Question de M. COZIC Thierry (Sarthe - SER) publiée le 18/05/2023

M. Thierry Cozic attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les conséquences fiscales de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour les communes de France.

Il rappelle qu'à l'instar de la population, les communes subissent de plein fouet l'inflation (l'énergie, les denrées alimentaires pour la restauration scolaire, le coût de la construction...) et les décisions de l'État (empilement des normes, point d'indice de la fonction publique).

Il attire son attention sur le fait qu'en considérant que l'inflation augmenterait les coûts de 9 milliards d'euros cette année, la hausse des dépenses de personnels représentera 1,2 milliard d'euros.

Il souligne que sur les dotations de l'État le gel de la dotation globale de fonctionnement (DGF) succède à une baisse de cette même dotation. Cette baisse ayant atteint 11,5 milliards d'euros entre 2014 et 2017, dont 6 milliards pour le bloc communal. Afin de faire face à ces baisses, l'indexation de la DGF sur l'inflation 2023 semble être un dispositif qui doit être discuté au prochain projet de loi de finances pour 2023.
Bien que cela représenterait, avec un taux d'inflation de 4,3 %, une charge de 700 millions d'euros pour l'État, c'est une mesure que l'association des maires de France appelle elle-même de ses voeux.

Il rappelle qu'en l'absence de l'indexation de la DGF et de la revalorisation des bases fiscales, il sera difficile pour les communes de limiter l'augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités de 0,5 % en-dessous de l'inflation.

Il attire l'attention sur le fait qu'avec la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), étalée sur deux ans, le lien fiscal entre les entreprises et les collectivités tend à être rompu. L'autonomie fiscale des collectivités est un enjeu de souveraineté démocratique girondine cardinal pour nos communes.
Il note que le bloc communal a perdu tout pouvoir sur 18 % de ses recettes fiscales depuis la suppression de la taxe d'habitation, un débat clair et démocratique doit être mené sur le front de la fiscalité locale dans ce pays.

Il rappelle que la CVAE atteint 9,5 milliards d'euros, dont 2,5 financés par l'État, de fait le coût de la compensation par l'État atteindra 7 milliards d'euros.

Il lui demande donc quelles mesures concrètes il compte mettre en place afin d'assurer une compensation équitable qui ne déstabilise pas les finances locales des communes déjà fragilisées par les conséquences de l'inflation.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie publiée le 07/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2023

Mme le président. La parole est à M. Thierry Cozic, auteur de la question n° 686, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Thierry Cozic. Lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, le Gouvernement a décidé unilatéralement et contre l'avis de toutes les associations de collectivités territoriales de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Une fois de plus, comme après chaque suppression de recette fiscale locale, monsieur le ministre, vous nous avez affirmé, dans cet hémicycle et la main sur le coeur, que la perte de cet impôt serait compensée « à l'euro près ».

Les promesses n'engagent que ceux qui y croient et l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité s'est insurgée contre le fait que, dans certaines collectivités, le montant de la compensation théorique était nettement inférieur au montant de CVAE qui aurait été perçue en 2023. Force est de constater que l'engagement de compenser la CVAE à l'euro près n'est pas tenu : je le rappelle, cette année, près de 650 millions d'euros manquent à l'appel...

Face à cette situation, il faut trouver des marges de manoeuvre budgétaires et vous semblez en avoir trouvé une très surprenante, à l'heure du réchauffement climatique. Vous le savez, il a été institué par la loi de finances pour 2023 un fonds vert ayant pour objectif d'accompagner les collectivités territoriales dans la lutte contre la crise climatique et contre l'effondrement de la biodiversité. Pourtant, sur les 2 milliards d'euros alloués au dispositif en 2023, 530 millions d'euros seront fléchés pour compenser la suppression de la CVAE. La circulaire du 14 décembre 2022 relative au déploiement du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires demande ainsi aux préfets de s'assurer que les collectivités concernées par la suppression de la CVAE « bénéficient [...] du fonds [...] a minima à hauteur de la compensation prévue ».

Or, s'il était bien convenu que les collectivités bénéficieraient d'un accès favorisé au fonds vert pour retrouver une compensation intégrale de la CVAE, intégrer de cette manière la compensation au sein du fonds vert est de nature à rendre plus difficile l'accès au fonds lui-même pour les collectivités bénéficiant de la compensation.

Par conséquent, monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que la part du fonds vert destinée aux collectivités concernées par la suppression de la CVAE...

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Cozic. ... s'intègre dans le montant global de la garantie de compensation ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est évidemment conscient des effets, pour les communes, de l'inflation sur les dépenses de fonctionnement de certains de leurs équipements publics, de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et de la suppression de la CVAE.

C'est pourquoi nous avons instauré, dès l'été 2022, un filet de sécurité, doté de 430 millions d'euros, et un mécanisme de compensation de la suppression de la CVAE.

Vous avez rappelé l'opposition d'un certain nombre d'élus à cette suppression, mais je tiens à rappeler qu'il s'agit d'un enjeu de compétitivité extrêmement important, notamment pour l'industrie française, que j'ai l'honneur de représenter. Nous nous sommes engagés à poursuivre la baisse des impôts de production entamée par le Gouvernement en 2021, car ces impôts demeurent plus élevés que ceux de la plupart de nos voisins européens.

La suppression de cette taxe est compensée via l'affectation aux collectivités, à compter de 2023, d'une fraction de TVA pérenne et dynamique. In fine, la compensation aboutit à une ressource en hausse de plus de 20 % en 2023 par rapport à la CVAE perçue en 2022.

En matière énergétique, le Gouvernement a protégé les collectivités locales, notamment avec le bouclier tarifaire, qui a limité pour les petites collectivités la hausse des tarifs réglementés de vente de l'électricité, et avec l'amortisseur électricité pour celles qui ne sont pas éligibles au bouclier.

Au-delà de ce soutien spécifique, le bloc communal bénéficie en 2023 d'une revalorisation forfaitaire des bases d'imposition de 7 %.

Les recettes fiscales des collectivités devraient ainsi rester dynamiques en 2023, notamment avec la hausse du produit de la TVA, évaluée à 5,1 %.

Enfin, le Gouvernement a décidé d'augmenter la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 320 millions d'euros, ce qui permettra à plus de 90 % des communes d'avoir une DGF stable ou en augmentation. Une telle hausse est inédite depuis treize ans...

Pour ce qui concerne plus spécifiquement votre question sur le fonds vert, je m'engage à étudier ce sujet de près et à vous répondre par écrit, parce que je ne dispose pas ici d'assez d'éléments de réponse.

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