Question de Mme PLUCHET Kristina (Eure - Les Républicains) publiée le 18/05/2023

Mme Kristina Pluchet attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité sur les modalités d'organisation de la dématérialisation des votes au sein des intercommunalités. Le vote électronique facilite et simplifie les opérations de vote, notamment dans les assemblées importantes en nombre de délégués communautaires. Cependant si le recours au boitier anonyme a bien été délimité afin de ne pas transformer de fait tous les scrutins en scrutins secrets, l'usage des boitiers nominatifs n'a jusqu'à présent pas été encadré pour que l'esprit de la distinction entre scrutin ordinaire et scrutin public soit conservé. En effet, un scrutin ordinaire n'a pas pour objet de retracer et attribuer les votes. Il a surtout pour fonction de dénombrer une majorité versus une minorité. L'identification des votes est effectivement possible mais de manière fugace et souvent incomplète pour les personnes présentes lorsqu'il est pratiqué à main levée. À l'inverse, un scrutin public a pour finalité de tracer le vote de chacun : la consignation au procès-verbal en est le prolongement. L'introduction du boitier électronique nominatif a malheureusement brouillé cette distinction pourtant claire entre ces 2 scrutins. Les scrutins ordinaires ont ainsi bien souvent des modalités d'affichage sur écran identiques à celles des scrutins publics. Ne subsiste donc comme différence notable entre ces 2 scrutins que la consignation au procès-verbal. Cette confusion est dommageable à plusieurs titres : tout d'abord l'affichage nominatif sur grand écran des votes permet des captures d'écran et induit une publicité de fait des scrutins par d'autres canaux, ainsi que leur conservation. Ensuite, le fait que le vote de chacun soit très aisément et exhaustivement identifiable altère la liberté de vote des élus, qui redoutent par la suite des décisions défavorables à leur commune (refus de subvention, de projets...) en cas de position contraire à celle de l'exécutif. La pratique du vote électronique revient alors à rendre quasiment publics tous les scrutins qui ne sont pas expressément secrets, alors qu'il a plu au législateur de les prévoir ordinaires.
Elle lui demande donc quel encadrement de l'affichage des votes électroniques réalisés au scrutin ordinaire pourrait être envisagé pour respecter les caractéristiques propres à ce scrutin et établir une distinction avec celles du scrutin public (en prévoyant par exemple une durée restreinte d'apparition des noms, une police plus petite, une présentation via le schéma de placement dans l'assemblée délibérante plutôt que par une liste, un contraste moins marqué de couleurs, etc).

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 23/11/2023

L'article L. 2121-21 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) définit les modalités selon lesquelles le conseil municipal peut choisir de recourir à un vote au scrutin public ou au scrutin secret, qui constituent tous deux des modalités particulières d'expression du scrutin, et se distinguent du scrutin « ordinaire ». Ces dispositions sont également applicables aux établissements publics de coopération intercommunale, par renvoi de l'article L. 5211-1 du même code. Le législateur n'a imposé aucune modalité technique ou formelle quel que soit le mode de scrutin. Le vote électronique peut ainsi être utilisé aussi bien dans le cadre d'un scrutin public que dans le cadre d'un scrutin secret, dès lors qu'il respecte les principes fondamentaux qui commandent aux opérations électorales tels que la sincérité du scrutin ou, le cas échéant, le secret du vote (réponse à une question écrite n° 11951 du sénateur Bernard FOURNIER, JO Sénat 09/01/2020, p. 165 ; réponse à une question écrite n° 2807 du sénateur Jean-Louis MASSON, JO Sénat 29/12/2022, p. 6806). Le juge administratif considère qu'une atteinte à ces principes n'est susceptible d'entraîner l'annulation du scrutin que dès lors qu'elle a exercé une incidence sur le résultat (CE, 13 novembre 1992, M. Fabius, n° 135866). Contrairement au scrutin secret, le scrutin public comme le scrutin « ordinaire » impliquent que la position des conseillers sur l'adoption du projet de délibération soit manifestée publiquement. Tout procédé qui rend anonymes les votes dans ces deux cas a pour effet d'instaurer le scrutin secret et doit dès lors respecter la procédure imposée par l'article L. 2121-21 du CGCT pour le recours à ce mode de scrutin. Le Conseil d'État a en effet considéré que le vote au scrutin secret organisé par le maire sans consulter au préalable le conseil municipal sur l'opportunité de ce mode de scrutin, et alors que le tiers des membres présents ne l'avait pas réclamé, est un vice de forme qui constitue une irrégularité substantielle de nature à entacher la légalité de la délibération en cause (CE, 21 juin 1993, n° 103407, commune d'Evry-Grégy-sur-Yerre ; CE, 5 juillet 2018, n° 412721). Dès lors, la principale distinction entre le mode de scrutin ordinaire et le mode de scrutin public réside dans l'obligation, dans ce dernier cas, de mentionner le nom des votants et le sens de leur vote dans le procès-verbal de la séance, en application de l'article L. 2121-15 du CGCT. Le fait que le recours au vote électronique permette l'affichage du sens du vote de chaque votant n'apparaît ainsi pas contraire aux modalités du scrutin « ordinaire », dans la mesure où les modalités d'expression de celui-ci, comme le vote à main levée, permettent tout autant le recours à des captures d'écran ou photographies, en particulier en cas de rediffusion de la séance sur des canaux audiovisuels.

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