Question de Mme DREXLER Sabine (Haut-Rhin - Les Républicains-A) publiée le 18/05/2023

Mme Sabine Drexler interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur les carences en matière d'offre de soins dans les territoires frontaliers.
Si les 87 % du territoire national peuvent déjà être considérés comme un désert médical, on observe une évolution encore plus inquiétante concernant des régions frontalières comme le Haut-Rhin, le Bas-Rhin ou encore la Meurthe-et-Moselle. Ces territoires connaissent des difficultés supplémentaires pour attirer de nouveaux praticiens, en raison notamment de la proximité d'un pays voisin avec de meilleures conditions salariales, à l'image de la Suisse ou du Luxembourg. Après avoir validé leur formation médicale en France, bon nombre de jeunes praticiens cherchent à franchir la frontière afin de jouir d'externalités économiques positives, c'est notamment le cas avec les infirmiers ou les aides-soignants.
De manière générale, dans la région rhénane, la densité de médecins généralistes sur le versant allemand est supérieure de +14 % à la moyenne des Länder de Rhénanie-Palatinat et de Bade-Wurtemberg. À l'inverse, la densité observée côté français est inférieure de -19 % à la densité moyenne au niveau de la région Grand Est.
Autre exemple des plus inquiétants, le devenir de la clinique de Saint-Louis qui, avec sa reprise par le groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud-Alsace (GHRMSA), a conduit au licenciement des médecins libéraux qui exerçaient auparavant au sein de la clinique. Cela rend la grande majorité des consultations de facto impossible. Les habitants de Saint-Louis agglomération se retrouvent ainsi sans médecin et sans rendez-vous.
Les conséquences médicales sont dramatiques pour ce territoire et mettent en danger de nombreux patients.
La stratégie nationale de santé de 2017 du Gouvernement comprenait un volet de lutte contre les inégalités territoriales de santé. Elle lui demande quelle place ont les territoires frontaliers dans sa politique de santé et quelles solutions sont envisagées pour ces territoires.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargé de l'organisation territoriale et des professions de santé publiée le 07/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2023

Mme le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, auteur de la question n° 682, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la pénurie d'offre de soins dans les régions frontalières.

Permettez-moi d'illustrer mon propos en prenant l'exemple de ce qu'il se passe chez moi, dans le sud du Haut-Rhin, un territoire bordé par la frontière suisse.

De manière générale, si 87 % des territoires métropolitains sont considérés comme des déserts médicaux, la situation est plus prégnante encore dans les territoires transfrontaliers où toujours plus de médecins, d'infirmiers, d'aides-soignants franchissent chaque jour la frontière pour travailler en Suisse, où leur salaire est parfois multiplié par trois.

Actuellement, notre territoire dispose d'un nombre de médecins généralistes inférieur de 19 % à la moyenne observée dans la région Grand Est. Ce phénomène concerne l'ensemble de l'offre de soins.

Dans ce contexte marqué par une pénurie de soignants, et notamment de spécialistes, la clinique de Saint-Louis, récemment reprise par le groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud-Alsace (GHRMSA), a perdu les médecins libéraux qui y exerçaient.

Nous manquions déjà de praticiens : à présent, ce sont les 80 000 habitants de l'agglomération qui sont dans l'impossibilité de se faire soigner.

Je suis par ailleurs régulièrement alertée par certaines familles et par les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) eux-mêmes sur le fait que ces derniers ne sont plus en mesure, pour les mêmes raisons, d'accueillir dignement nos aînés.

Dans certains de ces établissements, qui fonctionnent en flux tendu et sont régulièrement en mode dégradé, j'ai vu des cadres et des membres de la direction assurer eux-mêmes la toilette des personnes âgées et servir les repas, faute de personnel suffisant.

En tentant comme ils le peuvent de fournir les services indispensables aux patients, les personnels s'épuisent si bien qu'ils n'hésitent plus à franchir la frontière, afin de profiter de salaires plus élevés et de conditions de travail plus satisfaisantes.

Madame la ministre, quelle place ont les territoires frontaliers dans votre politique de santé ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour y retenir le personnel médical ? Quelles solutions envisagez-vous pour assurer une prise en charge digne, notamment de nos anciens, dans nos hôpitaux et nos Ehpad ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, en complément de la réponse que je viens d'apporter à la question de votre collègue Patricia Schillinger, je tiens à réaffirmer qu'il y a et qu'il demeurera une offre de soins hospitaliers de proximité sur le bassin de Saint-Louis.

En ce qui concerne les questions transfrontalières, les gouvernements français et suisse ont ratifié en 2019 un accord-cadre sanitaire qui ouvre la voie à des négociations par secteur géographique et par spécialité. Des négociations concrètes et à visée opérationnelle sont en cours.

La conclusion de cet accord constituera un progrès pour le territoire, mais il conviendra auparavant de faire converger des intérêts réciproques.

Les coopérations transfrontalières avec les Länder allemands frontaliers se poursuivent activement - je pense à la Sarre, à la Rhénanie-Palatinat et au Bade-Wurtemberg -, dans la lignée de la coopération active qui s'est mise en place pendant la crise de la covid-19.

Après la finalisation des conventions sur l'aide médicale d'urgence, les travaux se concentrent désormais sur la mise en place d'un observatoire transfrontalier réunissant le Luxembourg, la Suisse et la Belgique autour de la question de la simplification des modalités de prise en charge et des projets de contrats locaux de santé transfrontaliers.

L'ARS travaille en lien étroit avec les autorités préfectorales, les collectivités locales, l'assurance maladie, Santé publique France et les établissements de santé sur ces différents sujets.

Dans le cadre du schéma régional de santé 2023-2028, qui est en cours de finalisation, nous tracerons de nouvelles perspectives concernant ce volet transfrontalier : il faudra notamment faire une analyse de la démographie des professionnels de santé de part et d'autre de la frontière, afin d'envisager un plan d'actions précis du territoire, particulièrement avec l'Allemagne, État avec lequel la collaboration se déroule favorablement dans le cadre de l'Union européenne.

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