé de plusieurs centaines de personnes singeant des organisations paramilitaires ne fasse même pas l'objet d'une tentative d'interdiction.
Car une fois cette manifestation autorisée, ce sont bel et bien les faits constatés lors de son déroulement qui posent questions et qui auraient dû faire l'objet d'une réaction immédiate de la préfecture de police de Paris et des forces de l'ordre.
En effet, parmi les quelques centaines de manifestants qui participaient à ce défilé, plusieurs dizaines portaient des masques ou des cagoules cachant leurs visages ; or il est clairement établi dans la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public et à l'article 645-14 du code pénal (dissimulation du visage dans une manifestation) que le port de toute tenue destinée à dissimuler son visage est interdit sur la voie publique.
Aussi, constatant cela, les forces de l'ordre chargées de garantir que ce défilé se déroule en toute sécurité auraient dû réagir ; à tout le moins, elles auraient dû en informer immédiatement la préfecture de police qui aurait dû prendre les mesures conservatoires pour mettre fin immédiatement à cette infraction concertée et organisée collectivement de toute évidence.
À ces dissimulations des visages d'une large partie des manifestants s'ajoutent par ailleurs des slogans racistes et des actes d'intimidation à l'égard des journalistes présents pour couvrir l'événement, ce qui constitue également des éléments de troubles à l'ordre public.
Elle lui demande donc de diligenter une enquête sur le déroulement effectif de cette manifestation. Elle souhaite également connaître les raisons qui auraient conduit la police à ne pas procéder à l'arrestation de personnes cagoulées ou au visage dissimulé. Elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour interdire des manifestations qui multiplient les slogans racistes et constituent ainsi une atteinte à l'ordre public.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 03/08/2023

Le 6 mai 2023, le « Comité du 9 mai » a organisé une manifestation dite « Marche silencieuse en hommage à Sébastien Deyzieu », à l'occasion du 29ème anniversaire de la mort du militant et à laquelle 550 personnes ont participé, de la place Camille Julian jusqu'aux abords du 4, rue des Chartreux (6ème). Cette manifestation, qui se tient chaque année, a fait l'objet, comme les années précédentes, d'une déclaration déposée en préfecture le 7 mars 2023, dans le respect des obligations de l'article L. 211-1 du Code de sécurité intérieure. Rappelons que le droit de manifester s'exerce en France dans le cadre d'un régime de déclaration préalable, et non d'autorisation. Si cette manifestation déclarée n'était pas initialement identifiée comme susceptible d'engendrer des risques de troubles à l'ordre public, et bien qu'un dispositif de sécurisation adapté ait été déployé par la préfecture de police pour éviter tout risque d'affrontements violents entre militants des mouvances antagonistes d'ultra-droite et antifascistes, il a néanmoins été constaté que de nombreux individus ainsi que des militants en charge du service d'ordre étaient porteurs de masques ou de cagoules. L'attitude martiale voire belliqueuse des manifestants, tous vêtus de noir, brandissant des drapeaux noirs à croix celtiques, était de nature à générer des sentiments légitimes d'intimidation et de crainte à l'égard du public présent sur l'itinéraire. Cette situation a engendré un trouble à l'ordre public incontestable, expliquant que de nombreux individus au sein du cortège ont dissimulé volontairement tout ou partie de leur visage dans le but d'éviter d'être identifiés. Ces faits sont constitutifs du délit prévu et réprimé à l'article 431-9-1 du Code pénal, puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. C'est la raison pour laquelle le préfet de police a immédiatement signalé ces faits auprès de la procureure de la République de Paris, en vertu de l'article 40 du Code de procédure pénale, laquelle a saisi un service de police judiciaire pour identifier et poursuivre les mis en cause. L'enquête est en cours sous l'autorité du parquet et il n'appartient pas, dès lors, au ministre de l'Intérieur et des Outre-mer de la commenter. Le 10 mai dernier, tenant compte des événements précités, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer a demandé aux préfets d'interdire les manifestations et rassemblements à l'initiative d'individus évoluant dans la sphère d'ultra-droite, appelant à la haine ou à l'action violente. En application de ces instructions, le préfet de police a, dès le week-end suivant, interdit cinq manifestations et rassemblements. Trois des arrêtés d'interdiction ont suscité un recours devant le tribunal administratif, dont deux ont donné lieu à leur suspension, démontrant le strict contrôle exercé par le juge administratif.

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