Question de Mme LUBIN Monique (Landes - SER) publiée le 15/06/2023

Question posée en séance publique le 14/06/2023

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, le rapport très bien documenté que vient de publier l'Observatoire des inégalités prouve, s'il le fallait encore, avec des arguments extrêmement sérieux, que la fracture sociale continue de s'aggraver dans notre pays.

Les ouvriers et les employés, qui représentent 20 % de la population, ne voient pas leurs conditions de vie s'améliorer. Pis, ils jugent que leurs enfants n'ont pas de perspectives d'avenir. En outre, ils subissent de plein fouet la réforme des retraites, qui les pénalisera en premier. Je n'y reviens pas.

Un projet de loi relatif au plein emploi nous sera prochainement soumis. Il était question que ce texte prévoie des heures de travail obligatoires pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Cette mesure n'y figure plus. D'abord, elle était pour le moins incongrue, ensuite, elle était impossible à mettre en oeuvre.

Il reste que selon nous, ce projet de loi servira une fois de plus à jeter l'opprobre sur les plus pauvres et à les stigmatiser. Penser qu'on pourra faire travailler des gens qui sont aujourd'hui les plus éloignés de l'emploi relève d'un raisonnement simpliste. Ceux qui sont aujourd'hui encore au RSA sont ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi.

Monsieur le ministre, quelles mesures allez-vous prendre dans les prochains mois pour enfin vous attaquer à la fracture sociale, sans pour autant stigmatiser, comme toujours, les plus pauvres ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

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Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 15/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 14/06/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Madame la sénatrice Lubin, vous m'interrogez sur les difficultés liées à la fracture sociale. Parmi les causes de cette fracture figurent la précarité et le maintien dans la précarité, ainsi que l'exclusion et le maintien dans l'exclusion.

Selon un rapport publié au début de l'année 2022 par la Cour des comptes, lui aussi très bien documenté, sept ans après une première inscription au RSA, 42 % des bénéficiaires sont toujours inscrits au RSA, soit de manière continue, soit de manière récurrente, et seulement 33 % de ces mêmes inscrits ont retrouvé un emploi, lequel, souvent, n'est pas stable - et c'est un euphémisme.

Il nous faut agir. Le fait que quatre allocataires sur dix soient toujours au RSA au bout de sept ans signe une forme d'échec collectif.

C'est un échec en termes de formation. Nous y répondons avec le plan d'investissement dans les compétences (PIC). Cela prend du temps, mais c'est efficace.

C'est un échec de notre capacité à accompagner. Lorsque le revenu minimum d'insertion (RMI) a été créé en 1988, la loi prévoyait que 20 % des fonds devaient être consacrés à l'insertion et 80 % à l'allocation. Aujourd'hui, nous consacrons moins de 10 % des fonds à l'insertion. C'est aussi une explication.

Le Gouvernement souhaite investir de manière massive dans l'accompagnement, comme cela est préconisé dans le rapport que m'a remis le haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises au mois d'avril.

Nous souhaitons réformer l'accompagnement des allocataires du RSA, d'abord - je l'ai dit - en y consacrant des moyens, ensuite en prévoyant un diagnostic social et professionnel de chacun, ainsi qu'un suivi.

Aujourd'hui, près d'un allocataire sur cinq, soit 17 % des allocataires, ne bénéficie ni d'un suivi social ni d'un suivi professionnel. Nous souhaitons donc élaborer avec eux, en application de la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion, un contrat d'engagement réciproque prévoyant des activités d'insertion, de formation et d'accompagnement. Il s'agit, non pas de bénévolat obligatoire ni de travail gratuit, mais d'accompagnement.

Obtiendrons-nous des résultats pour tout le monde ? Peut-être pas. Mais le pire serait de renoncer, car 1,95 million de foyers ne vivent aujourd'hui que du RSA,...

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Olivier Dussopt, ministre. ... ce qui n'est pas une situation acceptable. C'est cela qui nourrit la fracture sociale que vous dénoncez, madame la sénatrice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, une fois n'est pas coutume, je partage votre point de vue. Le rapport de la Cour des comptes est parfaitement explicite. Nous savons que, dans une mesure assez importante, l'inclusion ne fonctionne pas.

Cela étant, le projet de loi dont nous aurons l'occasion de discuter contient certaines mesures dont je ne comprends pas bien l'utilité. En revanche, je n'ai pas vu qu'il prévoyait des moyens supplémentaires. Je crains qu'on ne confie l'insertion des bénéficiaires du RSA...

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Monique Lubin. ... à des personnes qui ne connaissent pas suffisamment ces publics. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

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